«Emprise», un roman coup de poing
Le premier roman de la jeune Manon Terwagne a remporté le prix Laure Nobels. Il parle de la maltraitance des femmes avec un réalisme qui fait froid dans le dos.
Publié le 21-05-2022 à 06h00
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Manon Terwagne, 21 ans, de Namur, recevra le prix Laure Nobels, pour son premier roman, Emprise , le 2 juin prochain. La maltraitance des femmes est au cœur du premier ouvrage de cette jeune étudiante en sciences sociales qui écrit avec ses tripes.
"[…] Raphaël s’approche, m’agrippe la main. La serre, de plus en plus fort. Je sais ce qu’il attend de moi. Acéré, son souffle me transperce. Je m’appelle Joséphine, j’ai 26 ans et deux enfants à protéger. Et nous voilà confinés pour une durée indéterminée."
Manon Terwagne, c’est un sujet grave et lourd pour un premier roman écrit à 20 ans…
En fait, je n’avais que 19 ans lorsque je l’ai écrit. En deux mois, d’une traite, entre avril et mai 2020, j’ai écrit les 150 pages du livre. Je ne sais pas expliquer exactement d’où m’est venue cette idée…
Mais vous faites des études d’assistante sociale. Vous êtes en 3eet dernière année. C’est le genre de sujet qui vous intéresse. Quelles sont vos sources d’inspiration?
Je lis beaucoup, je suis aussi une grande fan des documentaires d’Arte. Cela me nourrit certainement. Et puis, j’ai aussi l’expérience de terrain. Le samedi, je travaille comme bénévole dans un centre dela Croix-Rouge qui accueille des demandeurs d’asile à Yvoir. J’y rencontre des familles et je m’occupe d’enfants de migrants. Cela m’a inspiré mon nouveau roman que je suis en train d’écrire et qui évoque l’histoire d’une jeune Afghane qui quitte son pays suite à un mariage forcé pour rejoindre la Belgique, et qui va perdre son enfant de 3 ans…
C’est encore un sujet extrêmement dur et lourd pour une jeune auteure…
Les émotions des autres, je les ressens, c’est très facile pour moi de les écrire. Ça coule de source. Je ne sais pas expliquer pourquoi. Je pense que j’ai une forte capacité d’empathie. D’ailleurs, le narrateur parle en "je" dans mon livre.
Ceux qui vous ont lue, car le livre est déjà en librairie, sont tous surpris par la justesse avec laquelle vous décrivez le ressenti des femmes maltraitées. Comment faites-vous?
Je m’interroge moi aussi sur cela. Je n’ai pas la réponse. Mais je pense qu’il y a quelque chose de l’ordre de la transmission, dans mes ancêtres proches ou lointains, des secrets de famille, que je ressens. Je pense que, inconsciemment, je porte quelque chose de mon entourage. Mais c’est une explication que tout le monde ne suit pas…
Vous êtes actuellement et depuis janvier à l’île de la Réunion, en Erasmus où vous faites un stage en pédopsychiatrie. Vous êtes curieuse de voir comment votre livre sera reçu?
Oui, évidemment et j’espère qu’il va être inspirant pour les femmes victimes de violence. Ici, à La Réunion, j’ai convaincu quelques libraires de se procurer mon livre et de le vendre. J’ai fait des séances de dédicaces et j’ai aussi participé à un salon du livre. Plusieurs femmes battues qui m’ont lue m’ont dit qu’elles avaient retrouvé, non pas leur histoire personnelle, mais leurs émotions, leur ressenti. Et que depuis lors elles essayent de s’en sortir et de se documenter sur le sujet. J’en vois beaucoup, de ces femmes, ici. Et je suis très heureuse si mon livre peut être un outil dans le cadre de cette problématique.
«Emprise», de Manon Terwagne, Éditions Ker, 142 pages, 12€.