Jacques Bourguignon, cent ans de passion (vidéo)
Le Marchois Jacques Bourguignon, le plus ancien avocat de la province, fêtera ses 100 ans dimanche. Magistrat au Congo, mayeur avant fusion, passionné de motocross, le centenaire évoque le passé et le futur.
Publié le 20-01-2022 à 17h01
Jacques Bourguignon aura 100 ans ce dimanche. Le Marchois compte plus de 60 années d’exercice du droit après avoir décroché son diplôme en 1946. Fils de l’avocat Max Bourguignon, il a marché dans les pas de son père jusqu’à devenir lui aussi bourgmestre de Marche-en-Famenne pendant douze ans, juste avant la fusion des communes. Il n’avait pas hésité à quitter tout en Belgique pour suivre sa fiancée jusqu’en Afrique, où il a exercé comme magistrat jusqu’à son retour à Marche, au début des années 1960. Père de trois enfants, il vit à Marche en parfaite autonomie, confortablement installé dans une maison datant de 1676, à l’avenue du Monument, dans un salon aménagé en véritable bijou de technologie: écran large, liseuse dernier cri, barre de son, ordinateur, liaison internet. Il commande le tout depuis son fauteuil relax, entouré d’une flopée de télécommandes avec lesquelles il règle tout, dont notamment le son de son baffle wi-fi branché quasi 24 heures sur 24 sur Musique 3. C’est un grand amateur de musique classique, mais aussi de livres, dont les étagères de sa bibliothèque contiguë au salon regorgent. C’est un lieu de vie dont les murs et la déco chargés d’histoire n’ont que très peu changé en 400 ans.
Monsieur Bourguignon, pourquoi êtes-vous parti au Congo?
Tout simplement parce que j’aimais une femme. J’y ai suivi ma fiancée (rires). Mon beau-père était officier de marine sur le fleuve Congo. Son épouse et ses enfants l’ont rejoint là-bas, dont sa fille, ma fiancée. Diplômé docteur en droit, je devais travailler. Nous étions cinq frères et sœurs à la maison et le cabinet d’avocat de mon père n’avait pas assez de dossiers pour faire vivre deux ménages. Il fallait donc trouver autre chose. J’ai suivi six mois de cours au ministère des Colonies et j’ai été envoyé à Bukavu au Congo. puis à Goma, et au Burundi, où je suis resté six ans pour le compte de l’ONU. En 1962, le fils du roi coutumier, a été assassiné à Bujumbura par un Grec, Jean Kageorgis. J’ai mené l’enquête. Il a été condamné à mort et j’ai dû assister à son exécution. Après ça, j’ai dû revenir à Marche à cause de l’instabilité qui régnait en Afrique.
Vous avez été le dernier mayeur de Marche avant la fusion des communes. Une bonne chose, cette fusion?
Marche s’en est plutôt bien tirée au final. La commune présente aujourd’hui une belle unité. Quand on est face à un tel découpage administratif, on fait confiance et on accepte. Même s’il y a eu de nombreuses discussions à l’époque. La vie en société impose des contraintes. Votre indépendance, vous n’en êtes jamais totalement maître. On pourrait comparer cela aux impositions dues à la crise sanitaire actuelle.
Que pensez-vous de l’évolution de la commune de Marche?
Marche a véritablement évolué dans le bon sens avec mes deux successeurs: Charles Hanin et André Bouchat. Je parlerais même de chef-d’œuvre. Qui aurait pensé que la petite ville des années 60 deviendrait le pôle économique, culturel, social, de services qu’elle est devenue aujourd’hui? C’est assez impressionnant. Il faut saluer, ces dernières années, l’investissement du bourgmestre André Bouchat. Il travaille sans compter pour la commune. On connaît tous son caractère. Mais ses qualités sont, je pense, plus grandes que ses défauts.
Et comment jugez-vous l’évolution urbanistique de la commune?
On peut évidemment parfois critiquer ses grands immeubles. Mais le monde évolue. Les personnes vieillissent. Avant, quand vous aviez 70 ans, vous étiez mort; mais aujourd’hui on vit plus longtemps et les pensions ne sont pas toujours adaptées. On a donc besoin d’autres types de logements plus adaptés. Certains se tournent vers des appartements en zone urbaine, pour avoir accès aux facilités d’une ville. Tout ça doit se faire en harmonie.
L’art d’un bon bourgmestre est de prévoir l’avenir, d’anticiper les besoins futurs.
Que penser d’une fusion Marche-Rochefort?
Je ne sais pas si, au final, cela améliorerait les choses. Le problème est toujours financier, avec des charges qui ne cessent d’augmenter (pompiers, police, crèches,…). Il faut voir si cela profiterait aux citoyens.
Qu’est-ce qui vous passionne, à part le motocross?
J’ai pratiqué le golf durant 25 ans au château d’Ardenne à Houyet. J’aime aussi énormément la musique classique.
Quel est le secret de votre longévité?
Je ne suis jamais stressé. J’arrive à relativiser les choses. Je ne suis pas d’un naturel anxieux. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire, je pense que c’est une force. Je sais aussi m’adapter aux situations. J’arrive à mes cent ans, mais j’ai toujours vécu la vie à pleines dents. J’ai également hérité d’une bonne santé du côté de ma mère. Et puis, j’ai des tas d’amis, qui sont d’une gentillesse incroyable, et avec qui j’ai encore bien du plaisir à converser ou à partager une bonne table.
C’est quoi une vie heureuse?
Je n’en sais rien. C’est variable. Je pense qu’il faut savoir se faire plaisir. Il faut bien faire ce que l’on doit faire, même si parfois il y a des échecs. Il faut également se contenter de peu.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants en droit actuels?
Le droit a bien changé. Il faut de plus en plus se spécialiser. Pour réussir aujourd’hui, il faut être compétent.
Et si vous deviez recommencer votre vie?
Je referais sans conteste les mêmes choix.
Dossiers