Fosses-la-Ville: la marche Saint-Roch de Sart-Eustache, où des anges passent depuis 42 ans
La marche Saint-Roch devait fêter sa 40e édition en 2020. Un certain Covid-19 l’amène à célébrer à la place son 42e anniversaire, les 6, 7 et 8 août prochains. Si le chiffre n’est plus rond, la ferveur restera intense. Dialogue avec André Poulain, son président fondateur, qui passe la main.
Publié le 23-06-2022 à 18h51 - Mis à jour le 23-06-2022 à 18h53
Fraternelle. Tisseuse de liens. Semeuse de chauds flonflons. Jalonnée d’addictives réceptions chez l’habitant. À Sart-Eustache, la marche Saint-Roch se veut la vitrine d’un art consommé du respect d’une tradition à vocation familiale. Des exemples? Aucune cantinière n’est appelée dans les rangs, ce qui garantit une certaine allure au sein du cortège. Chamarrée, sa procession, le dimanche, reflète un charme anachronique, rehaussé par la présence d’une sainte famille incarnée par des enfants. La marche se distingue aussi par la présence d’une équipe de bénévoles s’occupant essentiellement des ravitaillements.
Un chiffre rond offre toujours l’occasion de donner dans la rétrospective et la célébration en grande pompe. Rencontre avec son président sortant, André Poulain, qui ouvre la boîte aux souvenirs et détaille les grandes lignes de cette édition anniversaire.
Il y a 40 ans, pourquoi avoir relancé une marche?
Après mon mariage, j’ai habité Gougnies (Gerpinnes), où j’ai goûté au folklore. À partir de 1972, j’ai marché comme artilleur dans la compagnie Sainte-Rolende de Gougnies. Ce goût pour les marches, il s’est renforcé par le fait que j’étais professeur d’étude du milieu au collège Saint-Augustin de Gerpinnes. C’est ainsi que chaque année, avec mes élèves, je faisais la visite du Musée des marches et de l’église Sainte-Rolende, avec sa crypte et la châsse. En juin 1981, un collège m’a proposé de créer une marche à Sart-Eustache. En fait, je connaissais le village. Mon père y avait été instituteur et j’y avais entre-temps restauré une maison, à l’ombre du clocher, rue de la Stralette. Au village, avec l’aide de quelques villageois, on a donc mis sur pied cette marche. On l’a organisée en l’espace de deux bons mois. Elle s’est déroulée fin août 1981.
Pourquoi une marche dédiée à Saint-Roch?
Parce que l’église, dédiée à la Sainte-Croix, abrite la statue de saint Roch, et qu’un autel, dans la nef latérale, lui est consacré. On n’a pas hésité sur le choix du saint ou de la sainte qui allait présider la marche.
Quels souvenirs gardez-vous de cette première édition?
Oui, parfaitement, car j’avais été bien conseillé par les membres du corps d’office de Gougnies. On a en quelque sorte copié leur marche, reconnue pour sa qualité: mêmes costumes, même esprit de convivialité. Par exemple, à Sart-Eustache comme à Gougnies, les soldats sont reçus à dîner chez leur officier. Ce qui n’est pas partout comme ça. Lors de cette première marche, nous avons ressenti beaucoup de fierté d’avoir pu restaurer la procession religieuse qui ne se faisait plus depuis une vingtaine d’années. C’est elle qui a donné tout son sens à la marche, c’est sa raison d’être. Il faut rappeler qu’une marche, à l’origine, escorte une procession. Du premier corps d’office de 1981, seuls deux officiers sont encore là: Georges Bertrand et moi-même.
En quoi cette procession religieuse est-elle ancienne?
Je ne peux pas vous affirmer qu’il a toujours existé une marche escortant une procession à Sart-Eustache. Mais celle que nous avons créée en 1981 ne fut pas la première. J’ai une photo qui remonte à 1886 et qui montre la compagnie de Sart-Eustache rassemblée sur les pentes de la Terre Drion, près du paradis des chevaux (un lieu-dit). J’ai une autre photo qui, elle, date de 1907, où l’on voit la compagnie disposée dans la cour du château, en bon ordre. À l’époque, la compagnie s’en allait honorer saint Feuillen à Fosses, lors de chaque septennale. Je ne peux pas affirmer qu’elle sortait tous les ans, mais probablement pour marquer des événements locaux forts. C’est ainsi que la dernière sortie connue de la marche remonte à 1910. C’était pour fêter la nomination du baron Guillaume de Giey, qui résidait au château, comme sénateur.
Nous avons eu dans nos rangs un villageois ayant participé aux deux sorties du début du XXe siècle et qui participa à la renaissance de la marche en 1981. Sa présence démontrait toute la pertinence de la remise sur pied d’une compagnie et d’une marche.
La marche Saint-Roch n’est pas une copie conforme de la marche de Gougnies. Comment vous distinguez des autres marches?
Parmi les costumes, comme à Gougnies, nous avons les sapeurs et grenadiers du 2eempire et les artilleurs du 1erempire. Nous avons ajouté un peloton de zouaves. Au fil du temps, d’autres pelotons ont étoffé le cortège, notamment des voltigeurs mais, de tous, c’est surtout celui des sans-culottes qui nous distingue de toutes les autres marches. C’est un peloton à part entière, réservé aux enfants.
Les sans-culottes, drôle de nom. Etaient-ils des soldats?
Avec mon frère Michel, historien local, nous cherchions le moyen de terminer en beauté ces 3 jours de la marche. Comment? On s’est alors attardé sur l’origine du village. Et "estache" signifie potence. Mais qui pendre à cette potence? On est alors allé puiser dans un événement de l’histoire locale, au temps de la Révolution française. Celle-ci rapporte que le marguillier du Sart aurait empêché l’accès à l’église aux révolutionnaires français, surnommé les sans-culottes.