Comment le PS risque de perdre Saint-Gilles à cause de… Charles Picqué
Ce soir, la section locale du Parti socialiste désigne celle ou celui qui va succéder au Grand Charles. Marcus, Spinette et Amrani s’opposent. Avec le risque de voir la commune filer aux Écolo en 2024.
- Publié le 07-12-2021 à 09h59
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Ils seront environ 120 ce mardi soir à élire le nouveau bourgmestre de Saint-Gilles pour ces trois prochaines années. Ces 120 "grands électeurs" saint-gillois décideront en effet de qui va remplacer Charles Picqué à l’occasion d’un vote, à deux tours si nécessaire, organisé dans la Maison du livre. Annoncé de longue date, le départ à la retraite du Grand Charles à mi-mandat se joue pourtant dans les couloirs de l’hôtel de ville de la place Van Meenen depuis le début de la législature.
Et les tensions sont vives, ancrées, surtout entre les deux favoris. Trois candidat.e.s se disputent en effet l’héritage du plus gros faiseur de voix du PS bruxellois, deux femmes et un homme : Cathy Marcus, Myriem Amrani et Jean Spinette. Elles et il auront 35 minutes pour convaincre.
Cathy Marcus, un PS «à l’ancienne»

Première échevine, bras droit historique du bourgmestre, Cathy Marcus (1 211 voix en 2018) fut, jusqu’à peu, la ‘favorite’assumée de Charles Picqué. Aujourd’hui, le "général Picqué" se tait dans toutes les langues mais la soutient en coulisses.
Cathy Marcus connaît la musique saint-gilloise comme sa poche. Elle a endossé le rôle de bourgmestre f.f. pendant des années lorsque son ‘mentor’gérait l’exécutif régional ou filait au fédéral. Elle a toujours fait preuve d’une grande loyauté. Très présente sur le terrain, dotée d’un caractère bien trempé, Cathy Marcus incarne un PS "à l’ancienne": "la commune, la patronne, c’est elle", glisse un proche. Il ne fait pas bon se lever contre celle que nombreux à Saint-Gilles qualifient comme une "une grande gueule".
Jean Spinette, le fidèle de l’ombre

Moins grandiloquent, Jean Spinette (1 104 voix en 2018) incarne quant à lui le rôle du fidèle collaborateur. Il bosse, beaucoup, la ramène peu. Très proche de la bande ULbiste du voisin bruxellois Philippe Close, Jean Spinette "a grandi à l’ombre de Charles Picqué", relève un ancien. Lui aussi revendique l’héritage du Grand Charles.
Ce père de deux enfants de 9 et 10 ans connaît la commune comme sa poche et dispose d’un réseau plus développé que ses concurrentes, surtout dans les autres niveaux de pouvoir. Son credo : "loyauté, courage et volonté", même s’il sait pertinemment que ce n’est pas ça qui lui fera gagner une élection…
Myriem Amrani, «changer le logiciel»

Voici pour les deux favoris. Place à l’outsider : Myriem Amrani. Papa marocain né en Algérie, la quadragénaire a vu le jour en France, a vécu à Lyon, est arrivée en Belgique à 13 ans. Le virus de l’action sociale et associative, puis politique, elle dit l’avoir attrapé lors des émeutes de 1991 à Forest. Elle n’entre en politique qu’en 2012. Directement élue mais jugée "trop jeune" pour une place dans l’exécutif. Six ans plus tard, elle dépasse les 500 voix et décroche le poste de présidente du CPAS.
Son credo, parfaitement en phase avec son “image” : "tenter de changer le logiciel, incarner le renouveau en termes de pratiques politiques, de gouvernance", pousse l’opportuniste quadra. Elle se distingue des deux autres candidats par un "profil issu du terrain, pas de l’appareil politique", tranche-t-elle encore. La jeune pousse estime avoir peu de chances de l’emporter ce soir et se positionne plus sur "le moyen terme". Des trois, c’est la préférée d’Ahmed Laaouej, le leader socialiste bruxellois.

Les coups pleuvent, même en collège. "C ette guerre de succession pèse sur le bon fonctionnement de l’exécutif saint-gillois" , assure-t-on tant dans les rangs de l’opposition comme de la majorité. "I l y aura des cicatrices, des blessures" , reconnaît même l’un.e des protagonistes de ce scrutin à haut risque. Pire. