Un Robin des Bois de chez nous
À l’heure des super-héros gavés de technologies, le Moustiérois Emmanuel Herzet conte les aventures d’un Robin des Bois surprenant et brut de décoffrage.
Publié le 05-03-2022 à 06h00
"Pour des manants comme eux, un noble se comporte toujours de manière étrange. Et puis, il y a trois denrées essentielles à la vie de château: le pain, le vin et… les ragots." Comme quoi, du XII siècle au nôtre, certaines traditions restent et ce constat de Robin des Bois est transposable: pas facile d'être un super-héros, dans la forêt de Sherwood… ou la jungle des réseaux sociaux.
Dans ce deuxième tome de Nottingham, La Traque (aux Éditions du Lombard), scénarisé par le Moustiérois Emmanuel Herzet (professeur d'Histoire et de Français à Saint-Berthuin, le jour) aux côtés du spécialiste français Vincent Brugeas et avec au dessin le très affûté Benoît Dellac, leur Robin Hood est déjà dans le dur, acculé par ses amis comme ses ennemis. Qu'il fasse un faux pas et il sera démasqué, on saura que sa capuche cache… le shérif de Nottingham (diabolisé pour longtemps par Disney), William.
Le mystère et le suspense, pour le lecteur, ne sont pas là, puisqu’il a été mis dans la confidence depuis le début de cette relecture aussi couillue que, finalement, réaliste de cette page de l’Angleterre médiévale. Un royaume que se disputent Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre, au détriment du peuple qui survit comme il peut.
Dans son double jeu, Robin des Bois (qui, plus est, déjà imité) fait le lien entre les différentes classes, sans forcément faire l’unanimité, choisissant précautionneusement des alliés.
Sans toujours parvenir à ne pas mettre la puce à l’oreille de son entourage sur son identité secrète. Comment être présent à deux endroits, et sous deux apparences, en même temps? C’est ce qui fait tout le sel de cette épopée, entre action – à l’arc à flèche ou au corps-à-corps – et négociations à visage découvert ou non.
William, l’once de William
En ayant fait un véritable travail d’archéologues dans les failles et les faits avérés de l’Histoire anglaise, les auteurs ont la bonne idée de se détacher de leur héros en puissance, mais aussi en hésitations, de l’oublier pour suivre et épaissir d’autres personnages, des hommes mais aussi des femmes fortes, qui progressivement ou de manière inattendue se muent en figures bien connues de la légende de ce super-héros sans super-pouvoirs. Tel Zorro, Robin trouvera-t-il dans le lot son Bernardo?
Cela s’exacerbe dans le ménage que veut faire Jean sans Terre. Pour ce, il dispose de son âme damnée, Hugues de Morville, qui prend en chasse, à travers villes et champs, celui qui les espionne et déjoue leurs plans machiavéliques: William Langland, l’oncle du shérif du même nom (perturbant mais authentique).
Tout ça est bien mené, saignant et torturé, flamboyant. Un troisième tome est prévu, d’autres verront le jour si les lecteurs sont au rendez-vous.
«Nottingham», t.2, «La traque», Brugeas/Herzet/Dellac/Béchu, Le Lombard, 56p., 14,75€