USA 2020, J-13 | Une Spytoise de l’Utah: «On a un peu le sentiment d’être sur une poudrière»
Dans cet État traditionnellement mormon et républicain qu’est l’Utah, Anne Mouyart-Krebs voudrait voir (et faire) changer les choses.
Publié le 21-10-2020 à 07h00
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En Utah, on est (le plus souvent) mormon et républicain. Un paradoxe pourtant, parfois, selon Anne Mouyart, une Spytoise expatriée à Provo depuis 5 ans 1/2, où elle vit avec son mari, Marshall Krebs, et leur jeune fils. «Les mormons sont traditionnellement républicains mais c'est finalement curieux qu'ils votent pour Trump, qui n'incarne pas trop les valeurs qu'ils véhiculent…»
Prenons, par exemple, deux grands sujets, au cœur de la campagne du président sortant. Les migrants, d'abord. Trump est contre et les mormons sembleraient avoir oublié «qu'ils sontau départ des réfugiés venus de l'est des États-Unis, du Missouri, où on était même autorisé à les tuer pour leur religion, autrefois!»
Autre grand sujet: l'avortement. «C'est de nouveau très hypocrite de la part des mormons, qui se disent pro-life, de soutenir Trump: il prétend l'être aussi mais sépare les enfants migrants de leurs parents ou de leurs proches. Ce n'est pas si pro-life que ça!»
Mais les rassemblements Black Lives Matter récents (entre autres), «alors qu'on manifeste rarement ici», laissent penser qu'un vent nouveau pourrait se mettre à souffler sur l'Utah. La Namuroise voudrait bien y croire et en être. En tout cas, elle est ravie de pouvoir voter pour la première fois dans son pays d'adoption. «J'ai déjà voté aux primaires.»
Normal, à ses yeux, puisqu'elle a la double nationalité, travaille et paie des taxes aux USA. «En 2016, seuls 25% des gens sont allés voter en Utah. Il y en a qui ne voient pas ce que voter pourrait changer pour eux parce qu'on vit dans un état plutôt privilégié. Il y a aussi beaucoup de femmes au foyer, ici, essentiellement mormones: soit elles ne votent pas soit elles votent comme leurs maris leur disent de faire.»
Chez Anne et Marshall, les choses sont différentes. «En 2016, il m'a même demandé pour qui il devait voter, sourit Anne. Je ne suis pas républicaine, il l'est de tradition, mais on va pourtant voter Biden tous les deux en novembre. C'est la seule façon pour que les choses changent et même si on craint que Biden emporte le vote populaire mais que le collège électoral fasse quand même gagner Trump. S'il est réélu, ça va être problématique à plusieurs niveaux…»
Vivre ici, si Trump repasse?
Autre enseignement de cette élection présidentielle pour Anne Mouyart et Marshall Krebs? «La surprise» et même parfois «le choc» face à des propos ou attitudes de certains de leurs voisins, connaissances ou amis qui votent Trump. C'est que l'élection présidentielle prochaine cristallise les tensions. «En plus d'être attristés, on est aussi stressés, poursuit Anne. Même si notre vie quotidienne n'a pas changé, qu'on a toujours notre travail, que la crèche de notre fils fonctionne et qu'on parle encore à nos voisins, on a un peu le sentiment d'être sur une poudrière. On se demande même parfois à quoi ils se préparent, ici… L'autre jour, dans son magasin de chasse, Marshall a par exemple trouvé les rayons de munitions vides. Qu'est-ce que ça signifie?»
En tout cas, si ça devait «péter» d’une façon ou d’une autre en Utah, dans les prochaines semaines ou plus tard, Anne et Marshall pourraient alors envisager de venir vivre ici, en Belgique.
«On est très proches de la nature, ici»
La Namuroise Anne Mouyart (34 ans) et son mari américain Marshall Krebs (40) se sont

connus en Belgique alors qu’ils travaillaient pour la même société de cosmétiques, dont la maison-mère est aux États-Unis. Il y a cinq ans et demi, après deux ans d’amour longue distance, Anne a rejoint Marshall retourné à Provo.
«C'est la deuxième ville de l'État après Salt Lake City, mais avec toujours une mentalité de petite ville à laquelle les gens tiennent: beaucoup s'opposent d'ailleurs à sa croissance, résume Anne. C'est très charmant, il y a très peu de buildings et par contre énormément d'espaces verts et un joli centre. Beaucoup de films sont d'ailleurs tournés à Provo parce que c'est vraiment une ville typiquement américaine.»
Une zone que la Namuroise a eu le temps d'apprivoiser en débarquant aux États-Unis. «Je ne pouvais pas travailler sans carte verte donc, pendant 5-6 mois, ça a été comme des vacances, pour moi, se souvient-elle. J'ai ensuite été traductrice indépendante (NDLR: elle parle couramment l'anglais et le danois) pendant deux ans: je travaillais de la maison tout en gardant un œil sur les offres d'emploi. J'ai finalement trouvé un boulot de traductrice dans ma ville, où ils cherchaient un francophone…»
Depuis, Anne et Marshall ont eu un fils: Leif, tout juste un an. Anne lui parle en français, Marshall en anglais. Ensemble, la famille aime randonner en montagne, se balader en bateau sur les nombreux lacs de la région, y pêcher et s'installer pendant quelques heures sur une plage naturelle, chasser (pour Marshall) ou encore «faire des tours en voiture pour admirer les paysages, surtout maintenant, en automne: on est vraiment très proches de la nature, ici.»

Situation L'Utah est bordé au nord par l'Idaho et le Wyoming, à l'est par le Colorado, au sud par l'Arizona et à l'ouest par le Nevada. Sa capitale est Salt Lake City.
Population L'Utah compte 3,3 millions d'habitants. Il rapporte 6 grands électeurs. Il faut 270 grands électeurs (sur 538).
Politique Le républicain Gary Herbert est gouverneur de l'Utah depuis 2009. L'État envoie 2 sénateurs (républicains) et 4 députés (3 républicains et 1 démocrate), tous Mormons, à Washington.
Résultats 2016Hillary Clinton: 27% – Donald Trump: 45%