Mettet: le camping du Lac, ghetto et favela?

Vivre au camping du Lac de Maison exige de prendre beaucoup sur soi, dont la crasse d’une minorité. Le plus dur, c’est qu’il faut l’endurer en silence.

Pierre Wiame
Mettet: le camping du Lac, ghetto et favela?
Au camping du Lac ©ÉdA – 21330015802

Dominique Spée, au 101 de cette allée des Mésanges, sort un rat d'un sac plastique, retrouvé mort quelques heures plus tôt: «Voilà, assène-t-elle, une facette de la qualité de vie dans ce camping du Lac ». Qui n'est plus un camping de villégiature depuis longtemps, en dépit des eaux tranquilles qui le bordent. Les rats (des champs) n'y pullulent pas encore au rythme des rats de Camus, dans la Peste, mais ce bord de lac y est devenu une cour de récréation attractive.

Alors, c'est quoi au juste, ce camping? Un petit royaume de la précarité ordinaire où, de temporaire, l'habitat, originellement dédié à des vacances, et à de beaux jours sans travail, est devenu permanent. C'est comme un embryon de village oublié, mal fagoté, très ramassé sur lui-même, desservi par des voiries explosées. C'est une bulle d'exclusion, qui fait tache et qui embarrasse le pouvoir politique. Vivent ici, entre autres, des accidentés de la vie, une majorité de braves gens qui n'ont pas eu de chance. Des jeunes qui n'ont pas d'emploi et qui y croupissent d'ennui, en dépit d'un local communautaire. «C'est un ghetto, une favela… » s'emportent quelques riverains qui viennent de rejoindre Dominique pour dénoncer d'une même voix la difficulté de vivre dans ce cocon à la marge.

Tous taillent un costard à la majorité communale en place, pour leur inactivité. On lira la réaction du bourgmestre par ailleurs.

«Je m'en vais aller déposer ce rat sur le bureau de la secrétaire du bourgmestre » s'emporte Dominique. Chance, elle s'est ravisée.

Mais quelle mouche les a piqués? Le ras-le-bol, l'insécurité ambiante. La crasse. L'incivisme. Le fait que quelques-uns, sans foi ni loi, pourrissent la vie de tous, «avec une grande capacité de nuisance ». Et son corollaire: la peur de représailles. «On en a marre, oui, mais on a peur de parler. On a l'impression que tout le monde se fout de nous ». Mis à part Dominique, qui a son franc-parler et qui chercher à quitter le camping, tous témoignent anonymement, de peur d'un retour de flamme(s). Sans mauvais jeu de mots, les riverains du camping ont, pendant quelques mois, souvent vu débarquer les pompiers, sirènes hurlantes. «Quarante chalets ou caravanes, la plupart vides et abandonnés, ont été incendiés par une main criminelle » rappelle-t-on, non sans émotion.

Une série noire qui a subitement prit fin, un jour.

Même le GPS ne sait pas où c’est

Côté déchets, c'est le bronx. C'est calamiteux. «Certains jettent leurs déchets ménagers sur des parcelles vides, ce qui attire les rats. C'est dégueulasse et anti-hygiénique. À cause de deux ou trois personnes, toute la communauté est condamnée et taxée de malpropre » dénonce Dominique.

La commune a été prévenue mais elle ne bouge pas et elle ne sévit pas poursuit-elle. Mais elle n’en a pas toujours le pouvoir.

Tout est un peu déglingué et à refaire dans ce domaine qui montre dès l’entrée des traces d’abandon et d’usure. Pourtant, des résidents ont investi dans l’embellissement de leur lieu de vie, fut-il modeste. Ils l’ont fleuri, sécurisé. Mais ces îlots proprets, en dépit des efforts de leurs propriétaires, ne parviennent pas à effacer une impression générale de désuétude et de marginalité. Ils semblent des barques isolées dans un océan démonté de misère.

«Il faut être courageux pour vivre ici, et en plus ça coûte cher, aussi cher qu'ailleurs. Rendez-vous compte, on paie 25€ mois de supplément, 300€ an pour l'entretien, mais trouvez-vous que c'est entretenu ici ?» questionne Dominique. Les rats courent dans le camping, profitent de la crasse pour proliférer. «J'ai dû investir dans une protection pour empêcher ces bêtes de venir en dessous de mon habitation, ils grignotaient les tuyaux d'arrivée du gaz » dit-il.

«Pendant tout un temps, il y a 20 ans, c'était bien ici, mais les pouvoirs publics y ont laissé faire n'importe quoi. Aujourd'hui, c'est un endroit un peu renégat » reproche un de ces citoyens résistants, qui s'est aménagé un joli petit chalet.

Le plus dur, pour ces gens, quand ils disent qu'ils vivent au camping du Lac, c'est d'être montrés du doigt. «Nous ne sommes même pas renseignés par le GPS, parce que c'est un terrain privé. Aucun bus ne passe ici. Nous sommes vraiment isolés » regrette ce Monsieur.

«Nous sommes des parias , conclut, dépité, un des résidents. D'ailleurs, en hiver, même la Croix-Rouge vient nous y servir de la soupe. Cela m'a profondément choqué».

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