Wavre et environs : des livreurs de cocaïne pilotés… depuis la Guinée
Un total de plus de 30 ans de prison requis contre dix prévenus, membres d’une association mise sur pied par un Guinéen, pour vendre de la cocaïne.
Publié le 10-01-2023 à 06h43
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Les dossiers de "centrales" qui envoient à la rencontre des toxicomanes du Brabant wallon des livreurs de cocaïne se suivent devant le tribunal correctionnel, mais tous ne se ressemblent pas. "Depuis l’apparition de ce système en 2018, j’ai l’impression que ça se professionnalise", a indiqué lundi la substitute qui poursuivait dix prévenus dans un (gros) dossier de ce type.
En 2020, la police reçut une information à propos d’un habitant de Forest qui effectuait depuis 2019, du côté de Wavre de nombreuses livraisons: les clients contactaient un numéro de téléphone pour passer commande, et leur interlocuteur leur indiquait un point de rendez-vous et une heure à laquelle arriverait le livreur.
Un livreur à l’hôtel
Le confinement et ses interdictions de déplacement ont bousculé les habitudes mais l’organisation s’est adaptée. Le livreur surveillé par la police a pris une chambre dans un hôtel de Wavre. Un homme passait l’approvisionner chaque matin en cocaïne depuis Bruxelles. Le stock était renouvelé le lendemain et l’argent des clients était emporté par le même homme.
Les enquêteurs ont identifié un véhicule utilisé pour les livraisons. Il s’agissait d’une Toyota, immatriculée au nom d’une société constituée pour exploiter un café dans le centre de Bruxelles. Cette société, dont le gérant a un casier judiciaire bien fourni, avait en réalité fait immatriculer… dix Toyota Yaris !
Les données des caméras ANPR ont montré que ces véhicules circulaient beaucoup à Bruxelles, en Brabant wallon et en Brabant flamand. Alors que l’enquête était en cours, un des véhicules a été intercepté. Le conducteur était en possession de 47 pacsons de cocaïne – il débutait sa tournée quotidienne – et d’un peu plus de 400 €.
Une organisation très bien structurée
Avec les observations réalisées, l’exploitation des GSM des suspects puis plus tard les déclarations de ceux-ci, les policiers ont mis au jour une organisation très bien structurée, qui avait la particularité d’être pilotée de l’étranger par un ressortissant guinéen. Yacouba B, qui logeait dans des Airbnb lorsqu’il était de passage en Belgique pour récupérer son argent, suivait de près ses affaires mais tout en passant beaucoup de temps dans son pays natal mais aussi en France et en Espagne.
Il avait des contacts quotidiens, via l’application Telegram, avec les membres de son association. Il exigeait des décomptes précis, imposait des horaires de travail aux livreurs, se tenait au courant des volumes écoulés par chacun…
Les "dispatchers", qui reçoivent les appels des clients et organisent les livraisons, étaient pour une part également basés en Guinée. Les livreurs, une dizaine au moins, se répartissaient trois secteurs: Brabant wallon, Brabant Flamand et Bruxelles. La cocaïne arrivant des Pays-Bas, était entreposée chez des "nourrices" dont la tâche était d’approvisionner les livreurs sans qu’ils soient en possession de quantités trop importantes lors des "tournées".
Un chiffre d’affaires estimé à 3 millions d’euros pour dix mois
L’argent cash était ramené à Bruxelles, où une amie de Yacouba B. jouait la banquière. Les livreurs gagnaient 1 000 € par semaine, mais vendaient chacun pour minimum 750 € par jour. Les enquêteurs ont estimé le chiffre d’affaires de l’association, réalisé en 10 mois, à… 3 millions d’euros !
Lundi, 7 ans de prison ferme et 24 000 € d’amende ont été requis à l’encontre de Yacouba B, qui a disparu dans la nature. Le total des peines de prison requises contre les dix membres de l’association dépasse 30 ans et les confiscations demandées sont à la mesure du "business" mis au jour par l’enquête.
Le 23 janvier, la parole sera aux avocats de la défense.