Répression et SAC durant le confinement : des discriminations dans les communes les plus pauvres de Bruxelles (infographies)

Une chercheuse bruxelloise a étudié la façon dont les communes bruxelloises ont infligé des sanctions administratives communales (SAC) durant le confinement dû au Covid. Selon ses chiffres, les habitants des quartiers les plus denses et les plus pauvres ont été davantage sanctionnés.

La police montée durant le covid au parc de Laeken.
Durant les premiers mois du confinement, les SAC ont permis aux communes de Bruxelles de sanctionner le non-respect des mesures fédérales de limitation de l'espace public. Avec des différences selon les 19 entités. ©EdA - Julien Rensonnet

Souvenez-vous : début 2020, le Covid frappe la Belgique. Rapidement, tous les Belges sont confinés chez eux. Et à ce titre, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, c’est le cas de le dire. Instinctivement, on se rend vite compte qu’être bouclé dans un logement social dans les quartiers populaires de Bruxelles n’a aucune commune mesure avec la vie confinée dans les quartiers plus verts de la deuxième couronne.

Une étude de l’Université Saint-Louis Bruxelles publiée ce 22 mai 2023 par la revue scientifique en ligne Brussels Studies apporte une nouvelle pierre à ce sentiment. La chercheuse Diletta Tatti s’est en effet penchée sur la géométrie variable des sanctions administratives communales (SAC) durant la crise Covid. Celles-ci sont utilisées par les communes bruxelloises entre les mois de mars et juin 2020 pour sanctionner le non-respect des mesures sanitaires décrites dans l’arrêté ministériel du 18 mars 2020, qui interdit ou restreint l’accès à l’espace public. Ce recours aux SAC est une exception bruxelloise : le procureur du Roi craignait de voir les tribunaux submergés. Il passe donc le relais aux administrations communales, autorisées à sanctionner de maximum 250€ les infractions observées par les 6 zones de police de Bruxelles.

guillement

Le confinement chez soi n’a pas signifié la même chose pour tous les Bruxellois. La mise en oeuvre et la répression des mesures Covid dans l’espace public non plus

Le croissant pauvre davantage sanctionné

Diletta Tatti se base sur les données fournies par l’Observatoire Bruxellois pour la Prévention et la Sécurité (OBPS). Ainsi, sur la période étudiée entre 18 mars mars et 30 juin 2020, les Communes ont enregistré un total d’environ 12.999 PV Covid. La chercheuse observe qu’ils ne représentent que 6,8 % du total des dossiers entrés en 2020, “mais 29 % du total hors arrêt et stationnement. Un chiffre considérable, d’autant qu’il doit être rapporté à la seule période concernée, d’un peu moins de trois mois”.

La juriste note ensuite “une répartition très inégale du nombre de dossiers entre les communes. Les 5 communes les plus peuplées (Bruxelles-Ville, Molenbeek, Schaerbeek, Anderlecht et Ixelles), qui en 2021 représentent 51,3 % de la population régionale (IBSA, 2021), comptabilisent à elles seules 8.733 dossiers Covid, soit 67 % du total”. Le déséquilibre semble encore plus flagrant quand on se penche sur les statistiques des communes du croissant pauvre (Anderlecht, Bruxelles-Ville, Forest, Molenbeek, Schaerbeek, Saint-Gilles et Saint-Josse) : elles accueillent 55 % de la population régionale en 2021 mais “cumulent près de 70 % des dossiers SAC liés au Covid, soit 9.029 dossiers sur les 12.999 entrés à l’échelle de la région”.

Autre observation éclairante : Diletta Tatti distingue les SAC liés au Covid des autres selon les communes. Elle souligne que “la part des dossiers Covid dans le total des dossiers hors arrêt et stationnement est très variable d’une commune à l’autre. […] À titre d’exemple, à Saint-Josse, les dossiers Covid représentent 96 % de tous les dossiers SAC, hors arrêts et stationnement, contre 14 % à Woluwe-Saint-Pierre”. On comprend que les choix répressifs posés dans ces deux entités s’opposent diamétralement.

La chercheuse explique enfin que le nombre de SAC liées au Covid dépend évidemment des inégalités sociospatiales (on revient à la différence entre habiter une tour sans parc alentour ou une villa 4 façades avec jardin en bordure de Soignes) ou des habitudes des différentes zones de police. Diletta Tatti estime que ces deux facteurs ont engendré “des situations discriminatoires”. Dans ses conclusions, elle écrit : “la diversité des réalités locales, particulièrement (pré-)visible à l’échelle bruxelloise, a remis en cause la pertinence de mesures de crise générales, et destinées à s’appliquer indistinctement à des situations géographiques et socio-économiques très diverses. Le confinement chez soi n’a pas signifié la même chose pour tous les Bruxellois. La mise en œuvre et la répression des mesures Covid dans l’espace public non plus”.

+ Pour lire l’enquête en intégralité, surfez sur le site de Brussels Studies.

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