Polémique à Jemeppe après la vente d’un studio à la mer: l’échevin Jean-Luc Evrard n’a «aucune intention de démissionner»
Jean-Luc Evrard n’a commis qu’une seule erreur selon lui: être présent lors des délibérations du collège. Pour le reste, il dit n’avoir en rien favorisé la vente d’un studio à son neveu par alliance.
Publié le 01-07-2022 à 22h00 - Mis à jour le 02-07-2022 à 10h01
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On ressent la tension dans la voix de Jean-Luc Evrard au bout du fil vendredi, en fin de journée. « Des gens veulent salir mon nom et celui d’une enseigne. Et ça, je ne peux l’accepter car ces gens ne méritent pas ça. Ils ne sont en rien liés à cette histoire. » Jean-Luc Evrard, échevin des Travaux, a accepté de livrer sa version, en parallèle au communiqué de presse envoyé par le collège. « D’abord, je peux vous dire que je n’ai aucune intention de démissionner. Je n’ai en rien piloté ni influencé la vente de cet appartement ou studio à la mer appartenant à la Commune depuis 2017.Si c’était le cas ou si j’avais gagné de l’argent sur le dos du citoyen, croyez-moi, j’aurais démissionné. »
C’est son neveu par alliance qui lui a posé des questions concernant la vente. "Il est venu vers moi après avoir lu un article de presse où le collège indiquait, lors de la présentation du budget, qu’il souhaitait vendre plusieurs biens. Il m’a demandé si le studio était vendu. Je lui ai indiqué que non et je l’ai renvoyé directement vers le directeur général (NDLR: ce qui colle à la version de ce dernier) qui est chargé de s’occuper de la vente.C’est tout. J’insiste: personne, au collège, ne savait qu’il s’agissait du neveu de mon épouse." Il l’avoue, on peut lui reprocher une chose, élément d’ailleurs pointé par l’opposition. "J’aurais dû sortir, quitter la table lors des points du collège qui concernaient la vente. Si je n’ai pas donné l’information c’est parce que, pour moi, elle aurait pu influencer les votes. Il n’y avait aucune arrière-pensée." Et s’il a répondu aux questions de la minorité à ce sujet, lundi au conseil communal, c’est parce qu’il est en charge du patrimoine communal. "J’ai, dans mes compétences, la responsabilité tant des voiries que des bâtiments communaux. J’y ai donc répondu à la demande de la bourgmestre."
L’échevin estime que, depuis sa sortie publique concernant le service Travaux, il est l’homme à abattre. "Ce que je trouve dommage, c’est que certaines personnes font fi d’une amitié et n’hésite pas à me nuire. Je déplore également l’attitude de Philippe Carlier, conseiller de l’opposition, qui, sur les réseaux sociaux, a indiqué que “JEM s’en fout plein les poches” (NDLR: en référence à son groupe politique) alors que c’est totalement faux."
Le collège renvoie la balle au DG
Le collège a réagi via un communiqué de presse. Il ne reconnaît aucune erreur, au contraire de Jean-Luc Evrard lui-même (voir ci-dessous). "S’il est vrai que l’acquéreur est le neveu par alliance de l’échevin (3e degré de parenté) , il n’en demeure pas moins que ce dernier n’a absolument pas interféré dans l’instruction du dossier." Et puis, place à l’attaque avec leur cible depuis le début de la semaine: le directeur général, Dimitri Tonneau. " Il était seul gestionnaire du dossier et interlocuteur entre le potentiel acheteur, le notaire et l’Administration, indique le communiqué. Cette décision fut prise sur base d’arguments rationnels présentés au collège: l’absence ou la présence de l’échevin n’a donc eu aucune influence sur le processus. C’est ainsi que, si une enquête devait être menée suite au dépôt d’une éventuelle plainte de l’opposition, le collège ne manquera évidemment pas de fournir toutes les preuves des échanges. Cette affaire démontre encore une fois la nécessité de renforcer et soutenir le directeur général avec un DG adjoint afin de, notamment, lui permettre de disposer de plus de temps pour l’analyse légale des dossiers." L‘opposition aussi est pointée du doigt: "Nous regrettons l’attitude déplorable de certains membres de la minorité qui avait pourtant été constructive lors du conseil communal: ce dossier est clos et sera relancé en août."
