Gerpinnes : ”La mobylette de mon papa n’existe plus depuis 1973 et on me réclame soudain une taxe de circulation pour 2023”
Avec un dossier surréaliste auprès de l’administration du SPW, Annick a mis le doigt dans ce qu’on ne peut que décrire comme “la maison qui rend fou”, digne des aventures d’Astérix.
Publié le 04-05-2023 à 16h20 - Mis à jour le 04-05-2023 à 17h45
Annick Ghisbain a 59 ans. Cette Gerpinnoise pensait vivre une petite existence paisible faite de joies et de peurs, comme tout le monde, quand elle s’est retrouvée totalement démunie face à la machine administrative du Service Public Wallonie.
Imaginez plutôt : on lui réclame pour 2023 une taxe de circulation pour la mobylette de son père, décédé il y a 19 ans, une mobylette qu’elle n’a plus vu depuis 1973 ! “Au début, j’ai trouvé ça comique. Mais maintenant, j’en suis arrivé au point où on m’a dit : soit vous payez, soit vous attaquez le SPW en la personne de son Ministre-Président – c’est Elio Di Rupo – en justice…”

Un retour en arrière s’impose, parce que l’histoire en serait presque palpitante si elle n’affectait pas le quotidien de gens qui n’ont rien demandé.
En janvier 2023, une habitante de Mettet reçoit un courrier “à la succession de Jacques Ghisbain”. Elle transmet le courrier à sa propriétaire, Annick, qui loue l’ancienne maison de son père, décédé en 2004 il y a 19 ans, et qui habite, elle, à Gerpinnes. Surprise : le courrier est une invitation du SPW à payer 42,11 € de “taxe de circulation” pour un cyclomoteur immatriculé en 1969. “Ça ne pouvait qu’être la Motobécane 40v que ma maman a conduite jusqu’en 1973, quand elle a été fort secouée par le décès de sa mère et qu’elle n’a plus conduit”, détaille Annick. Un rendez-vous au SPW plus tard, on lui parle “d’une aberration” en lui conseillant d’ouvrir un recours. Ce qu’elle fait, expliquant la situation ubuesque : “je n’ai plus vu ce scooter depuis 50 ans, en 1973. Mon père n’a jamais payé de taxe de circulation, et moi non plus alors que j’ai hérité il y a 19 ans.” En mars, un rappel et une invitation à payer “immédiatement”. Puis la réponse au recours arrive : il est refusé. La raison ? Le véhicule est toujours immatriculé à la DIV. “Le courrier m’explique la procédure à suivre pour radier la plaque, en passant par une Attestation de Dépossession Involontaire d’une Marque d’Immatriculation, que je dois faire à la police pour l’envoyer à la DIV. Sauf que la DIV me dit qu’il ne faut surtout pas lui envoyer cette attestation, et la police refuse de m’en faire une parce qu’elle ne peut pas vérifier que le numéro de châssis correspond bien… puisque la mobylette a disparu depuis 1973.”
Mais Annick ne se laisse pas démonter : elle s’arrange, en vérifiant auprès de la DIV la procédure à suivre – la vraie, pas celle que lui indiquait le SPW Fiscalité – puis en retournant voir la police pour avoir ladite attestation, qu’elle obtient finalement moyennant la mention “nous n’avons pas pu inspecter le numéro de châssis”. Toutes ses cartes en main, elle retourne à la DIV pour faire radier cette plaque qui appartient toujours à un homme mort depuis presque 20 ans… “et là on me dit que ça ne va pas, qu’il faut en fait faire un AUR. C’est un Avis Urgent de Recherche, parce que mon cyclomoteur a disparu. C’est ridicule, mais en plus on refuse de faire cette procédure à la police, parce que l’urgence doit être justifiée et que c’est un peu compliqué puisque l’affaire a 50 ans. Mais je ne lâche rien.” Finalement, après cinq mois de procédures, la plaque est enfin radiée.

”Mais on me demande toujours de payer la taxe de circulation, au prorata des mois écoulés en 2023”, rit Annick. Sa seule possibilité ? Déposer une plainte directement au tribunal, en assignant la Région wallonne. “Le courrier précise que je dois assigner la Région en la personne de son Ministre-Président. C’est Elio Di Rupo. J’ai consulté un avocat et c’est effectivement soit ça, soit payer la taxe. Il est évidemment hors de question que je paye.”
La voilà donc partie pour ouvrir une plainte (24 € d’ouverture de dossier) auprès du tribunal de première instance de Namur, en assignant Elio Di Rupo, parce qu’elle a reçu probablement par erreur une taxe de circulation pour un cyclomoteur qui a disparu depuis 50 ans et qui appartenait à son père mort il y a 19 ans. “Ils sont complètement fous, en fait.”
Contacté, le SPW n’avait pas encore répondu à notre demande de commentaire à l’heure d’écrire ces lignes.