Vincent Macq quitte le parquet de Namur après 25 ans : bilan, souvenirs et anecdotes
Arrivé au parquet de Namur en 1999, Vincent Macq pensait y rester deux ou trois ans. "Ça s’est un peu prolongé", s’amuse celui qui en aura été le patron ces dix dernières années. Souvenirs, espoirs et anecdotes de ce magistrat considéré par beaucoup comme un vrai gentleman.
Publié le 27-02-2023 à 10h40 - Mis à jour le 27-02-2023 à 10h41
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Un tableau qui évoque la vie au quotidien dans la ville marocaine de Rabat, quelques affiches colorées et en fond sonore, Volare, un classique de la musique italienne. "Ça, c’est les surprises des playlists", s’amuse Vincent Macq. Volare, la chanson vient à propos quand on sait que celui qui fut pendant dix ans le procureur du roi de Namur prendra son envol pour Mons, ce mercredi 1er mars.
Vous aurez un petit pincement au cœur au moment de refermer cette porte ?
Je ne vais pas le nier, même si je sais que je ferai inévitablement de belles rencontres professionnelles à Mons et que le boulot qui m’attend me motive énormément. Mais Namur, c’est mon port d’attache depuis près de 25 ans.
Une ville mais aussi une réalité pénale qui ont beaucoup changé en un quart de siècle. C’est aussi votre constat ?
Oui et non. Quand je suis arrivé, il y avait des affaires de braquages de fourgons. Et on tirait sur les convoyeurs de fonds. Des bandes urbaines venaient de Bruxelles, avec une grande violence parmi les jeunes. En jeunesse, j’ai aussi connu des dossiers mœurs terribles au début des années 2000 avec des jeunes impliqués dans des tournantes (viols collectifs). En Basse-Sambre, une bande ultraviolente était à l’action et n’hésitait pas non plus à tirer sur les combis de police…
Mais aujourd’hui, beaucoup constatent et dénoncent une dégradation dans le centre-ville de Namur.
Il y a une évidence: dans le milieu des stupéfiants, il y a une professionnalisation des trafics. On a affaire à des gens très bien organisés, avec des moyens techniques souvent supérieurs aux nôtres. On doit s’attaquer à la tête du réseau bien sûr mais aussi au petit commerce qui se fait en pleine rue. À côté de cela, il y a la demande pour les stups. Notre société est de plus en plus clivée et clivante. Il y a donc pas mal de gens qui basculent et qui se retrouvent fragilisés. Et oui, cela peut donc créer une ambiance beaucoup plus dure, que l’on peut aussi ressentir dans le centre-ville.
Certains dossiers vous ont marqué ?
Il n’y a pas de petites affaires. Mais certaines peuvent quand même vous toucher, personnellement. Il est impossible de ne pas être marqué quand vous vivez l’autopsie d’un bébé et qu’à l’époque, vous êtes vous-même jeune père de famille…
En jeunesse, tout le monde garde en tête le dossier de Tiffany Warnotte (en 2004, cette jeune Vedrinoise avait disparu pendant treize mois).
Oui, il a été très médiatisé et j’ai connu de gros coups de pression. Certains organisaient même des marches blanches. Quand une adolescente disparaît autant de temps sans laisser de traces, oui, c’est inquiétant. J’ai craint un moment de vivre une nouvelle affaire "Élisabeth Brichet" (la jeune Saint-Servaitoise de 12 ans enlevée, abusée et tuée par Michel Fourniret). Ce fut donc un terrible soulagement évidemment quand elle a été retrouvée.
Un autre dossier très médiatisé, ce fut celui de Jean-Charles Luperto. Ses avocats ont souvent eu la dent dure avec le parquet de Namur.
Il faut rappeler que comme procureur, vous n’êtes évidemment pas seul à prendre les décisions. Dans cette affaire, un juge d’instruction, des magistrats en chambre du conseil, un et puis trois juges pour le procès se sont penchés sur le dossier et ont rendu leur jugement.
On ne parle pas spécialement de ce dossier avec une personnalité politique mais d’une manière générale, avez-vous déjà subi des pressions ? Du moins des tentatives ?
Deux ou trois ont peut-être tenté, au début de ma carrière. Mais ce n’était pas spécialement des personnalités ou des gens haut placés. Mais ça n’arrive quasiment jamais. Et celui qui voudrait essayer jouerait un jeu vraiment dangereux. S’il y a ce genre de manœuvre, la force du magistrat du parquet, c’est qu’il peut aussi verser ce document, cette information, dans le dossier. Et évidemment, ce n’est pas le genre de chose qui va servir la cause de la personne incriminée face au juge…
Si on décidait de sortir une plaque à votre nom, où devrait-elle être fixée ?
Je ne suis absolument pas à la recherche des honneurs. On fait son job le mieux qu’on peut et puis voilà. Et ça vaut pour toutes les fonctions. Mais si on revient sur les motifs de satisfaction, je suis très heureux de la tournure du dossier du nouveau palais de justice. On a connu des heures très difficiles. Je ne dirais pas qu’on a organisé la visite de l’inspection du bien-être au travail (petit rire) mais elle est tombée à pic (avec en 2018, la fermeture pendant plusieurs mois de parties entières du vieux palais jugé insalubre et dangereux). Je n’entrerai pas dans le nouveau palais mais ce n’est pas grave. Je suis heureux de voir que ça se concrétise. C’est un dur combat qu’on a mené. À ce moment-là, le parquet de Namur était une véritable machine de guerre.
Dans l’interview qu’on peut programmer dans dix ans, à la fin de votre mandat montois, qu’espérez-vous pouvoir dire ?
Que j’ai été aussi heureux à Mons que je ne l’ai été à Namur.