La Curta, une ancêtre de la calculette au futur musée de l'UCL
La calculatrice Curta est un des objets qui va pouvoir être montré au public grâce au déménagement du musée universitaire.
Publié le 22-07-2016 à 06h00
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Qui dit calculatrice pense à la calculette, petite machine électronique que tout écolier a manipulé. Pourtant, il en a fallu du temps pour en arriver là depuis la création de la Pascaline par Blaise Pascal au XVIIe siècle. Dans le futur musée L, on pourra voir une des dernières machines mécaniques à calculer, une Curta.
La Curta a été produite entre 1948 et 1972 au Liechtenstein. «C'est l'une des plus petites machines mécaniques qui existe. On peut la mettre dans sa poche. Elle est capable de réaliser les quatre opérations de base (addition, soustraction, multiplication et division) ainsi que des opérations avec des racines carrées», commente Élisa de Jacquier, chargée de sélection des collections scientifiques du musée de l'UCL.
Elle ressemble à un moulin à café ou à un moulin à poivre. Certains y voient aussi une «grenade», vu sa manette de remise à zéro en forme d’anneau, sur le dessus de la machine.
Son inventeur est un Autrichien, Curt Herzstark (1902-1988). «Il travaillait dans l'usine de son père, un Juif, qui fabriquait notamment des machines à calculer. En tant que délégué commercial, il a pris note des remarques des clients pour finalement concevoir sa machine en 1937.»
Mais elle ne sera produite qu'à partir de 1948. «Vu l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie, il a refusé de la construire.» Par contre, l'usine a dû fabriquer des appareils de mesure pour l'armée allemande. Pendant la guerre, des ouvriers seront surpris en train d'écouter une radio anglaise. Il tentera de les défendre et fut alors arrêté pour «aide aux Juifs et aux éléments subversifs» ainsi que «contacts indécents avec des femmes aryennes».
En 1943, Curt Herzstark est envoyé au camp de concentration de Buchenwald. «Il est rattaché à l'usine du camp en tant qu'esclave intelligent. Les geôliers lui ont demandé de construire sa machine pour l'offrir à Hitler après la guerre…»
Liliput, son nom originel
Il n’en sera rien. Les Américains ont libéré le camp en 1945 et l’inventeur en sortit avec les plans en poche.
Le prince François-Joseph II du Liechtenstein rachètera l’invention, souhaitant faire entrer son pays agraire dans l’ère moderne. La société Contina fut fondée en 1946 et la production de la Curta débuta en 1948.
La machine devait s’appeler Liliput, mais une déléguée commerciale lui a donné le nom de Curta, la calculatrice étant la fille de Curt Herzstark…
La Curta présentée ici est de type 1, date de 1961 et était utilisée par les techniciens pour former les utilisateurs. «C'est pour cela qu'on voit le mécanisme intérieur.» La machine provient de la donation Luc de Brabandere, philosophe d'entreprise qui a fait don de sa collection de machines à calculer mécaniques au musée L et au Planétarium de Bruxelles.
Dans la soutane de Lemaître ?
Georges Lemaître, chanoine, astronome, physicien et professeur à l'UCL, est l'un des pères de la théorie du Big Bang expliquant les origines de l'univers.
Il était passionné de mathématique et intéressé par les avancées technologiques des machines à calculer. Une anecdote, relatée par un de ses collaborateurs dans une de ses biographies, dit qu'il avait une Curta dans une poche de sa soutane. Cette information n'a pu être vérifiée. Mais les personnes en charge du Fonds d'archives Georges Lemaître ont confirmé qu'il possédait une calculatrice de «poche» de type Addiator. En ce qui concerne la Curta, le mystère reste entier.
De l'ombre à la lumière
Le musée de Louvain-la-Neuve est en pleine métamorphose. Il va en effet quitter ses étroits locaux situés place Blaise Pascal, non loin de la faculté de philosophie et lettres de l'UCL, pour prendre place dans l'ancienne bibliothèque des Sciences, bâtiment emblématique du haut de la ville.
Actuellement fermé pour préparer son déménagement – notamment l'emballage de ses quelque 25 000 œuvres – il rouvrira dans ses nouveaux locaux au printemps 2017.
Le nouveau musée universitaire, appelé musée L, permettra de mieux mettre en valeur ses collections. C'est pourquoi, cet été, nous présentons, en compagnie des experts du musée, neuf œuvres d'art et objets qui sortiront de l'ombre des réserves pour intégrer l'exposition permanente du futur musée.