Harcèlement ou "hyperconflit" au CPAS de Fosses-la-Ville

En 2020, six assistantes sociales avaient déposé plainte pour harcèlement contre la directrice générale et la présidente du CPAS de Fosses. Devant le tribunal correctionnel ce mercredi, la défense évoque un "hyperconflit" où les victimes figurent… dans les deux camps.

Samuel SINTE
 Dans les locaux du CPAS, à l’espace Winson, les tensions ont été vives en 2019-2020.
Dans les locaux du CPAS, à l’espace Winson, les tensions ont été vives en 2019-2020. ©ÉdA – 40323007260 

En photo: un trou en terre, rectangulaire. Une tombe, à l’évidence. En commentaire: "C’est un peu tendu en ce moment avec certaines personnes au travail, alors pour me détendre, je jardine." Cette publication sur son profil Facebook (privé) de Frédérique Goisse, la directrice générale du CPAS de Fosses, a été le point de départ du dossier judiciaire qui a abouti ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Namur. Parmi les divers commentaires de ses "amis" sur le réseau social, celui de la présidente du CPAS, Bérangère Bouffioux: "On en creuse combien ? (NDLR: en référence à la tombe) Six ?" Or "six", c’est précisément le nombre d’assistantes sociales, au sein d’un CPAS qui en comptait huit, avec qui la directrice était en conflit depuis plusieurs mois. "Une coïncidence, j’aurais pu dire 4 ou 8,… c’est une connerie", qualifie la présidente. "Un trait d’humour noir sans arrière-pensée" assure la directrice.

Des faits consignés dans un carnet de 149 pages

Du point de vue des six assistantes sociales, cette publication Facebook, qui leur est revenue aux yeux et aux oreilles on ne sait comment, a été perçue comme la goutte faisant déborder le vase. Ce qui a débouché dans leur chef sur un dépôt de plainte groupée, pour harcèlement.

En se présentant à la police, les dames produisent un carnet de 149 pages, un "road book" où elles ont, depuis des mois, écrit au jour le jour tout ce qu’elles reprochent à leur directrice. Tout, depuis un jour de juillet 2019 où, en colère suite à un travail mal réalisé par l’une d’elle, Frédérique Goisse aurait menacé de "les faire sauter". Les souvenirs des propos précis tenus divergent et la directrice assure avoir juste dit "si elles ne sont pas d’accord, qu’elles aillent voir ailleurs." Toujours est-il qu’entre juillet 2019 et octobre 2020, les épisodes consignés sont nombreux: agressivité, dénigrement, pressions, ingérence, vexations, manque d’empathie, menaces, prise de mesures arbitraires dans le but de diviser ou d’isoler, surcharge de travail… listent les avocats des parties civiles.

Les "AS" disent notamment avoir été traitées de "connes" ou "d’incompétentes", critiquées à l’extérieur ou devant des tiers, poussées dans leurs derniers retranchements au point de craindre leur cheffe, celle-ci se félicitant de les voir trembler devant elle. "Les épisodes ou les griefs pris un par un peuvent paraître sans gravité, mais c’est leur accumulation générant un impact sur la santé psychique ou physique des personnes qui est constitutive du harcèlement" justifie l’auditrice du travail, Sarah Piron, au parquet. Les dégâts ont eu pour conséquences des départs en congés de maladie, puis des départs définitifs, pour les six travailleuses concernées.

"Des victimes des deux côtés"

"Je ne dirais pas que j’ai bon caractère, confesse Frédérique Goisse devant le juge Depas . Je suis d’un naturel franc, parfois froid, mais je n’ai jamais été à l’encontre de ces personnes, à part pour le travail." Son interprétation des faits est celle d’un conflit avec certaines travailleuses n’acceptant pas les nécessaires changements qu’elle voulait mettre en place au CPAS pour que les services fonctionnent mieux. Un "hyperconflit" qualifie Me Uyttendaele, à la défense de la directrice. Et de développer que dans la notion psychologique d’hyperconflit on est face à deux camps, directrice et présidente d’un côté assistantes sociales de l’autre dans ce cas-ci, avec des positions opposées et des torts partagés. "Il n’y a que des victimes dans cette affaire, y compris ma cliente", argumente l’avocat, pointant que cette dernière a vu ses moindres faits et gestes consignés dans son dos pendant des mois, cependant que, consciente des tensions, elle demandait en vain de l’aide à ses instances.

De ce conflit, dit encore la défense, le tribunal n’a qu’une version: celle consignée dans le carnet de route par les plaignantes. Les avocats des prévenues dénoncent une instruction menée exclusivement à charge et où la défense n’a pas eu la possibilité de demander des auditions de témoins qui auraient pu donner un autre éclairage. Entendant la remarque en audience, le juge Depas évoque la possibilité d’entendre une série de personnes avant de trancher sur la culpabilité ou non. Il rendra un jugement le 19 avril, décidant de l’opportunité ou non de recueillir ces témoignages, parmi lesquels pourrait figurer le bourgmestre de Fosses, Gaëtan de Bilderling.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...