Grand bonhomme, grand bar : le Pantin, célèbre bar du quartier Flagey, fête ses 40 ans
Théâtre, musique, cinéma, débats, échecs, le Pantin fait vivre le quartier de la place Flagey et des étangs d’Ixelles depuis 1983. Rencontre avec le fondateur.
Publié le 19-03-2023 à 13h46
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On vous emmène dans un véritable musée à tireuse ouverte. Jean-Marie, JM pour les habitués, a racheté le pas-de-porte ixellois pour 100 000 francs belges il y a maintenant 40 ans. À 73 ans aujourd’hui, on le retrouve encore derrière le bar en journée : “je passe au moins une fois par jour. Mais moins le soir maintenant.”

Il en a fait des soirées entre ses murs “Quand, j’ai commencé, j’avais évidemment une idée de ce que je voulais faire, mais on ne sait jamais trop où ça va partir.” Le bar devient très vite un repère d’artistes. Les concerts de jazz, de rock (“du vrai rock”) et de musique classique s’enchaînent. Quand les musiciens se taisent, les baffles balancent des Stones ou du Miles Davis. Le Bruxellois savait y faire dans l’Horeca : “j’avais tenu deux établissements avant avec un copain. On a même travaillé pour des rallyes avec la noblesse. Ces gens ont vraiment une attitude décalée…”
Café des arts
C’est la comédienne Yolande Moreaux qui fera la soirée d’ouverture du Pantin. “Elle venait de gagner le 1er prix du festival de Rochefort, c’était super.” Analyste en informatique de profession “à l’époque où on avait des disquettes et des cartes perforées pour payer ses articles au Colruyt,” JM s’était passionné pour l’écriture et la poésie pendant ses humanités pendant que sa mère, qui a fui la Pologne lui racontait les horreurs qui résonnent aujourd’hui avec l’actualité ukrainienne. “J’aimais beaucoup les textes de Michel de Ghelderode. Ça alliait la poésie au théâtre de marionnette…” On comprend vite le nom du Pantin. Sans jamais avoir perdu son amour pour les lettres, JM proposera dans son bar des pièces de théâtre. “On a récupéré les fauteuils du cinéma de Jodoigne quand il a fermé.” On peut toujours les voir aujourd’hui dans l’iconique fumoir où la clique d’habitués refait souvent le monde. “On commençait les pièces à 19 h 15. Donc, à 19 h, on mettait tous les clients dehors. Ils attendaient devant. Et quand on rouvrait les portes pour la pièce, ils rerentraient en payant leur place.”

Puis il y a eu l’arrivée de clip vidéo. JM a payé les factures d’électricité d’un voisin patron de bar en galère en échange d’un projecteur défectueux. “Il suffisait d’appuyer sur un bouton pour que ça remarche… Voilà le Pantin avec rétroprojecteur, véritable attrape passant à l’époque. C’était le tout début des clips.” Le fondateur a toujours voulu faire vivre son bar. “Il y a eu un du premier café politique ici, au début d’Écolo. On a aussi accueilli “les refusés” des artistes français qui n’arrivaient pas à exposer en France. C’étaient des gens… Spéciaux… Petit chapeau et tout… Qui se pensaient les meilleurs… Ça n’a pas duré.”
En lisant Libé, JM à aussi découvert les cafés philo. Ni une ni deux, il lance “la première version belge du genre” au Pantin avec un ami philosophe à l’ULB. “C’était génial, bonne ambiance. Mais très vite des gens avec une tête comme ça (il mime une tête énorme.) sont venus étaler leur savoir alors on a arrêté. On l’aura compris, JM n’est pas un grand fan de ceux dont les chaussures débordent d’ego. “Ici, tout le monde discute, c’est chaleureux, c’est une ambiance.”
Guirlande de Kinder

Impossible de vous raconter les 40 ans d’anecdote : les expériences de JM à la contrebasse qui trône fièrement à l’entrée du bar. “Un chef d’un orchestre avait besoin d’un contrebassiste. J’avais à peine fait un peu de guitare. Il m’a donné la contrebasse et dit de faire semblant de savoir lire les notes”. Ou “l’œuvre collective des jouets Kinder rapportés par des centaines de clients durant des années et qui décore aujourd’hui le dessus du bar.” Ou encore les anciens barmans comme Manuel Poutte, devenus réalisateurs et qui revenaient tourner des scènes de film au Pantin… Les contrôles de police à l’ère du ministre Jean Gol, qui ciblaient un peu les bars “de gauche” de Flagey. ” Les gendarmes sont même venus avec un para-commando, ils alignaient les clients au mur pour les fouiller. Nous, on a toujours été clean et on faisait bien les choses, c’est pour ça qu’on est toujours là.” On vous laisse découvrir les milles et une autres histoires de Jean-Marie par vous-même.

Aujourd’hui encore le bar de la chaussée d’Ixelles garde ses traditions. Les clubs de Go et d’échecs animent chacun l’établissement. Des lectures “de beaux et bons textes” sont organisées tout le premier mercredi du mois et un barman et en train de mettre sur pied un salon du livre.
Et la relève et assuré. Après avoir passé le flambeau à sa fille Liza, c’est aujourd’hui le fils du fondateur, Tom qui tient les rênes. “Je me souviens quand il était petit, il se baladait partout dans le bar. Aujourd’hui, ça fait drôle mais je suis content qu’il ait repris et l’essentiel, c’est qu’il se sente bien.” Et ça a l’air d’aller. Tom, qui a fait ses premiers jobs au bar de papa, est ravi d’être devenu patron. Qui sait pour peut-être 40 ans encore… Il n’est pas rare de croiser le tout jeune fils de Tom en train de courir dans le bar en journée entre les familles, les étudiants en art et les vieux de la vieille.