Affaire Duferco: Serge Kubla condamné à 2 ans de prison avec sursis pour corruption et blanchiment (vidéo)

L'ancien ministre wallon Serge Kubla a été condamné ce jeudi pour corruption et blanchiment entre 2010 et 2012.

Belga

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné, jeudi matin, l'ancien ministre wallon Serge Kubla à une peine de deux ans de prison avec sursis, à une amende pénale de 60.000 euros et à une confiscation de 600.000 euros pour corruption de mandataires politiques et de mandataires de sociétés congolais ainsi que pour blanchiment d'argent. Concernant la société Duferco et deux de ses dirigeants, le tribunal a déclaré certaines préventions prescrites et les a acquittés pour les autres.

Le tribunal a considéré que Serge Kubla avait participé à des faits de corruption, entre 2010 et 2012, lorsqu'il effectuait des missions de consultance pour l'entreprise sidérurgique Duferco. L'ancien ministre wallon de l'Économie et ancien bourgmestre de Waterloo avait admis avoir été présent lors de la remise d'une somme de plusieurs dizaines de milliers de dollars à un gérant de la Société nationale de Loterie (Sonal), une société congolaise de jeux de hasard. Cette remise d'argent avait eu lieu dans un restaurant à proximité de la place Flagey à Ixelles. Il s'agissait, selon ses termes, d'un "droit d'entrée de départ".

En 2010, Duferco avait pris la décision d'injecter des fonds dans la Sonal, le but étant, pour l'entreprise sidérurgique, de se donner les chances d'obtenir des gisements miniers au Congo. C'est un homme d'affaires français, Daniel Sparza, qui avait pris contact, pour le compte de la Sonal, avec Serge Kubla, qui agissait comme intermédiaire pour Duferco au Congo et dans d'autres pays d'Afrique. Dans le cadre de ce contrat, des pots-de-vin ont été versés à des gérants de la Sonal et à des dirigeants politiques congolais, pour un montant de 500.000 dollars.

Le tribunal a néanmoins estimé qu'il n'était pas certain que la remise, par Kubla, d'une enveloppe contenant une somme de 20.000 euros, à l'épouse du Premier congolais de l'époque, Adolphe Muzito, dans un hôtel à Bruxelles, était de la corruption.

Le tribunal a ensuite acquitté l'ancien homme fort de Waterloo pour prise illégale d'intérêts dans le cadre de la recherche d'un repreneur du site des Forges de Clabecq après Duferco.

Enfin, il a reconnu Serge Kubla coupable de blanchiment d'argent, après avoir conclu que certaines sommes versées sur son compte en Suisse avaient une origine illicite. Ce compte avait été alimenté par des dépôts d'argent en liquide, issu de revenus pas toujours déclarés, avait avoué l'ex-politicien libéral. Ce compte présentait un montant d'un peu plus de 1.400.000 euros en 2013, dont une importante partie a été prélevée par son détenteur via des retraits en liquide dans une filiale de la banque, au Grand-Duché du Luxembourg.

Pour établir la peine à prononcer, le tribunal a notamment tenu compte du fait que de tels actes de corruption "contribuent à maintenir l'écart de richesse" au Congo, et qu'ils sont d'autant plus graves que Serge Kubla "avait encore des mandats publics". Il a néanmoins tenu compte du très long délai qui s'est écoulé depuis les faits.

Début de l'enquête en 2014, suite à une disparition

L'enquête dans cette affaire remonte à juin 2014, lors de la disparition au Congo de Stéphane De Witte, un comptable qui travaillait au service du groupe sidérurgique italo-suisse Duferco. Un dossier a été mis à l'instruction pour assassinat et les policiers sont tombés sur le nom de Serge Kubla dans des documents remis par l'ex-épouse de Stéphane De Witte. L'ancien homme politique assurait des missions de consultance pour Duferco, notamment au Congo.

