Sambreville : 30 tiny houses en projet à Moignelée
Un projet de construction de 30 habitats légers, à Moignelée, est à l’enquête publique. Public cible: des citoyens précarisés dont la fragilité bafoue le droit à être logé dignement.
Publié le 09-03-2023 à 12h28 - Mis à jour le 09-03-2023 à 12h45
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C’est sans doute parce qu’il est généreusement inédit dans son intention, et exclusivement destiné à des citoyens confrontés à la galère d’être dignement logés, que ce projet a dû trouver des âmes charitables, et franchement à gauche, pour l’accueillir. Son promoteur, Dominique Bigneron, a dû prendre son bâton de pèlerin. "J’ai fait 36 bourgmestres avant d’en trouver enfin un", confie-t-il. C’était en juillet 2021.
Le bon samaritain sensible au phénomène du mal-logement est effectivement encarté à gauche. Il l’a trouvé à Sambreville, commune rouge à plein pot.
À entendre le fondateur de l’ASBL Un Toit vers l’Avenir, qui a son siège rue de la Vieille Église à Dave, et également maître de l’ouvrage, le député-mayeur Jean-Charles Luperto a été le seul à réserver une suite favorable à cette modeste cité de la joie n’ayant rien à voir avec les gros sous de l’immobilier résidentiel traditionnel.
Porté par les services sociaux locaux et mis en œuvre sur papier par le bureau d’architecture andennais Architectes CM2, le projet est entré depuis lundi dans la case de l’enquête publique. Une première étape en vue de l’obtention du permis d’urbanisme, ce qui l’expose officiellement aux remarques et critiques. Sur la page Facebook Sambreville 2.0, un certain Ca Li a ouvert le bal à l’ironie: "Merci à notre bonne vieille commune socialo, et à JCL (Jean-Charles Luperto). De la réinsertion au fin fond de Moignelée, financée par un Namurois, hum…"
Nous avons consulté le dossier ce mercredi. Les travaux faisant l’objet de la demande consistent en la construction d’un immeuble "centre de jour", de 3 logements 3 chambres ainsi qu’un ensemble de 30 petits logements de type habitat léger.
Dominique Bigneron, ex-gestionnaire de l’Espace Dignité à Jambes, qui a défrayé la chronique fin 2022, se décrit comme un humaniste. S’il a pu développer ce projet à plus d’un million€, c’est d’abord, explique-t-il, grâce à un mécène de haut vol, Caritas International. Ensuite grâce au précieux concours de Sambr’Habitat, la société locale de logements publics. À Moignelée, celle-ci lui cède des terrains jouxtant les rues Émile Vandervelde et de la Closière sous bail emphytéotique, pour une durée de 40 ans. Mais le compte n’y est pas encore. Il manquerait entre 200 et 300 mille€ et l’humaniste promoteur n’a pas encore réussi à obtenir une rallonge d’argent public.
Transparence et empathie
Dans la note explicative accompagnant les plans, "Un Toit vers l’Avenir" expose sa philosophie architecturale: restaurer, à travers l’accès à un logement de qualité, le sentiment d’appartenir à une vie sociale équilibrée. Or, les plus démunis sont confrontés à la rapacité humaine. Ils sont écartelés entre deux alternatives: dormir dans la rue, sous abri, ou accepter de scandaleuses conditions de logement. "Les rares biens accessibles sont souvent délabrés, limite insalubres, et monnayés à des prix de location totalement prohibitifs", constate le demandeur du permis. Et les abris de nuit ? "Leurs conditions d’accès ou règles internes sont jugées trop rigides et rébarbatives.
À Moignelée, le projet serait diversement apprécié. Il y a les pour et les contre. Contacté, Dominique Bigneron appelle une dynamique positive avec les riverains. "Depuis le début, on tient informé le voisinage en primeur, on a toujours voulu être transparent avec lui et l’amener à être en empathie avec ces gens contraints de dormir dans leur voiture ou dans la rue", explique-t-il. Il en veut pour preuve que l’espace communautaire de son projet se confondra avec une maison de quartier ouverte à toutes et tous.
Pour le maître de l’ouvrage, ces trois dizaines de maisonnées modulaires, s’inspirant de l’habitat léger de type tiny house, comblent un vide. "Entre la maison communautaire (ou centre de jour) et l’habitation individuelle où des assistants sociaux s’inquiètent de temps en temps des locataires (ce qu’on appelle le housing first), Un Toit vers l’Avenir est le maillon manquant, argumente-t-il. Nous, on va assurer un accompagnement permanent sur le site. Y instaurer un vivre ensemble convivial et créer du lien, du pensionné qui n’a plus les moyens de se loger au jeune couple rejeté des filières de logements classiques, en passant par le SDF désireux de se réinsérer", poursuit-il.
Avoir un toit, une adresse, constitue en effet l’indispensable sésame de la réinsertion, en ce qu’il ouvre le droit à des allocations. La location n’excédera jamais le 1/3 de ces revenus, avec un maximum de 400-450 €.
Ce grand toit vers l’Avenir ne sera pas un ghetto mais un quartier baignant dans la verdure, en quête d’une vie apaisée à reconstruire, notamment au moyen d’un potager partagé, d’un rucher école et d’aires de détente. Il ne proposera en aucun cas du sous-habitat. "Nous ne voulions pas de maisons équipées de roues telles que roulottes ou caravanes, pour ne pas ajouter de la précarité à la précarité, ou sous-entendre une situation de transit. On souhaite que nos locataires s’y posent et s’y plaisent", conclut le demandeur. Clôture de l’enquête publique le 5 avril. D’ici là, le 15 mars, ce pèlerin du logement digne pour tous rencontrera les riverains, avec l’espoir de les convaincre que son projet n’est guidé que par une philanthropie désintéressée.