Anto Carte a animé le groupe Nervia
C’est à Wauthier-Braine que le peintre Anto Carte a animé le groupe Nervia, l’équivalent wallon de l’école de Laethem-Saint-Martin.
Publié le 09-03-2020 à 07h07
Anto Carte, de son vrai nom Antoine Carte, est l’un des grands artistes wallons du XXe siècle. Né à Mons, le 8 décembre 1886, il aurait pu travailler dans l’atelier de menuiserie de son père, par ailleurs fabricant de meubles. Mais il n’a aucun goût pour le bois et se retrouve, âgé à peine de quatorze ans, comme peintre en bâtiment chez le décorateur Franz Depooter. Mais on le sent déjà doué pour coucher ses impressions sur la toile. Il va ainsi être invité à fréquenter l’académie des Beaux-Arts de Mons, puis celle de Bruxelles, où il se forme aux côtés d’Émile Motte, de Constant Montald, d’Émile Fabry ou de Jean Delville. C’est sous la direction de ces derniers qu’il découvre le symbolisme et obtient, en 1909, le premier prix de paysage ainsi qu’une bourse qui va lui permettre de fréquenter, à Paris, les cours de Cavaillé-Coll et de Léon Bakst, qui travaille pour les Ballets russes de Serge de Diaghilev. Une autre révélation.
Inspiré par son ami Émile Verhaeren
C’est aussi à Paris qu’il fait l’une des rencontres les plus importantes de sa vie, celle du poète Émile Verhaeren. Ses poèmes vont inspirer ses premières œuvres. Las, le poète qu’il aimait tant se fait écraser, en 1916, par un train en gare de Rouen. Carte est effondré et range ses travaux dans un tiroir. C’est Louis Buisseret qui les découvrira et forcera le jeune peintre à les présenter lors d’une exposition organisée en l’honneur du poète décédé. Il connaît ainsi son premier succès. On le compare à Gustave van de Woestyne ou Valérius de Saedeleer. On l’associe à des expositions d’autres imagiers belges. Jusqu’à ce qu’en 1925, à l’occasion d’une exposition à l’Institut Carnegie de Pittsburgh, l’Amérique découvre son talent. Les soixante toiles qu’il y a exposées sont toutes vendues. Elles font, de nos jours encore, la fierté de grands musées d’outre-Atlantique.
D’Ohain à Wauthier-Braine
Appelé à enseigner à la Cambre, puis à l'académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, Anto Carte va quitter sa région natale pour s'installer, dès 1925, en Brabant wallon. D'abord sur la place d'Ohain, où il a trouvé «un milieu de vrai calme, loin des multiples ennuis de la ville qui sont autant d'obstacles à un bon travail», puis à Wauthier-Braine, où il rejoint ses amis artistes Franz Depooter et Andrée Bosquet. C'est là que, en 1929, avec eux, mais aussi aux côtés de Louis Buisseret et Léon Eeckman, il va créer et animer le groupe Nervia.
Considéré comme l’équivalent wallon de l’expressionnisme flamand ou de l’École dite de Laethem-Saint-Martin, ce groupe a pour ambition de permettre aux jeunes artistes wallons, tels que Léon Devos, Léon Navez, Taf Wallet et autre Jean Winance d’exposer aux côtés de talents plus confirmés, comme Pierre Paulus, Rodolphe Strebelle ou… lui-même.
Anto Carte connaît, en effet, à cette époque, une activité d’une rare intensité. On lui commande des affiches, des gravures, des lithographies, des timbres, des fresques, des vitraux, des tapisseries et même des billets de banque. La danseuse Akarova ira jusqu’à lui demander de créer ses costumes et décors. Ses tableaux, inspirés d’abord par le monde du travail, de la mer ou des charbonnages de son Borinage natal, puis par les campagnes ou des personnages typiquement brabançons, voire breugheliens, suscitent un engouement sans cesse grandissant, notamment des musées belges qui tiennent à avoir un «Anto Carte» dans leurs collections. Certaines de ses toiles valent, de nos jours, des fortunes. C’est donc en laissant un patrimoine artistique aussi imposant qu’éclectique qu’il décède, le 15 février 1954, à l’âge de 67 ans.