Aisemont : sur un mont de Fosses, le siècle et demi d’un hameau fait commune (photos)
Juché sur un des monts de Fosses, tel un balcon avec vue (de rêve) sur une vallée verdoyante, Aisemont, si le Covid-19 ne s’en était pas mêlé, aurait dû fêter en 2022 le 150e anniversaire de sa fondation, actée au moniteur en date du 10 juillet 1871. Un anniversaire certes bousculé, et reporté d’un an, qui sera cependant célébré en grande pompe, et en deux temps: ce 25 mars, avec l’inauguration de la place Abbé Lambiotte, et le 21 juillet.
Publié le 21-03-2023 à 20h40 - Mis à jour le 21-03-2023 à 20h44
C’est un village haut perché. Les maisons tournées vers Fosses y ont leurs fenêtres rivées sur l’horizon et, bien avant, sur des morceaux de prairies découpées par des haies et, plus loin, sur le clocher de la collégiale millénaire. Le regard peut se perdre çà et là dans la belle vallée et capter jusqu’à 4 clochers. Pas étonnant puisqu’Aisemont s’est développé sur un mont de Fosses.

"C’est une petite localité mi-agricole mi-industrielle, bâtie en majorité sur le sommet d’un plateau entouré de vallées assez profondes", peut-on lire dans l’ouvrage "Aisemont à travers les âges", rédigé par feu l’abbé Gustave Lambiotte et l’historien R. Delchambre et publié à l’occasion du 100e anniversaire du village, en 1972.
L’historique de cet ex-hameau satellite de Fosses ressort très à propos cette année puisque le village a décidé de célébrer le 150e anniversaire de son érection en commune à part entière. De nombreux hameaux ont été constitués en communes dans le sillage de la révolution belge de 1830. Aisemont, lui, dut patienter jusqu’en 1872 pour prendre son destin en main.
L’abbé Lambiotte, sera le héros posthume de ce rassemblement mémoriel. Le comité organisateur a en effet proposé à la commune de Fosses de pouvoir rebaptiser la place communale place Abbé Lambiotte. L’événement aura lieu ce 25 mars. Des années durant, l’abbé Lambiotte, attachante figure locale, a apporté la bonne nouvelle aux Gadis, dans cette église qui trône à son aise sur la place et semble vraiment au milieu du village.
"C’est l’abbé Lambiotte qui a relancé le football et la balle pelote. Il fut le président de la Jeunesse sportive d’Aisemont. Il connaissait ses ouailles. On lui doit vraiment beaucoup", commente Jean-Luc Benoît, le président du comité organisateur de ce 150. Gadis, tel est le sobriquet wallon donné aux habitants d’Aisemont. Et, Gadis, ils le sont passionnément et surtout fiers de l’être. On naît Gadis et Gaderesse et on le reste. À l’origine, les Gadis gardent les gattes. "Les pâtures sont ici trop pentues. La chèvre, c’était la vache de nos paysans d’antan."
Le Gadis et le chinel
Ce n’est pas une légende: il ne faut pas que les Fossois en content des vertes et des pas mûres aux Gadis, par exemple sur leur supposée capacité à bien compter les sous. On ne charrie pas un Gadis sur le fait que, finalement, il n’a gardé son conseil communal et ses élus, et géré les finances en bon père de famille, que pendant 105 ans. En 1977, ce ne fut en effet pas simple pour les Gadis d’accepter sans rancune la fusion avec Fosses. Ils y ont perdu au change.
Pour comprendre, il faut analyser l’ADN d’Aisemont, intimement lié au développement des carrières à pierre calcaire, dès le 18 siècle, puis à leur essor. L’extraction de la chaux, cette poussière blanche à haute valeur ajoutée, a fait rayonner le nom d’Aisemont et surtout bien garni la caisse publique. Alors, en 1977, quand les Gadis ont dû donner leur trésor de guerre aux "chinels" – (à voir comme le Fossois piètre gestionnaire et non comme la figure folklorique)-, et que ceux-ci en usèrent pour éponger leurs dettes, ça a fait mal.
"Avant la fusion, Aisemont était riche. On payait moins de taxes que partout ailleurs. Tous les comités recevaient des subsides. Alors que nos ancêtres s’étaient battus pour leur indépendance, on a dû descendre à Fosses avec nos millions. Entre 3 et 4, une fortune à l’époque", raconte Jean-Luc Benoît, mi-amusé mi-contrarié. Il s’ensuivit une rivalité canaille qui donna à Aisemont la réputation d’être un village de Gaulois frondeurs.
Autre singularité des Gadis: leur sens de la fête endiablé, entre soupers et fricassée, et leur propension folle à l’exprimer en buvant bråmint des coups. "Oui, on avoue", sourit le sociétaire. De rigueur, on va pêcher avec une plate en poche. Sûr que, ce 25 mars, en l’honneur de l’abbé disparu, personne n’aura soif.