Dimitri Tonneau, lui, indique qu’il ne peut vérifier le pedigree de chaque membre du collège. "Jean-Luc Evrard m’a contacté il y a quelques mois pour m’indiquer qu’une personne était intéressée. Cette dernière m’a appelé et je l’ai renvoyée vers le notaire. Ce n’est que ce jeudi à 11h que j’ai appris que l’acquéreur était le neveu par alliance.Ce n’est pas à moi de vérifier qu’un membre du collège possède un lien de parenté." Il reconnaît avoir commis une erreur dans la procédure de vente mais son mea-culpa s’arrête là. "Je reconnais mes erreurs, pas celles des autres. Lorsque j’ai reçu l’offre à 105000 €, j’ai envoyé un mail au collège pour indiquer qu’il convenait de ne pas la mépriser après deux ans de mise en vente. J’ai ensuite préparé le point. C’est à ce moment-là que l’échevin aurait dû indiquer qu’il possédait un lien de parenté avec l’acquéreur et quitter la réunion."
«AvecFacebook, c’est facile»
"Lorsque nous avons appris que l’appartement était vendu à un Sambrevillois alors que la publicité de la vente n’a été diffusée qu’à la mer, le tout en néerlandais, ça nous a mis la puce à l’oreille" , commente Frédéric Delcommene, membre de l’opposition DéFi. Quand il a connu le nom de l’acquéreur, il a réalisé des recherches sur Facebook. "J’ai remarqué qu’il était un ami en commun de Jean-Luc Evrard. J’ai donc continué mes recherches et découvert qu’il s’agissait du fils de la sœur de sa femme. C’est son neveu par alliance et même le parrain de son fils.Avec Facebook, c’est très facile de faire des liens." Pour le conseiller communal, c’est l’erreur de trop du collège. "J’avais déjà dénoncé un conflit d’intérêts avec Jean-Pierre Sacré , membre CCATM et chef de groupe JEM, et également vendeur d’un projet immobilier à Jemeppe. Le collège cache des choses et quand nous mettons le doigt sur ces éléments, ils nous disent que nous cherchons des ennuis là où il n’y en a pas. Je pense qu’ils ne connaissent pas leurs dossiers, ni la législation de leurs dossiers."
Dans les rangs de la minorité, d’autres membres crient à la fraude. "Il y a trois problèmes dans ce dossier: le prix au rabais, le type de vente de gré à gré sans publicité sur le territoire jemeppois et, enfin, le lien de parenté entre l’échevin et l’acquéreur. Si on assemble toutes les pièces du puzzle, il y a clairement une grosse suspicion de corruption. L’échevin et le collège ont tenté de cacher la vente et ce lien de parenté."
D’autres semblent attristés par la situation avec un sentiment de déjà-vu. "Le navire coule fameusement. Les membres du collège ont critiqué la fin du règne de Joseph Daussogne. Leur grand rêve, au début de la législature, c’était d’imposer la transparence, la communication, d’effacer les irrégularités… Et, aujourd’hui, on retombe dans les travers du passé. J’ai l’impression qu’on n’en sortira jamais à Jemeppe."
L’acquéreur n’ira pas plus loin
Me Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération des notaires, indique que l’acheteur qui a signé le compromis de vente a des droits. « Il est important de rappeler que la période entre le compromis et l’acte doit permettre de vider les problèmes. Dans ce cas, il y a eu une erreur de procédure clairement identifiée. L’acheteur peut, s’il le veut, demander des dommages et intérêts précis si, entre-temps, il a engagé des frais pour un architecte, pris des jours de congé pour visiter, revoir le bien, il peut demander un dédommagement. " Mais, selon nos informations, l’acquéreur n’ira pas plus loin dans ses démarches.