Aiseau-Presles: une nouvelle vie pour l’ancienne abbaye d’Oignies en 2024
Les ministres wallons Morreale et Dolimont ont inauguré le chantier du prieuré d’Oignies. D’ici 2024, le vénérable édifice sera devenu une maison de repos atypique.
Publié le 20-06-2022 à 19h44 - Mis à jour le 20-06-2022 à 22h00
En 2012, un groupe de promoteurs flamands, MKBH, devenait propriétaire, sous condition, de l’abbaye d’Oignies, à Aiseau. Objectif: en faire une maison de repos. Dix ans ont passé. Et depuis six mois, les travaux ont commencé. Ce lundi après-midi, deux membres du gouvernement wallon, Christie Morreale, ministre de la Santé, et Adrien Dolimont, ministre des Finances, ont fait le déplacement pour inaugurer officiellement le chantier. La nouvelle vie de l’édifice classé, jadis prestigieux, devient enfin réalité.
Le lieu se cherchait un avenir durable depuis des décennies. Les propriétaires qui se sont succédé ont parfois tenté d’y développer des activités, mais sans enrayer pour autant le déclin du site, proche de la ruine. L’arrivée d’Hans Eckeman et de ses associés est providentielle. Ils ont l’expérience de l’immobilier et celle du secteur des maisons de repos avec une approche innovante (lire ci-contre), mais ils ont aussi les reins solides financièrement. Et ce même si, en 2021, après le départ des associés, une nouvelle équipe s’est constituée autour du promoteur pour renforcer l’assise financière. Avec un nouveau nom: Labory 51, l’adresse de l’ancien prieuré.
Cela dit, comme les années qui ont passé le trahissent, le parcours n’a pas été simple. D’abord parce qu’il a fallu décrocher l’agrément wallon pour ouvrir un nombre de lits suffisant. Les promoteurs pourront compter sur 85, l’agrément ayant été prolongé à deux reprises. Le statut du bâtiment, classé, compliquera encore ce dossier déjà difficile: "On ne compte plus les réunions de concertation avec les différents acteurs pour mettre au point la restauration. C’était très lourd à gérer" , confie Hans Eckeman. Qui, pourtant, ira bien au-delà de la préservation des parties classées, en particulier en restaurant la quasi-totalité des couloirs voûtés distribuant les futurs espaces de vie… La maladie de l’architecte initial fera aussi perdre un an et demi au projet, sans compter la pandémie de Covid-19.
Le permis d’urbanisme est décroché en novembre 2019. Fin 2021, les premiers travaux, préparatoires, commencent. "En avril, on a procédé aux travaux de sécurisation, au nettoyage approfondi (plâtres, parties abîmées). On a commencé la préparation de la dalle de béton, la récupération des matériaux utiles aux restaurations, on a procédé à l’enlèvement de toitures et aussi de la charpente sur l’aile est" , indique Hans Eckeman.
La maison de repos occupera la totalité des trois ailes. L’entrée principale sera à la rue d’Oignies. Elle s’ouvrira sur un atrium, espace commun donnant accès au restaurant, aux cabinets d’ergothérapie et de kiné, à l’infirmerie, à la direction et à une galerie d’art. Les trois étages accueilleront chacun 30 chambres aux normes les plus modernes, d’une surface totale comprise entre 20 et 50 m2. Le second étage de l’aile est sera le cantou (destiné aux personnes désorientées), avec accès direct aux jardins.
L’investissement s’élève à 12millions€ provenant des fonds propres de Labory 51, de Wallonie Santé et des banques. L’ouverture est espérée pour le début 2024. "Une soixantaine de contrats sont à pourvoir, à temps plein et partiel." Mais l’extension, pour des résidences-services, est d’ores et déjà sur les rails: "La demande de permis d’urbanisme sera introduite fin 2022."
La ministre wallonne de la Santé et de l’Action sociale, Christie Morreale, et le ministre wallon du Budget, Adrien Dolimont, ont assisté ce lundi à la pose symbolique de la première pierre du chantier de rénovation du prieuré. Dans moins de trois ans devrait s’ouvrir sur le site une maison de repos pouvant accueillir 85 résidents. Le site a été racheté par le promoteur Labory 51.
Moteur de redynamisation du quartier
La Commune d’Aiseau-Presles n’est pas la moins heureuse du projet de Labory 51. Pour elle, et pour tous ceux qui y vivent, c’est le soulagement de voir enfin l’un des plus beaux édifices de son territoire sauvé par une affectation qui faisait défaut et, aussi, de favoriser la revitalisation de tout le quartier, au plan touristique en particulier.
