Spy: une récolte de houblon participative
À la Houblonnière de Chistrée, à Spy, on a récolté les précieux cônes pour la quatrième fois. Avant le passage à une production appelée à être décuplée à partir de l’an prochain.
- Publié le 03-09-2023 à 18h00
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C’est un peu les vendanges appliquées au domaine brassicole. Ce dimanche, ils sont une quinzaine de bénévoles à rejoindre le petit terrain de la rue de la Chistrée, à Spy, où s’élèvent, à six mètres de hauteur, 300 plants de houblon. Objectif: cueillir les cônes de cette plante grimpante, ingrédients essentiels de la bière, arrivés à parfaite maturité pour libérer tous leurs arômes. "C’est notre quatrième récolte", explique Brieuc Van Hassel, 31 ans, qui, en 2019, s’est lancé, avec d’autres passionnés, dans cette culture délaissée en Belgique (lire ci-dessous). Un travail pas trop compliqué, mais qui nécessite une bonne organisation. Car "la production doit être conditionnée le jour même, ce qui nous peut nous amener parfois tard le soir", confie le jeune houblonnier. Heureusement, les tâches se sont aussi perfectionnées au fils des ans, pour une plus grande efficacité.
Équipé d’une longue perche armée d’un sécateur, Silvain coupe la corde sur laquelle est enroulée la liane. C’est la première étape, pas toujours simple à une telle hauteur. Quelques mètres plus loin, une drôle de machine, actionnée par un moteur électrique et équipée de deux rouleaux munis de batteurs métalliques, est en action. À proximité, une bonne odeur d’agrumes se dégage… "Les deux premières années, nous coupions la liane et nous égrenions ensuite les cônes." Une tâche fastidieuse. "Nous avons mis au point cette machine qui a deux avantages: elle fait gagner du temps, tout en permettant de ne pas sacrifier la liane. La photosynthèse peut continuer à se faire, ce qui est favorable à la plante", explique cet ingénieur agronome.
L’embarras du choix
L’étape suivante est plutôt conviviale. La machine ne permet pas un tri parfait, et il est nécessaire de séparer manuellement les précieux cônes des feuilles. Ils sont une demi-douzaine, sous une tonnelle, à assumer cette tâche où il est parfois judicieux d’enlever les parties abîmées des cônes. Fastidieux ? Peut-être, mais la motivation y est, même chez les plus jeunes volontaires: "On aime être dehors, et surtout c’est bien d’aider quelque chose qui est en train de grandir", justifie un ado accompagnant son père et son frère. Vient ensuite le séchage. "Une étape clé, car elle permet de préserver les propriétés aromatiques du houblon." Ici aussi, un dispositif maison, avec canon à chaleur, permet de faire le job. L’opération qui prend entre 4 et 6 heures. Après cela, c’est le pressage des cônes séchés, puis leur mise sous vide.
Lorsque toute la récolte sera terminée, 30 à 40 kg de cônes de houblon séchés seront prêts à être livrés aux clients de la micro-houblonnière de la Chistrée, en particulier la brasserie de la Maltonne (Malonne) et Mazette (Bruxelles), pour la production de quelque 200 hectolitres de bière. Et les marques d’intérêt, de microbrasseurs surtout, ne manquent pas : "On a l’embarras du choix…"
"Le poids récolté n’est toutefois pas encore optimum car notre culture a encore un caractère expérimental, avec une démarche agro-écologique en cours d’affinement. Mais c’est bien meilleur que l’an passé." En attendant l’an prochain, lorsque l’expansion de la houblonnière, à Buzet, la fera entrer "dans la cour des grands".
À Buzet, pour entrer dans la "cour des grands"
La Houblonnière de la Chistrée est née en 2019. Cinq amis, brasseurs amateurs, convaincus de la relocalisation des productions, dressent un constat: très peu d’orge et de houblon entrant dans l’élaboration des bières brassées en Belgique proviennent de notre pays. "Avec le jeu de la mondialisation, et donc des coûts moins élevés ailleurs, la production de houblon est aujourd’hui marginale en Belgique. En Wallonie, nous sommes une vingtaine, surtout microproducteurs." Le plus proche étant situé à Vodelée.
Les fondateurs, "avec des scientifiques à la barre et tous ayant la main verte", décident de complanter un terrain de 12 ares avec trois variétés de houblon: Chinook, Challenger et Cascade. Elles sont à la fois robustes, répondent à la demande et peuvent être récoltées de façon échelonnée. L’apprentissage de la culture se fait de façon empirique, et dans le respect de la nature: "On n’est pas labellisé, mais on travaille en bio", précise Brieuc Van Hassel.
La structure a pris la forme d’une coopérative. "Car on voulait une implication des personnes motivées dans le projet, qui apportent des idées et peuvent aider." Ils apporteront aussi du capital et sont aujourd’hui 198. "C’est assez pour l’instant, le modèle fonctionne bien." Les investisseurs ont pu compter sur les avantages fiscaux du tax-shelter, et, la coopérative, sur une bourse spécifique de la Wallonie. De quoi rémunérer Brieuc à 4/5e temps, et un ouvrier à mi-temps.
L’objectif est de créer une activité à part entière. En ce sens, la coopérative s’est impliquée dans la production de plants de houblon du Centre de recherche agronomique wallon, à Gembloux, qui fournit toute la Belgique. "L’activité périclitait faute de personnel, et on a pu négocier une convention qui nous a permis de développer une pépinière. On a produit 3 000 plants cette année." L’étape suivante est pour cet automne. À Buzet, 1,4 hectare sera planté de houblon, avec une gamme élargie de variétés et une mécanisation accrue. De quoi produire en théorie 1 500 kg de houblon par an et qui nécessitera un modèle de gestion différent.