Carte blanche | Expulsions… et si on échangeait nos paradigmes ?
Un paradigme est une vision, une représentation du monde. Le lundi 30 janvier, Divine N’sunda, a été arrêtée et emmenée au centre fermé pour migrantes d’Holsbeek le lendemain. C’est votre paradigme, votre vision à l’Office des Étrangers. Nous, nous sommes des citoyen.ne.s, des enseignant.e.s, des parents, des élèves, des voisine.e.s qui se sont mobilisés pour Divine. Nous avons voulu comprendre, nous avons cherché. Et pourtant, nous ne comprenons toujours pas pourquoi Divine est enfermée.
Publié le 17-03-2023 à 16h55
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Nous ne sommes pas des expert.e.s de la politique migratoire. Nous sommes des citoyen.ne.s ouverts sur le monde et sa complexité. Nous avons chacun notre paradigme et nous aimons comprendre toutes les visions. Nous sommes aussi persuadés qu’il est essentiel d’apporter des nuances au débat politique, pour favoriser le "vivre ensemble", valeur fondamentale de la Petite École de Gentinnes, l’établissement scolaire où Divine travaille depuis des années. Les premiers jours, nos émotions ont navigué entre colère, tristesse et peur. Non, ce n’est pas "juste" une jeune femme congolaise de 35 ans qui nous a été retirée. C’est une amie, une collègue, une voisine, une accueillante extrascolaire…
Aujourd’hui, nous ne comprenons toujours pas. Pourquoi Divine est-elle enfermée ? Aujourd’hui, nous ne comprenons toujours pas et nous voulons comprendre pourquoi !
Emmenée en centre fermé le 31 janvier, et privée de sortie depuis le 6 février, Divine s’est vu refuser sa demande de régularisation sur base de l’article 9bis. Divine est aujourd’hui menacée d’expulsion. Voilà ce que nous savons, voilà le point de départ de nos réflexions.
Divine N’Sunda a fait une demande de régularisation sur base de l’article 9bis de la loi du 15/12/1980. Alors pour comprendre sa situation, nous avons fait comme tout le monde, nous avons cherché. En commençant par le site de l’Office des Étrangers. On y trouve les informations concernant l’article 9bis, qui permet à une personne, dans certaines circonstances, d’introduire sa demande de régularisation en Belgique lorsqu’elle s’y trouve déjà.
"L’Office des Étrangers apprécie les circonstances exceptionnelles au cas par cas et dans leur ensemble. Une évaluation est faite sur base des éléments positifs et négatifs". C’est donc par cet article de la loi de 1980 sur les étrangers, que Divine, et beaucoup d’autres, souhaitent faire valoir une "faveur" en démontrant que des "circonstances exceptionnelles" l’obligent à demander un titre de séjour depuis la Belgique et que des "éléments positifs" peuvent attester de son intégration.
Si une personne comme Divine, parfaitement intégrée socialement et professionnellement, se voit refuser sa demande de régularisation… alors on est en droit de se demander sur quels critères l’Office des Étrangers se base pour rendre ses décisions.
En effet, Divine coche la plupart des "éléments positifs" mentionnés sur le site de l’Office des Étrangers. Elle parle français, réside en Belgique depuis plus de 10 ans, a suivi une formation professionnalisante, s’investit bénévolement dans le secteur associatif de sa commune, a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée. Toujours avec notre regard de citoyen.ne.s, et non d’expert.e.s, nous comprenons donc que si la régularisation 9bis était objectivée autour des critères d’intégration socio-économique, Divine ne devrait pas être enfermée depuis deux semaines derrière des grillages.
Des critères flous pour une évaluation laissée à discrétion
Ce que nous avons lu, nous l’avons tous raccroché au quotidien de Divine, et au fonctionnement de l’école dans laquelle elle travaille. Dans l’enseignement, une évaluation doit être construite sur des critères clairs et connus des apprenants. Apparemment, pas dans la politique de régularisation.
Pour nous, il existe un flou sur ces "éléments positifs et négatifs" qui favoriseraient une décision positive sur base de la compétence discrétionnaire de la Secrétaire d’État, et de son administration, l’Office des Étrangers.
Pour nous, l’intégration se mesure aux sourires des enfants, à l’implication de Divine dans l’école, à la joie qu’elle diffuse autour des communautés où elle s’investit. Pour nous, l’intégration ne se mesure pas par une grille d’analyse dont les critères positifs et négatifs sont à la discrétion de quelques-uns, dans les bureaux de l’Office des Étrangers.
Pour nous, Divine EST l’élément positif. Elle a construit sa vie avec nous, comme nous avons construit notre projet éducatif avec elle. Elle est l’élément positif qui nous nourrit de sa bienveillance. Elle est l’élément positif qui nourrit la Petite École et ses élèves et qui leur apprend à devenir à leur tour un élément positif pour notre société.
Pour nous, Divine est à l’image de milliers de personnes sans titre de séjour, qui sont bien plus que des
"personnes intégrées". Elles construisent avec nous notre "demain", une société meilleure placée sous le signe du vivre ensemble.
Nous ne sommes pas des expert.e.s de la politique migratoire, nous sommes des enseignant.es, des parents d’élèves, des voisin.es, des ami.e.s de Divine. Nous sommes des citoyen.ne.s ouverts sur le monde et sa complexité. Et pour comprendre, nous avons fait comme tout le monde, nous avons cherché. Mais malgré toutes nos investigations, nous ne comprenons toujours pas l’enfermement et la menace d’expulsion de Divine. Malgré toutes nos investigations, nous ne comprenons pas. Alors échangeons nos paradigmes. Echangeons nos visions et nos critères du vivre ensemble pour qu’à votre tour, vous nous compreniez: Divine est notre circonstance exceptionnelle. Divine est notre élément positif.
Pour le personnel et le conseil d’administration de la Petite École de Gentinnes,