Court-Saint-Étienne: Jérémy Furnière propose de faire de nos toilettes des "usines à engrais"
Avec son système de toilettes sèches à séparation et sans copeaux, Jérémy Furnière veut récupérer les nombreux nutriments présents dans nos urines
- Publié le 08-01-2022 à 07h02
Même si Bruxelles a raccourci ses Plaisirs d’hiver en raison de la pandémie, Jérémy Furnière pourra tirer un bilan très positif du test à grande échelle de son concept de toilettes sèches à séparation et sans copeaux. Un concept pionnier en Belgique qui se présente comme une alternative aux toilettes sèches traditionnelles, c’est-à-dire munies de copeaux de bois. Une alternative qui comporte toutefois une énorme différence, car dans le concept du Stéphanois, les urines sont immédiatement séparées des déchets solides.
Ces derniers sont en effet emmenés dans des réceptacles situés à l’arrière via un tapis roulant alors que les urines suivent le chemin inverse grâce à une inclinaison du système vers l’avant.
Cette différence permet de valoriser les urines, sources importantes de nutriments, pour ensuite les réutiliser. "On est parti du constat que si les toilettes sèches permettent de nettement réduire les volumes d'eau utilisés, elles n'apportent en revanche aucune réponse aux problèmes futurs qui s'annoncent autour de la fuite des nutriments et donc de crises alimentaires sévères dans les pays pauvres notamment", précise Jérémy Furnière.
Les urines, sources importantes et abondantes de nutriments
Pour mieux comprendre, simplifions quelque peu la situation: à chaque fois qu'un agriculteur produit de la nourriture, il a besoin de nutriments comme l'azote, le phosphore et le potassium. Des nutriments que l'on consomme mais qu'on ne garde finalement que très peu en les digérant. Et la grande partie de ces nutriments se retrouvent alors dans nos urines (environ 80 %). Avant de prendre en fin de course le chemin des stations d'épuration et des milieux aquatiques. Un enchaînement qui pose un double problème: d'une part, on ne renvoie pas les nutriments dans nos sols (qui s'appauvrissent) tout en déséquilibrant la qualité de nos réserves en eau, qui recueillent les nutriments de manière trop concentrée. Car pour compenser l'appauvrissement des sols, les engrais industriels sont de plus en plus composés de manière synthétique. Avant de prendre là aussi le chemin des milieux naturels. "Or les excès d'azote dézinguent déjà nos milieux aquatiques, c'est le cas en Bretagne, par exemple, où les algues vertes envahissent le littoral au détriment de la faune et de la flore naturelle qu'elles asphyxient littéralement. Chez nous aussi, la Flandre est dans un état critique à cause des engrais industriels nécessaires à l'élevage porcin. Au niveau du phosphore, le constat n'est pas meilleur. Il ne reste que 5 voire 7 sites d'extraction au monde. Or, pour l'extraire – outre une très grosse perte – on contamine les sols en fluor. Et on estime que d'ici 2030, on aura atteint le pic de production. Avec une crise colossale en perspective."
70 litres d’engrais avec 1 000 litres d’urine
Ce qui signifie notamment que les pays les plus pauvres n’y auront plus accès, avec une conséquence grave pour la qualité des sols et donc la production alimentaire.
"Or nos urines sont bourrées de ces oligo-éléments et nous en avons en abondance. Avec la possibilité de la transformer et de la valoriser en engrais par divers procédés – ici par concentration et action des bactéries. Pour notre part, on estime pouvoir créer 70 litres d’engrais ultraconcentré à partir de 1 000 litres d’urine (la récolte d’une journée en festival). Pour en quelque sorte transformer la gestion d’un problème futur (et actuel) en une solution durable pour le futur."