Fosses-la-Ville: un émouvant Lætare de retrouvailles (photos et vidéo)
Un Lætare de folie, par sa ferveur, sa joie, son soleil et sa foule, qui a illuminé le cœur de Fosses dimanche. La veille, samedi, les chinels ont dansé pour ces retrouvailles d’après-Covid. Historique.
Publié le 27-03-2022 à 22h21
C’est une image qui semble remontée des abysses de la vie d’avant la crise sanitaire, jubilante à mourir, vertigineuse par les bises amicales qui se claquent à l’unisson sur les joues: celle de trottoirs noirs de monde, pour admirer ces retrouvailles d’une ville avec son folklore, et de ses habitants avec le bonheur de pouvoir à nouveau s’adonner en toute liberté à une chatoyante tradition carnavalesque de légende. Deux années de suite, les chinels, rois du Lætare fossois, et tous les autres groupes, ont été privés d’exutoire par un certain Covid-19. L’envie de rattraper ce retard enivre car, de mémoire, il n’y a jamais eu autant de fébrilité sur la ligne de départ. L’air n’a jamais été aussi radieux. Les gens s’embrassent comme s’ils ne s’étaient plus vus depuis longtemps. Les smartphones n’arrêtent pas d’enregistrer ce plaisir retrouvé de la réjouissance populaire, et celui d’être à nouveau ensemble dans la rue et de boire un coup, sous une pluie étincelante de rayons de soleil très printaniers. Car, rappellent de plus anciens, des Lætare sous la neige, il y en a eu.
On croise le député-bourgmestre de Sambreville, Jean-Charles Luperto, qui savoure avec quelques camarades fossois un mojito à la B’Joy, une bière issue d’une micro-brasserie locale. Admirateur de la première heure du folklore fossois, il est sollicité par de joyeux soçons pour être au centre du cliché, un yatagan à la main, ce modeste sabre inoffensif du célèbre polichinelle fossois. Il s’en tire plutôt bien car, par le passé, il lui est arrivé qu’on l’affuble d’une coiffe à plumes de chinel sur la tête. Un honneur qui ne se refuse pas.
Dans la foule, il y a aussi quelques Bruxellois, qui étaient le matin au Lætare de La Louvière et qui ont tenu à découvrir les chinels de Fosses l’après-midi, le clou du spectacle, dont l’énergie à danser et à battre le pavé électrise à la ronde et fascine l’étranger de passage.
Deux nouvelles soces, les Houblontins et les Introuvables, font leur joyeuse entrée.
Le cortège, étourdi par son propre tumulte, peine à partir à l’assaut de la ville. C’est que le joyeux Lætare ne pouvait pas s’élancer comme ça, semer confettis et pas de danse sautillants sur le macadam, sans avoir une pensée pour les disparus, et pour ceux qui endurent la guerre à seulement 2000 km de distance.
L'emblématique groupe des Clowns en folie se souvient avec émotion de Bernard Genin, un quinqua boute-en-train emporté aux premières heures de l'épidémie. Depuis le début de l'aventure clownesque, Bernard, dans son tracteur, a tiré le char ouvrant le chemin à la troupe multicolore. "Il n'aurait pas voulu qu'on soit tristes. Faites pour lui un tonnerre d'applaudissements". Et la foule d'adresser une ovation tonitruante à l'ami trop tôt parti.
C'est au tour du président des Chinels, Philippe Leclercq, à demander une minute de silence. L'atmosphère explosive se suspend quelques instants, avec gravité. Bref recueillement, "pour les 30 000 Belges morts du Covid, et pour les Ukrainiens plongés dans l'horreur de la guerre". Au silence succèdent des applaudissements pour les forces vives des premières lignes, les infirmier·ères et les militaires belges mobilisés par l'invasion russe.
L'étincelant carnaval colle à l'actualité. S'il est multicolore, il est aussi bleu et blanc. Avant le départ, le groupe fossois Clara Bistouille & Abel Zébud a lancé des ballons aux couleurs nationales de l'Ukraine. Dans la foule, une vingtaine d'Ukrainiens réfugiés à Fosses les regardent s'envoler, les yeux embués, aux côtés du bourgmestre de Bilderling.
"La route est à vous !" lance le président des chinels. Enfin. Le cortège s'en va réjouir la cité tandis que la grosse caisse des pierrots musiciens, qui rythme diablement la marche de ces joyeux drilles, fait des "boums" de délivrance dans les rues.