Mettet : au château de Thozée, l’hommage à Pan, dieu nature et champêtre
Lieu d’inspiration et de création artistique, le château de Thozée expose actuellement l’œuvre étrangement masquée de Peter Delpechin dans un hommage à Pan, ancienne divinité cumulant les pouvoirs: dieu champêtre, gardien des ruches et harceleur de nymphes.
Publié le 19-05-2023 à 08h03 - Mis à jour le 19-05-2023 à 14h01
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Ce mercredi d’avril, Thozée, havre à la simplicité rurale, baigne dans la complexe antiquité grecque: la gentilhommière, qui a vu passer Félicien Rops et sa famille de leur vivant, dévoile les installations artistiques de Peter Depelchin, un artiste de 38 ans originaire de Gand. Ce dernier est venu en Wallonie profonde rendre hommage à Pan, le dieu champêtre, protecteur des troupeaux de moutons et de chèvres, gardien des ruches et inventeur de la fameuse flûte de Pan faite de roseaux coupés.
Pan encourage le retour à la nature mais cette divinité vole aussi au cœur des villes. On peut ainsi le trouver à Bruxelles, figuré dans des ornements architecturaux, sur les façades, au fronton des places et des parcs publics.
Sur la terrasse grande ouverte sur le jardin, Peter rayonne d’une notoriété nouvelle. Le voilà adoubé par l’auteur de La Dame au cochon (Pornocratès), qui grava et dessina Pan à plusieurs reprises et se créa lui aussi un monde parallèle, allégorique et théâtral. Suprême filiation.
Présent, le député-président de la Province de Namur, Jean-Marc Van Espen, explique combien le choix de Delpechin est pertinent en ce lieu de mémoire empreint de poésie. En effet, ses réalisations entremêlent érudition et sensualité. Recombinent des animaux fantastiques avec des dieux et des déesses en proie à des fantasmes humains et suggèrent en fin de compte des représentations érotiques. Toutes choses que Rops aurait approuvées et applaudies.
Plus terre à terre, faire d’un génial Flamand reconnu un disciple de Rops, c’est donner une ampleur nationale au peintre et au graveur qui scandalisa la bien-pensance de son siècle.
Pour la première fois, cet Hommage à Pan, titre de l’exposition, consacre une collaboration fusionnelle entre le musée provincial de la rue Fumal à Namur et le château de Thozée, propriété du Fonds Félicien Rops, qui travaille, lui, à valoriser un remarquable patrimoine métamorphosé en résidence d’artistes.
Pan en deux volets
Le musée et le château, "c’est un peu “ le rat des villes et le rat des champs ” de Jean de la Fontaine," compare joliment Jean-Marc Van Espen. Officiellement, le Fonds Félicien Rops-Château de Thozée est reconnu et subsidié comme Opérateur d’appui du musée namurois par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Objectif: créer des projets communs et ainsi positionner davantage l’institution provinciale comme acteur majeur des arts et de la culture.
Cet Hommage à Pan pose donc un premier jalon à cette intime collaboration entre le musée institutionnel et sa désormais alliée de campagne, plus évasive et romanesque sous ses airs de petit château coulé dans la nature espiègle. L’un et l’autre vont s’atteler à promouvoir Rops en écho.
De tous les artistes ayant eu l’honneur de dormir à Thozée, Peter Delpechin est le seul à y présenter une exposition-miroir, en deux volets et deux lieux: l’un à la ville, l’autre à la campagne. À Thozée, le silence est grandiose et inspirant, les nuits ténébreuses. Peter Delpechin évoque un château froid à l’atmosphère hantée par l’obscurité, peuplé "de bruits qu’on ne reconnaît pas tout de suite." Dans les chambres au rez-de-chaussée, son univers déployé est constitué de dessins et de sculptures dont un cortège de têtes en céramique. Dans la pièce où séjourna le poète Baudelaire, l’œuvre saisit en ce qu’elle montre une suspension de cornes de vaches, parce que Pan est un dieu à cornes. Issus d’un abattoir, ces matériaux ont été assemblés et sublimés en une constellation d’étoiles.
Peter Delpechin prétend que Pan est un dieu qui nous touche tous en ce qu’il synthétise les penchants humains les plus lubriques aux aspirations les plus sacrées. Polymorphe, il est mis en scène à Thozée dans la matière mais aussi à travers de multiples tableaux vivants vidéofilmés avec la complicité d’un photographe, de danseuses et plasticiens. L’une de ces séquences, surréaliste, montre une fête d’Halloween grimée et réinterprétée en une Danse de Pan mystique et satirique.
Cet Hommage à Pan convie à un voyage perché dans un mélange d’antiquité grecque, d’art baroque, de symbolisme et de modernisme. La suite, prometteuse, est à découvrir au musée Rops, à Namur, dès le 27 mai.



