On a testé le resto de Philippe Meyers: entre guides Michelin et tango de Buenos Aires
La table d’un chef photographe, dont la très belle cuisine classique lui vaut une étoile. On ne mange pas le décor, mais presque, puisqu’il est fait d’une impressionnante collection de guides Michelin.
Publié le 31-05-2022 à 09h00
Marie et Simon dînent ce soir chez Philippe et Valérie Meyers, à Braine-l’Alleud. Le lieu est intime et élégant. L’élément essentiel du décor est une collection de quelque 250 guides Michelin rouges, de toutes les époques et de tous les pays, bien alignés dans leur bibliothèque vitrée. Voilà les plus anciens, qui donnaient surtout les adresses des ateliers de mécanique et des fournisseurs de pneus, tout en indiquant où se nourrir et se loger. En voici un datant de 1924 et qui ne manque pas d’originalité puisqu’il regroupe la Belgique, le Luxembourg, le sud de la Hollande et les pays rhénans. Avec l’autorisation tout à fait exceptionnelle du patron, Marie et Simon feuillettent délicatement. Elle sourit en voyant ces signes conventionnels d’autrefois, annonçant le bureau du télégraphe le plus proche ou le bidet à eau courante dans la chambre. Lui, il retrouve la mention du Pré Mondain de Daniel Van Lint, à Heure-en-Famenne. Cette "auberge rustique avec terrasse et jardin fleuri" avait été une de leurs premières tables étoilées, il y a 25 ans.
L’asperge sur les quatre assiettes
Philippe et Valérie Meyers proposent une très belle cuisine française classique qui sait cependant sortir de la tradition pour se mettre aux goûts du jour. Donc, des valeurs sûres, mais pas seulement. Et, depuis des années, certifiées par une étoile Michelin.
Le plat qui fait la réputation de la maison est un homard servi en une sorte de ragoût. Il est à peine saisi à la vapeur avant que sa cuisson ne s’achève dans une sauce américaine. Il est accompagné de pâtes sardes en crème de parmesan. Le chef aime aussi les terre-mer. Il associe la saint-jacques et le chorizo, le bœuf et l’anguille fumée, le jambon et les crevettes grises, le lard et la langoustine.
Le menu choisi par Marie et Simon célèbre l’asperge, sur ses quatre assiettes. D’abord en tartare au foie gras et en mousse à l’orange. Ensuite avec un filet de bar et dans une crème de homard. Puis avec un pigeonneau cuit sur l’os garni d’un lard ibérique qui a été doucement confit pendant 17 heures et laqué au miel, thym et sauce soja. Et jusqu’au dessert, pour parfumer une glace garnie de quelques fraises.
Pour accompagner ces plats, la patronne sommelière leur avait choisi un minervois aux senteurs de pêche et abricot, un vin basque appelé Egitegia qui a la particularité d’avoir refermenté en cuve dans l’océan, dans la baie de Saint-Jean de Luz, et aussi un rouge sicilien vif et énergique, né sur les pentes de l’Etna.
Une robe rouge vif sur un jupon
Plus encore que par les guides Michelin, Marie est intéressée par les photographies que signe Philippe Meyers. Son œil est plus spécialement attiré par celle de deux danseurs de tango, prise à Buenos Aires, dans le mythique Bar Sur du quartier de San Telmo. Elle est en noir et blanc et ne montre que les visages mais on imagine la suite. Elle doit porter une robe rouge vif sur un jupon qu’on verra dès les premières notes du bandonéon. Ils se regardent au fond des yeux. Leurs corps en déséquilibre s’appuient l’un contre l’autre. Marie voit ce face-à-face érotique comme un sentiment triste qui se danse. Elle adore et le tango et la photo.