Vendée Arctique: «Elle nous souriait, cette ligne d’arrivée», s’afflige Denis Van Weynbergh
Denis Van Weynbergh, skipper d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, revient sur sa Vendée Arctique après avoir dû abandonner, samedi, cette course qualificative pour le Vendée Globe 2024.
Publié le 20-06-2022 à 15h00 - Mis à jour le 20-06-2022 à 15h01

La Vendée Arctique, course à la voile en solitaire, s’est terminée samedi à 20h22 sur une décision douloureuse pour Denis Van Weynbergh: l’abandon, à moins de 20 milles nautiques (37km) de la ligne d’arrivée. Mais la tempête et les avaries subies ont contraint le skipper d’Ottignies-Louvain-la-Neuve à capituler.
Denis Van Weynbergh, vous êtes à l’abri dans un fjord islandais. Comment allez-vous après cette course extrême?
Je suis un peu fatigué quand même (rires) et le bateau, Les Laboratoires de Biarritz, aussi. Comme beaucoup de bateaux, il est ressorti meurtri de cette régate. Samedi, j’ai tapé quelque chose de très dur et j’ai perdu mon safran (NDLR: petit aileron, élément du gouvernail). Et ce n’est qu’une fois à l’abri que je me suis rendu compte que la partie avant du bateau avait aussi été arrachée lors de l’impact. Heureusement, à cet endroit-là, il y a la crash-box, sorte d’airbag qui sert justement à ça. Il n’y a pas de voie d’eau et ce n’est pas un souci pour naviguer. Mais je suis passé pas loin de la catastrophe, car si ça avait tapé à un autre endroit, j’aurais eu une voie d’eau importante et ça aurait été une autre paire de manches.
Comment allez-vous rentrer?
Mercredi ou jeudi, normalement accompagné, je vais ramener le bateau aux Sables d’Olonne, en France. On va y aller mollo, ça devrait nous prendre une bonne semaine. Mais avant, je dois trouver un plongeur pour qu’il inspecte la coque et on doit voir comment rentrer avec un seul des deux safrans. Et je dois aussi aller voir un médecin pour faire examiner ma jambe.
En pleine tempête, vous avez glissé. Racontez-nous ce qu’il s’est passé?
Les conditions étaient assez dantesques. J’ai connu des rafales de vent jusqu’à 53 nœuds (98,16km/h). Mais à un moment, j’ai dû sortir pour effectuer des réglages et j’ai fait le grand écart… J’ai l’arrière de la cuisse déchirée.
Comment avez-vous vécu cette tempête?
Mon bateau a juste été incroyable, je ne me suis jamais senti en insécurité. Il s’est parfois mis sur la tranche, à 45° avant de se remettre à plat et d’accélérer, c’était impressionnant. Sinon, en tant que skipper, on est dans la cabane et on attend que ça passe en espérant avoir réalisé les bons réglages auparavant. Car avec de tels vents, même se déplacer dans le bateau est une aventure. On ne sait même pas cuisiner, on grignote. On se cale donc dans un coin et on est juste content que tout se passe bien!
Vous aviez déjà connu de tels vents?
En classe 40, oui. Mais là, le vent venait de 3/4 arrière, ce qui était beaucoup plus simple à gérer même si c’était impressionnant aussi.
Le départ de la course fut rapide avant une zone sans vent ou presque et puis la tempête… Quelle course!
C’était une course compliquée. Elle avait bien débuté et c’était intéressant car ce n’était pas une course de vitesse, elle fut stratégique. D’ailleurs les voiliers d’ancienne génération à dérives droites comme le mien ont fait belle figure par rapport aux bateaux à foils.
À cause des vents violents, la course a été raccourcie et même neutralisée, mais vous n’avez jamais su atteindre la ligne d’arrivée, une porte virtuelle placée par l’organisation au Sud-Est de l’Islande. Vous en étiez pourtant proche. Déçu, on imagine...
C’est une très grosse déception et même un sentiment d’injustice car je n’ai pas mal navigué et avec ma super équipe de bénévoles, on n’avait pas mal préparé le bateau. Mais les fortunes de la mer en ont décidé autrement, même si cette porte nous souriait… Samedi à 18h, j’y croyais encore.
Mais ce ne fut pas possible…
Avec un safran en moins, c’est possible d’avancer avec moins de vent. J’ai donc été me mettre à l’abri avant d’essayer de repartir. Mais le vent était tombé sur l’ensemble de la zone jusqu’à la zone d’arrivée. Il n’était dès lors plus possible de gagner la ligne dans les temps, à savoir avant le dimanche à 7h du matin. La mort dans l’âme, j’ai pris la décision d’abandonner.
Au final, cela fait un paquet d’expérience pour la suite.
Effectivement, mais j’aurais préféré franchir la ligne. Toutefois, les milles parcourus sont comptabilisés dans mon portefeuille en vue du Vendée Globe 2024. Cela fait partie du processus initiatique vers ce tour du monde en solitaire sans escale ni assistance pour lequel je me qualifierai lors d’une prochaine course...