Spy: Alix, Lefranc, Mirliton, Louis Valmont, des héros BD immortels en souvenir d’Erwin Drèze (photos & vidéos)
En mars 2020, à 59 ans, l’auteur de BD Erwin Drèze s’éteignait. À Spy, la galerie Aarnor rend hommage à ce Méanais fan de musique, de mécaniques et de ligne claire.
Publié le 03-03-2022 à 17h41
Dès ce vendredi et jusqu’au 24 mars, la Galerie Aarnor fait la part belle au travail net et précis d’Erwin Drèze. Né à Ciney, domicilié à Méan, cet auteur de BD jovial et polyvalent est décédé le 17 mars, il y a deux ans, vaincu par une tumeur du cerveau.
À l'époque, le Covid s'installait, proches, confrères et amis auraient souhaité pouvoir rendre un hommage plus conséquent à ce passionné de la ligne claire de Hergé et Jacobs. Occasion saisie par Denis Javaux, le galeriste, pour amener le souvenir de ce "Tintin" chez les Spyrous.
"Erwin n'était pas quelqu'un de triste, il aurait voulu qu'on se souvienne de lui avec le sourire. C'est la 1re fois que son œuvre est exposée. Talentueux et productif, il n'a malheureusement pas été reconnu à sa juste valeur mais comme un second couteau." Mais suisse alors, au trait protéiforme. Ce qui a amené cet autodidacte, passé par le studio de l'Andennais Édouard Aidans, dans des univers phares du 9e Art.
À commencer par le maître Jacques Martin qui a fait confiance au Cinacien pour faire voyager son héros antique Alix en Chine. "Erwin avait bien souffert sur cet album. Sur ce dessin reconstituant une cité impériale, il a mis un mois et demi. À chaque fois qu'il allait montrer ses planches, il revenait avec des ronds bleus tracés par Martin, tout ce qu'il devait corriger." En témoignent notamment deux dessins réalisés pour la couverture de cet album, quasiment identiques. "On peut jouer aux 7 différences: les aplats, la présence d'une pagode, la position du héros gallo-romain, face ou non au public, etc. Jacques Martin n'avait pas aimé la première. " Les deux versions, et leurs innombrables recherches, sont à vendre.

Dans la galaxie Jacques Martin, Erwin a également dessiné 3 albums du journaliste Lefranc, à quatre mains avec le Brabançon André Taymans. Qui explique: "Lefranc, c'était les années 50. J'avais réalisé deux planches d'essai mais les bagnoles, ce n'était vraiment pas mon truc. Sur la liste de dessinateurs proposés en renfort, il y avait Erwin. Nous nous étions croisés et perdu de vue plusieurs fois par le passé." Le début d'une longue amitié avec celui qui, sur terre, sur la mer ou dans les airs, était un as pour designer tous les engins possibles et imaginables. "Nous travaillions comme des frères, en connaissant nos limites. Le fait de savoir qu'on peut compter sur quelqu'un, ça permet d'accepter des projets en plus."

André Taymans a ainsi mis en contact son ami avec Raoul Cauvin pour reprendre la série Mirliton, ce chat faisant les 400 coups imaginé par le vénérable Raymond Macherot (auteur deSibylline,repris plus tard par le même Taymans, Chlorophylleet autres Clifton). "Vers 12-13 ans, Erwin avait déjà débarqué chez lui, en culottes courtes et avec son père, pour montrer son travail. Il en était reparti avec des conseils et une planche originale! "

Chouette bénédiction pour celui qui, près de 30 ans plus tard, co-signerait avec son idole des gags de Mirliton. Deux albums sont parus, et entre des planches originales et des recherches personnages canins ou félins, on trouve aussi la couverture du 3 tome, annulé. Un vrai inédit placé à côté de l'ébauche gribouillée de Cauvin et d'un courrier savoureux.

D'autres trésors, secrets jusqu'ici mais retrouvés par Anna, sa veuve, trouvent aussi leur place chez Aarnor. Erwin a ainsi signé un album et des couvertures d'Arsène Lupin, mais il imaginait aussi s'approprier Sherlock Holmes et son cher Watson en compagnie du gentleman André-Paul Duchâteau. Et pourquoi pas Tanguy et Laverdure avec Taymans? Sans oublier les Dix petits nègres et ce projet moteur esquissé avec Freddy Tacheny.


Essais et projets plongent le visiteur et potentiel acheteur dans la face cachée de l’iceberg Drèze qui n’a publié que dix albums mais fourmillait d’idées. Moment d’émotion aussi, au moment de découvrir, inachevée, le crayonné d’une planche dédiée à son héros de toujours, Louis Valmont, sur lequel l’artiste planchait quand la faucheuse a cassé sa mine. L'aventure continue, selon ce que chacun imaginera.


À cela s'ajoutent divers travaux de commande, alimentaires, comme une plaquette expliquant comment placer une personne en position latérale de sécurité. "Même quand nous jouions au Pictionnary avec lui, Erwin ne se départait pas de son coup de crayon magique. Nous récupérions les dessins-devinettes en nous disant que ça vaudrait peut-être de l'or un jour, sourit notre collègue Xavier Diskeuve, ami de longue date et de foot en salle. Il avait un mal fou à trouver le bon éditeur, au bon moment, pour exprimer toutes les aventures qu'il avait en lui. "
Non content de l'avoir fait tourner dans ses films, comme figurant, Xavier l'a aussi recruté pour illustrer un supplément spécial de notre journal (avec lequel Erwin a collaboré plus d'une fois) consacré à la venue de Dutronc à la citadelle de Namur. " C'était un passionné de musique, fan des Beatles et de Gotainer, auquel il ressemblait un peu."

Quand Erwin lâchait le crayon, c'était pour prendre la guitare ou les baguettes de sa batterie, à l'œuvre dans le groupe Feel the Noïzz. Outre les souvenirs papier, Denis Javaux expose quelques éléments de cette carrière musicale. Dans la galerie, une télé diffusera quelques moments forts et, le 17 mars, un ancien membre de Feel the Noïzz,Thierry « T'CHI » se produira avec son cover-band Slickpour un concert hommage, deux ans jour pour jour après la disparition de leur enfant terrible. Sans doute, le "tube" Caroline Baldwin retentira-t-il.

Papa de cette héroïne de BD (dont certains albums portent la marque Drèze dans les décors), André Taymans se souvient encore: "Erwin m'avait présenté ce projet de chanson, évoquant ce qu'Indochine avait fait avec Bob Morane. Le plus fou, c'est que le gag est devenu réalité. Feel the Noïzz a signé avec un producteur et un album est sorti. Avec comme clip… Caroline Baldwin. Avec des bouts de ficelle, Cendrine Ketels, dans la peau de Caroline et Jean-Pierre Talbot, nous l'avions tourné comme une bande-annonce de film. Une BD-DVD était sortie et nous avions fait une tournée de concerts-dédicaces des Fnac."
