Sambreville: Jacques Servotte, un artiste engagé
Installé à Franière, il n’a pas oublié Falisolle, la Basse-Sambre et ses mines, le savoureux wallon et l’art pour tous.
- Publié le 13-02-2019 à 18h00
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Penseur, humaniste, sculpteur, peintre, défenseur du folklore, autodidacte en informatique: on pourrait ajouter bien d'autres choses pour montrer combien il est difficile de réduire Jacques Servotte à l'une ou l'autre étiquette. L'homme est intéressant à plus d'un titre. À peine le seuil de la maison franchi, un premier angle se dévoile: au mur, de nombreuses sérigraphies dont le sujet principal est le groupe folklorique des Tètâr di Fârjole. Car Jacques Servotte est aussi un ambassadeur de sa Basse-Sambre et plus particulièrement de Falisolle, son village natal et du folklore qui y vit.
C'est, entre autres, grâce à lui que ce groupe folklorique a vu le jour. «C'est une création artistique à part entière, assure-t-il. Nous avons créé les costumes, les musiques et avons utilisé le travail réalisé sur le wallon d'Arsimont pour les paroles des chansons.» Il faut préciser que pour ce dernier aspect, il a bénéficié du soutien de sa fille, Julie, qui a édité le Glossaire d'Arsimont. Contribution au parler wallon en Basse-Sambre, réalisé en 1918 sous forme de 1610 fiches manuscrites par Louis Verhulst, né à Arsimont en 1881.
Rien ne vaut la formation
Cinquième enfant d’une famille de neuf enfants, Jacques Servotte a 12 ans quand son papa, mineur, décède de la silicose. Un choc immense qui va influencer le restant de sa vie. Sa maman va réaliser des miracles pour élever dignement toute la famille.
Très jeune, Jacques va s'intéresser aux arts plastiques et en 1961, il décide seul de s'inscrire au cours de dessin à l'académie des Beaux-arts de Tamines. Déterminé, il s'y rend chaque fois à pied. «De cette date vient ma prise de conscience, ma contestation mais aussi mon dynamisme pour essayer d'exhiber l'occulté, le refoulé», explique Jacques Servotte. Il poursuit une formation d'une dizaine d'années de cours du soir dans des académies de Beaux-arts, souvent accompagnée d'histoire de l'art, à Tamines, Châtelet et puis Namur en dessin, sculpture et sérigraphie. «L'académie sert d'émulation car on y côtoie les exigences et les réalisations d'autrui», constate-t-il. Il travaille le bronze en sculpture et décroche un diplôme dans ce domaine à l'académie des Beaux-arts de Châtelet. Aujourd'hui, il réalise des compositions inédites qui l'obligent à sortir des techniques habituellement utilisées.
Chaque première pièce demande un temps considérable et des outils complexes mais une pièce peut ensuite être reproduite. «Certains n'ont aucune idée de ce qu'est la création figurative et ils sont habitués aux prix des objets manufacturés réalisés en grande série par une main-d'œuvre exploitée à outrance, explique Jacques Servotte. Lorsque je reproduis une de mes pièces, je ne demande que le prix pour couvrir mes dépenses et non le temps de réalisation. L'art doit être accessible à tous!»
Un logo bien spécifique
La marque de fabrique de Jacques Servotte, c'est un logo qui se retrouve sur la majorité de ses œuvres. On y retrouve un casque de mineur, hommage à son papa mais aussi aux milliers de mineurs de la Basse-Sambre, et un libellé: «JS dèl Besse-Sambre». Après ses initiales, c'est un renvoi vers sa région et l'utilisation du wallon est pour lui un élément majeur de l'identité culturelle. «Il ne faut pas avoir peur de dire Basse-Sambre. Il ne faut perdre ni son nom, ni sa langue. À l'heure de la mondialisation, les parlers locaux ont tendance à disparaître et le wallon est délaissé. Je ne conteste pas la nécessité d'un langage international qui favorise bien évidemment la communication directe entre les peuples, mais je regrette que cela soit le langage des marchands qui s'impose.»

Plusieurs mois ont été nécessaires mais il y est arrivé: Jacques Servotte a créé seul son site internet (www.js-del-basse-sambre.jimdofree.com). Il y a mis une partie de sa production artistique et sous le titre Saynètes de la vie quotidienne, dix-huit onglets permettent de découvrir l'homme, l'artiste, ses passions et ses combats. L'indifférence, la servitude, la consommation, la guerre ou encore la famille sont entre autres abordés sous l'angle artistique. Le visiteur est également invité à donner son avis et peut se promener dans une liste de lectures recommandées. «Deux lectures m'ont particulièrement influencé, admet-il. Il s'agit du Discours à la jeunesse de Jean Jaurès et La charte de Quaregnon, qui reprend les principes adoptés par le Parti ouvrier belge en 1894.»
Ces deux derniers textes ne sont sans doute pas étrangers à l'engagement que Jacques Servotte a pris voici quelques années dans sa commune d'adoption, Franière. Il s'engage en effet au Parti socialiste. «Mais mes valeurs, mes espoirs m'auraient plutôt conduit vers le parti communiste.» Après les élections, il endosse le costume de conseiller CPAS entre 1983 et 1989. «Mais je serai déçu par la politique car j'y ai trouvé une trop grande différence entre les idéaux et la réalité. La plupart des gens ne sont pas là pour donner mais pour prendre», lance-t-il un rien désabusé. Mais il reste partisan de l'engagement individuel, là où on est, face à l'égoïsme et au courage de vouloir se battre: celui ou celle qui se couche ne se relève pas.
«J'ai encore beaucoup d'autres projets mais ma vie ne me permettra pas de les aborder tous», prévient-il.