Mettet: un ouvrage consacré à l’histoire de Biesmerée
À Biesmerée, une petite brique illustrée de 368 pages fait œuvre de mémoire. Que de villageois réveillés dans leur tombe.
Publié le 03-03-2020 à 23h00
On sonne à la porte, au numéro 1 de la rue du Loret, chez José et Marie-Odile Colle-Robat. Des gens d’ici, enracinés à Biesmerée depuis cinq générations. À 77 ans, l’ancien instituteur du village signe, non sans force humilité, un ouvrage qui fait œuvre de mémoire. Le visiteur est à la porte pour en acquérir un exemplaire et le faire dédicacer. Il n’est pas en librairie.
Depuis quelques jours, «Biesmerée, notre beau village, berceau de nos aïeux», 368 pages bourrées d'éléments historiques rigoureusement glanés et datés, s'écoule par dizaines.
Malgré tout, j’ai un sentiment d’inachevé
«J'ai été frappé à plusieurs portes du village, chez d'anciens élèves. J'ai voulu retrouver trace de nombreux anciens, notamment des corps de métier, en prenant bien soin d'indiquer leurs dates de naissance et de décès» précise l'auteur. Le succès de l'ouvrage n'est pas étranger au brassage et à la canalisation d'un tel flux de souvenirs et de documents. Une mémoire locale qui aurait irrémédiablement sombré sans la ténacité d'en découdre avec le temps qui passe et efface. Car il aura fallu quelque cinq années et des milliers d'heures indénombrables pour survoler au moins deux siècles, à compulser archives, registres et articles de presse, autant avec passion qu'avec le sentiment d'accomplir un devoir.
L’histoire de Biesmerée, 650 âmes, une tête d’épingle dans le royaume, n’en reste pas moins riche, miroir d’une époque, truffée de détails qui régalent à l’ère du smartphone et des algorithmes. Certes, chaque localité pourrait se prévaloir d’une convivialité passée aussi fantastique. Mais toutes n’ont pas la chance d’avoir entre leurs murs un villageois inspiré et soucieux de léguer un ouvrage à la postérité.
«Malgré tout, déclare ce chercheur perfectionniste, et conservateur compulsif, j'ai un sentiment d'inachevé. Quand on est plus jeunes, et pris par sa vie, on ne questionne pas assez les anciens.»
Les gens qui meurent sont autant de livres qui se referment. José Colle, au fil des pages, raconte un autre Biesmerée, tellement plus joyeux, boute-en-train. Refrain connu. Les jours des XVIIIe et XIXe siècles semblent plus doux, chargés de rendez-vous avec des bonheurs tout simples de vivre intensément au village les saisons et les traditions.
C’était au temps où il arrivait que l’instituteur et le curé, les deux éminences intellectuelles, écrivent le discours d’un bourgmestre à la plume moins affûtée. Où la femme du forgeron et d’un plafonneur tenait café et vendait de la goutte à cinq sous. Au plus fort de cette époque, Biesmerée compta 36 comptoirs, la plupart massés dans la rue du Village. C’était au temps où Biesmerée avait deux salles rivales, les salles Marlet et La Fourmilière, qui s’enflammaient les jours d’élection, où ça bardait et commérait ferme entre catholiques et libéraux.
Salle Marlet (du nom de sa tenancière, Réna Marlet), chaque dimanche après-midi, ronronnait le projecteur du cinéma Novelty. «Je m'en souviens, j'étais allé voir Les deux Orphelines, et… Zorro».
Aux côtés de l'auteur, Marie-Odile glisse quelques détails plus privés et succulents. «Les dernières pages ont été plus fastidieuses à boucler. Je l'ai encouragé. Quand nous sommes rentrés de chez l'imprimeur, avec les caisses de livres, nous étions heureux. On a pris l'apéritif…»