Il n’a guère fallu de temps pour que le collège communal donne son assentiment au projet de MBKH. "On n’avait qu’une seule maison de repos, à l’ancienne maternité d’Aiseau, qui, depuis lors, est partie à Gerpinnes. C’était donc une très bonne idée" , explique Jean Fersini, le mayeur.
Une condition suspensive était toutefois liée au rachat du site: obtenir les lits reconnus par la Wallonie, idéalement 120. "On a dû convaincre la ministre Tillieux, notamment en avançant l’importance historique du lieu. On a finalement obtenu 85 lits alors que nous étions en concurrence avec Charleroi" , indique encore le bourgmestre.
La Commune a aussi joué le rôle d’intermédiaire pour l’obtention du permis d’urbanisme, ou encore auprès de l’AWaP, l’Agence wallonne du patrimoine, ce qu’elle sera peut-être encore amenée à faire pour une question de dimensions d’ardoises, soulève Fersini.
"La nouvelle vie de l’ancien prieuré sera, pour nous, un élément clé pour le tourisme d’un jour" , poursuit-il. C’est que le site sera en lien direct avec le futur centre d’interprétation du protobéguinisme qui verra le jour dans l’église toute proche et pour lequel la Commune a déboursé plus de 700000 €. "L’inauguration est espérée pour fin 2023."
"On va aussi créer une confrérie avec une bière spécifique, ajoute le mayeur. On peut encore ajouter à tous ces éléments la zone Natura 2000 autour des étangs, et on aura de quoi satisfaire les touristes d’un jour, flamands en particulier."
À terme, enfin, un nouveau quartier devrait être créé face à l’abbaye, sur le site de l’ancienne Soudière. Mais ça, c’est une autre histoire.
Entretenir les liens, le rôle social, la curiosité
La maison de repos du prieuré d’Oignies, complétée par les autres services annoncés sur ce site de 4 hectares, ne sera pas tout à fait comme les autres. D’abord parce qu’elle prendra place au sein d’un bâtiment exceptionnel, dont le propriétaire a voulu exploiter au maximum les potentialités, au-delà des contraintes du classement.
Avec modestie, Hans Eckeman évoque les trois couloirs aux plafonds voûtés, larges de 4 mètres, qui desservent les futures chambres. Son idée, c’est d’en faire une galerie d’art mais surtout d’y créer des espaces de rencontre "avec des petits bancs, où les résidents pourront se dire bonjour, discuter, comme ils l’auraient fait dans leur quartier" .
Pour le promoteur, il est essentiel que le bâtiment soit un lieu favorisant autant que possible les liens entre les gens, les familles, l’extérieur. Et permettant à chacun de continuer à développer ses facultés, de jouer un rôle utile à la société. Liens, rôle social, curiosité et intérêt aussi: des éléments clés qui favorisent le maintien en bonne santé des seniors.
"Je pense à organiser une école de devoirs, à la bibliothèque ou dans les jardins quand il fait bon, avec l’aide d’une ancienne institutrice intéressée , explique le promoteur, qui a travaillé pour les grands groupes de maisons de repos comme consultant. On peut planter des framboisiers et permettre aux mamys d’apprendre aux jeunes générations à faire de la confiture, proposer aux papys de transmettre la façon de tailler les arbres, de planter des haricots à rames.
On peut aussi, simplement, prévoir un espace dans les jardins où prendre l’apéro. Et pourquoi pas organiser de petites chasses aux trésors avec les familles, aménager un espace de revalidation d’oiseaux avec une association locale? Le site est vaste, il permet beaucoup de choses." Et, donc, de développer aussi d’autres types d’hébergement: des résidences-services, mais aussi des logements kangourous (où peuvent cohabiter plusieurs générations), rares en Wallonie, voire une sorte de béguinage qui permet une forme de vie communautaire distincte de la maison de repos… Des idées originales, généreuses, porteuses, qui nécessitent un personnel formé et motivé, pour lequel Hans Eckeman préconise le recours au jeu de rôles qui mettent en situation.
Élitiste, la future maison de repos? Il s’en défend. « La chambre de base sera de quelques euros plus chère que la moyenne de la région. Et pour une résidence-services, si le loyer moyen pour un logement classique est de 600 ou 700 €, on n’excédera pas 1000 €, avec l’équipement, une terrasse et une surveillance efficace qui respecte la vie privée. »