Sombreffe: la rave party laisse derrière elle de gros dégâts, les organisateurs reviennent pour nettoyer le site
Retour ce lundi matin sur les lieux de la rave party qui a été à la une de l’actualité du Nouvel An. Une enquête est ouverte.
Publié le 02-01-2023 à 19h39 - Mis à jour le 03-01-2023 à 07h14
Un camion quitte l’usine désaffectée sous l’enseigne à lettres rouges Carwall. C’est le dernier d’un agglutinement de véhicules (et de fêtards) qui a pris la police et les autorités de court, samedi soir. Sa passagère, le visage percé des oreilles au menton, rouvre la barrière métallique que le propriétaire des lieux a refermée quelques instants plus tôt. «Regardez, c’est portes ouvertes ici», s’indigne l’avocat francophone de ce dernier, MePhilippe Koutny, venu constater l’état des lieux avec son client après le passage d’une grosse tempête humaine qui a sévi 24 heures, du réveillon du nouvel an au dimanche soir, et laissé derrière elle des dégâts et souillures consternants.
Les deux partants, mines éteintes, s’en retournent chez eux, en Normandie. «Nous, on n’a rien à voir avec l’organisation», répond la jeune femme. Comme si de rien n’était, toute honte bue, elle indique avoir passé la nuit dans l’enceinte de ce site privé, devant les anciens ateliers de Carwall donc, proies d’une rave party qui a illégalement pris d’assaut les lieux.
Le conducteur du camion, le corps percé et tatoué, l’aide à remettre les barrières en place. La fête est bien finie. Le silence est retombé dans ce grand vide industriel en béton.
Ce lundi matin, l’heure est au constat et aux questions. Une équipe d’ouvriers communaux s’est activée à nettoyer les ateliers et ses abords du plus gros des déchets éparpillés et abandonnés sur place par les milliers de participants.
Les chiffres diffèrent. Certitude : ils ont été au moins 4000 à violer cette propriété privée et à la fouler en toute impunité, magnétisés et électrisés par une sono débitant des décibels techno et hardcore. Par quel tour de passe-passe un tel événement a-t-il pu clandestinement se préparer et aussi facilement se déployer?
L’autorité spectatrice
Selon le bourgmestre Étienne Bertrand, un prérassemblement s’est déroulé à Nivelles, où l’adresse du point de chute n’a été communiqué qu’au dernier moment. Un monde fou a afflué à Sombreffe.
En amont, pour avoir mobilisé la quasi-moitié de la population sombreffoise (quelque 8000 personnes), l’invitation à cette rave party d’envergure européenne a dû tourner dans tous les méandres des réseaux sociaux.
Les dégâts causés à la clôture du site et à l’un de ses portails d’accès témoignent du fait qu’une telle party, au nom de la liberté absolue, s’affranchit par principe de quelques règles élémentaires d’une démocratie, à commencer par celle de demander une autorisation. Et illustrent le mépris flagrant des organisateurs pour la propriété d’autrui.
Des panneaux de signalisation ont été renversés. L’une des barrières a été tordue, vraisemblablement au moyen d’un câble accroché à un engin motorisé, peut-être au cours d’une infructueuse tentative d’arrachage.
MeKoutny ne sait plus à quel saint se vouer pour faire respecter l’État de droit. Après l’occupation du site par des gens du voyage, il avait obtenu du président du tribunal de première instance de Namur, et en extrême urgence, une ordonnance d’expulsion. Celle-ci a servi à les réexpulser après qu’ils soient revenus, hermétiques à la décision judiciaire. «Bien que deux combis, soit 4 policiers, sont affectés à des rondes, personnen’a rien vu, et aucun signal d’alarme n’est parti de Nivelles», regrette l’avocat, à sa sortie d’une réunion avec le bourgmestre, lundi matin.
Le propriétaire, M. Eeckhout, est le patron de la société flamande Van Thuyne, basée à Waregem et spécialisée dans la fabrication d’éléments de construction en béton précontraints. En mars dernier, il a racheté ce site de Carwall, d’une superficie de 7 ha, en vue d’y ouvrir une première antenne Van Thuyne en Wallonie. «Mais il n’a jamais eu autant de problèmesen attendant de pouvoir commencer les travaux, au printemps», avance l’avocat. L’entreprise a en effet attendu six mois son permis d’urbanisme.
«Tous les participants (à la rave party) sont responsables. Tous devaient savoir qu’ils se trouvaient sur une propriété privée», indique encore le patron de l’entreprise qui a mis 20 millions sur la table pour lancer l’activité. Suivront deux autres investissements de chacun 15 millions.
À nos confrères de la RTBF, le bourgmestre Bertrand a partagé son impuissance face à ce type d’événement de masse, car autant de véhicules et de gens qui fondent simultanément au même endroit, c’est juste impossible à canaliser. «On n’a pu que mettre la police en stand-by et accompagner l’activité», a-t-il déclaré. La police a ouvert une enquête a priori complexe afin de découvrir l’identité des organisateurs.
«Un dépôt de plainte avec constitution de partie civile est envisagé, a indiqué Etienne Bertrand sur Facebook. La décision reviendra au prochain conseil communal.»
Au JT de 19h, ce lundi sur RTL, le bourgmestre a expliqué que des organisateurs de la rave étaient de retour sur le site afin de le remettre en ordre : "Je suis étonné. Le collectf prend conscience des conséquences de l'occupation du site et essaye de réparer du mieux qu'il peut les dégâts ou déchets qu'ils ont laissés. La commune a nettoyé tout l'espace public ce matin et ce soir, le collectif fait le geste de nettoyer l'entreprise." P.W.