Serge Kubla a officié comme consultant pour Duferco en Afrique à partir de 2007

Selon l'enquête, un homme d'affaires français, Daniel Sparza, est entré en contact avec Serge Kubla en 2010, parce qu'il cherchait des investisseurs pour une société congolaise de jeux de hasard, la Société nationale de Loterie (Sonal). Par la suite, Duferco a pris la décision d'injecter des fonds dans cette société, le but étant, pour l'entreprise sidérurgique, de se donner les chances d'obtenir des gisements miniers dans ce pays d'Afrique. De Witte avait alors été envoyé au Congo afin de suivre de près les investissements de Duferco.

C'est notamment dans ce contexte d'affaires que Serge Kubla a remis une enveloppe contenant une somme de 20.000 euros, dans un hôtel bruxellois, à l'épouse d'Adolphe Muzito, alors Premier ministre congolais. Pour le ministère public, cet acte était à englober dans la corruption qui a été exercée à l'égard de représentants politiques congolais et de dirigeants de la Sonal, mais le tribunal ne l'a pas suivi sur ce point précis.

Affaire Duferco/Kubla: l’irrecevabilité des poursuites plaidée pour Antonio Gozzi, directeur général de Duferco

La défense de Serge Kubla, Me Denis Bosquet et Me Sabrina Scarna, avait fustigé le juge d'instruction et les enquêteurs, parlant de vices de procédure, car Serge Kubla avait été convoqué par le magistrat instructeur, en octobre 2014, pour être entendu comme témoin dans l'enquête sur l'assassinat présumé de Stéphane De Witte. Or, il a été interrogé, sans être assisté d'un avocat, sur ses missions pour Duferco, sur les commissions qu'il percevait pour ce travail - il était question de revenus à hauteur de 240.000 euros par an - et sur sa société, Socagexi, basée à Malte, qui facturait ces services de consultance à Ironet, une filière commerciale de Duferco, basée au Liechtenstein. Jeudi, le tribunal a reconnu que des erreurs avaient été commises durant l'instruction, mais n'a pas estimé que les poursuites devaient être déclarées irrecevables pour autant.

"Je dois encore faire l'examen de ce jugement avec mes avocats"

L'ancien ministre wallon Serge Kubla a déclaré, jeudi, à l'issue du jugement qui le condamne pour corruption vis-à-vis de mandataires politiques au Congo et pour blanchiment, qu'il devait analyser cette décision avant d'interjeter un éventuel appel. "Je dois encore faire l'examen de ce jugement, qui est long, avec mes avocats et voir exactement ce qui en découle", a-t-il déclaré. "Ce n'est donc pas forcément fini, mais j'ai un a priori positif", a-t-il ajouté.

"C'est un très long jugement, extrêmement bien motivé", a tout d'abord réagi Me Denis Bosquet, l'un des avocats de Serge Kubla, après le prononcé du jugement par le tribunal correctionnel de Bruxelles. "Des préventions, dont le parquet fédéral demandait à ce qu'elles soient établies, n'ont pas été retenues. Nous estimons donc que c'est quand même une victoire sur certains points. Sur d'autres, nous n'avons pas été entendus, mais nous sommes satisfaits de toute une série de choses et notamment que l'on tienne compte du temps écoulé", a analysé à chaud le pénaliste. "Et ce que nous estimions être des éléments qui pouvaient entraîner l'irrecevabilité des poursuites ne sont pas retenus comme tels mais le tribunal estime bien qu'il y a eu des erreurs qui ont été commises dans l'enquête".

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Serge Kubla a quant à lui affirmé qu'il devait prendre le temps d'analyser ce jugement avec ses avocats, et en parler avec sa famille, avant de décider de former éventuellement un appel. "J'étais résigné quant au fait que je devais passer par cette case tribunal, et donc je m'incline, mais, comme l'a dit Me Bosquet, il y a de bonnes choses, où on a tenu compte de la réalité des faits, et il y a des choses qui ne passent pas", a-t-il exprimé.

"Si on continue comme ça, l'Afrique, ce n'est pas pour les Belges", a-t-il laissé échappé aussi, avant de préciser qu'à 75 ans, et après avoir tourné la "page politique", il souhaite surtout profiter des prochaines années, car il "continue à être actif".

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