André Grenier : «L’avenir des élèves n’est pas plombé»
À la tête des sept écoles de l’enseignement provincial du Brabant wallon, André Grenier se dit inquiet pour le niveau des élèves du secondaire, mais il reste positif sur le long terme. À condition que les écoles restent en présentiel à 100%.
- Publié le 11-01-2022 à 06h32
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Quelque 5 000 élèves et un millier de professeurs fréquentent les établissements de l’enseignement provincial en Brabant wallon. En septembre dernier, à la rentrée, André Grenier, le directeur qui chapeaute ces différentes implantations et instituts (Cepes, Ipam, IPES), se disait ravi de retrouver élèves et professeurs en chair et en os. Il a dû déchanter quelques mois plus tard puisque l’enseignement hybride a refait son apparition en décembre dernier. Le directeur retrouve aujourd’hui tout le monde en 100 % présentiel, c’est un soulagement et cela devient même un impératif.
La rentrée de janvier a eu lieu ce lundi sous le signe du variant Omicron. Les établissements de la Province ont-ils noté un fort taux d’absentéisme chez les professeurs?
Je n’ai pas encore les chiffres à ce sujet, mais je suppose qu’il y aura effectivement des quarantaines à gérer. Car les foyers sont généralement localisés dans les familles. Mais ce n’est pas insurmontable. Même si ce n’est pas idéal, s’il est absent 10 ou 15 jours, un professeur peut donner des travaux à ses élèves, par exemple.
Vous êtes soulagé, malgré tout, de retrouver les élèves en présentiel?
C’est l’essentiel même. On a parfaitement compris les mesures qui ont été prises en décembre d’hybrider l’enseignement, mais enseigner via une plateforme, ce n’est quand même pas la panacée. Il y a tout le non-verbal qui ne passe pas, les temps de préparation des cours sont multipliés par deux, et malgré tout ce qui est fait, les apprentissages sont plus lents et moins bien intégrés.
L’enseignement est, depuis bientôt deux ans, mis à toutes les sauces à cause du Covid. Êtes-vous fondamentalement inquiet pour les apprenants? On ne peut pas imaginer que les apprentissages sont intacts…
Non, évidemment. À l’heure actuelle, les élèves ont inévitablement accumulé du retard. Et c’est d’autant plus vrai dans les classes d’enseignement professionnel et technique. Nous avons des options mécanique, coiffure, hôtellerie, etc. Dans l’enseignement purement qualifiant, certains professeurs ont revu leurs méthodes et font preuve d’une inventivité incroyable depuis deux ans.
Des inquiétudes particulières pour les 2es secondaires
Quelles sont vos plus grosses inquiétudes?
Je pense que ce retard n’est pas si grave pour les élèves qui sont actuellement en 3e et 4e, car l’échéance d’un examen externe certificatif est relativement lointaine: le CESS aura lieu dans trois ou quatre ans pour eux.
Je suis plus inquiet pour les élèves qui sont cette année en 2e secondaire. Ils méritent une attention soutenue car ils étaient en 6e primaire en 2020 et ils sont tous passés en secondaire sans devoir réussir leur CEB. Ensuite, leur 1re année en secondaire a été chahutée par le Covid et ils ont bénéficié de la clémence des conseils de classe… mais ils devront passer leur CE1D en juin. Cela signifie qu’il faut qu’ils soient prêts pour cet examen externe très important. Il leur reste deux trimestres pour se préparer. C’est jouable, à condition qu’ils n’aient plus à subir du distanciel.
Pourquoi ce CE1D est-il si important?
La fin de la 2e année secondaire est la fin officielle d’un tronc commun à tous les élèves. Après, viennent les années d’orientation. Voilà deux ans qu’on est sur un passage semi-automatique des élèves à l’échelle de la FWB. On n’a pas nécessairement bien orienté les élèves qui sont maintenant en 3e ou 4e.
Est-il imaginable que le ministère de l’Enseignement donne des directives pour que ce CE1D soit plus facile en juin?
Non, je ne pense pas qu’on puisse abaisser le niveau. Le niveau d’exigence fait déjà l’objet chaque année de débats parmi les enseignants… Par contre, certains points du programme sont facultatifs, d’autres pas. C’est important de ne pas passer à côté des bases, sinon des lacunes vont poursuivre les élèves au cours des années suivantes. Et puis, il est important d’inculquer à nos jeunes cette faculté d’emmagasiner des connaissances car ils devront le faire plus tard s’ils poursuivent des études.
Avec cette crise sanitaire, on ne sait pas où on en sera dans un mois. On travaille dans l’inconnu. C’est difficile pour tout le monde. Et j’avoue que je crains de voir augmenter le nombre d’échecs en juin.
Que peut-on faire pour sauver les élèves alors?
Dans l’immédiat, mon espoir est que les écoles puissent continuer à fonctionner à 100 % en présentiel. C’est la priorité pour moi. L’avenir des jeunes n’est pas plombé. Il leur reste du temps pour rattraper les lacunes. Pour les 5e et 6e, il reste peu de temps mais il faut s’ôter de la tête que les écoles supérieures et les universités fonctionnement comme des rouleaux compresseurs.
Sincèrement, l’avenir des élèves est-il plombé?
Non! Leur avenir n’est pas plombé. Il y a toujours une marge de manœuvre pour évoluer. Et non, je veux être rassurant, il n’y aura pas dans dix ans une "génération Covid" qui serait une génération d’élèves qui ne saura rien.