Diagnostiquer la maladie d'Alzheimer avec certitude avant la mort du patient grâce à la ponction lombaire
Les découvertes de l'équipe de scientifiques du Pr Bernard Hanseeuw (UCLouvain) ouvrent des perspectives pour un diagnostic plus fiable ante mortem mais aussi de possibles nouveaux traitements.
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- Publié le 28-07-2023 à 06h47
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Le 22 juin 2023, l'équipe du Pr Hanseeuw publie dans Nature Communication une étude qui va aider à diagnostiquer, et au final, à prendre en charge, les personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer.
Depuis des années, les scientifiques qui tentent de mieux comprendre la maladie d’Alzheimer se heurtent à une difficulté face à aux maladies neurodégénératives, aussi appelées des tauopathies, puisqu’elles impliquent la protéine tau. Comment diagnostiquer la maladie de façon tout à fait fiable? Seule l’autopsie permet aujourd’hui de décrire les agrégats de protéine tau dans le cerveau et donc de savoir avec certitude de quel type de maladie neuro-dégénérative souffrait la personne.
Qu'est-ce qu'une tauopathie?
En 1906, D Alois Alzheimer décrit deux types de lésions, en faisant l’autopsie d’une patiente décédée à 56 ans, démente. "Il décrit deux sortes de lésions: la plaque sénile et la dégénérescence neurofibrilaire. On sait aujourd’hui que chacune de ces lésions contient une protéine. La protéine présente dans la plaque sénile est la protéine amyloïde. Cette protéine est fréquente chez la population qui avance en âge, mais ne se traduit pas forcément par un déclin cognitif immédiat", explique le P Hanseeuw.
La protéine tau a pour fonction de stabiliser les microtubules, qui servent de fil électrique des neurones ou axones. Les isoforme sont des variantes de la même protéine. Les plus longs, les 4R, fixent davantage le microtubule, ce qui donne des neurones plus stables. Les 3R fixent moins bien, ce qui donne des neurones plus flexibles.
Mesurer dans le liquide céphalo-rachidien
Evidemment, il est important de pouvoir diagnostiquer la maladie avant le stade de l'autopsie.
"Cela fait des années, explique le Pr Bernard Hanseeuw, qu’on essaie de mesurer ces isoformes dans le liquide céphalo-rachidien prélevé par ponction lombaire sur les patients mais on n’y arrive pas. Pourquoi ? Parce que dans ce liquide, par définition, on n'a que des protéines solubles: les protéines agrégées sont dans le cerveau, comme le sucre au fond d'un café. Elles ne sont donc pas présentes dans le liquide, où l'on n’observe pas de différences d’isoformes entre les tauopathies."
Actuellement, la ponction lombaire permet de voir que la protéine tau est malade, ça donne un diagnostic de tauopathie. Mais on ne peut pas encore différencier la maladie d'Alzheimer des tauopathies primaires, comme la maladie de Pick (démence fronto-temporale) et la démence cortico-basale, toutes deux plus rares. "Quand la maladie de la protéine tau est diagnostiquée, souvent, on pense qu'il s'agit de la maladie d'Alzheimer, sur base des symptômes, et sur base de sa fréquence, par rapport aux autres tauopathies" reconnaît le Pr Hanseeuw.
Les chercheurs de l'institut de neuroscience (IoNS) ont travaillé sur le cerveau des personnes décédées d'une maladie neurodégénérative, comparant les agrégats et la protéine solubles, grâce à la spectrométrie de masse. Ils ont extrait la protéine tau d'échantillons de cerveaux, ont séparé les agrégats de la fraction soluble, et analysé séparément la protéine tau agrégé et la protéine tau soluble.
"Dans la maladie d’Alzheimer, tous les isoformes sont malades et s’agrègent. Dans d’autres tauopathies, ce sont soit des isoformes dits 4R soit des isoformes 3R qui s’accumulent."

A l'heure actuelle, la ponction, ne permet donc toujours pas de différencier la maladie d'Alzheimer des tauologies primaires, mais l'étude du Pr Hanseeuw apporte les outils pour y arriver dans un avenir proche.
Important à cause des futurs traitements
Des essais cliniques ont encore été réalisés récemment, confirmant que le ne pourra aider que les patients avec des troubles cognitifs légers. "Environ la moitié ont une maladie d’Alzheimer prodromale, c’est-à-dire, les 1ers symptômes, environ 5 ans avant la démence. "
Le Lecanemab n'est pas encore approuvé par l’Agence européenne du médicament (EMA), mais comme il ne pourra aider que les personnes en phase très précoce d'Alzheimer, et pas les autres types de démences, il sera donc d'autant plus important d'affiner le diagnostic, en cas de remboursement.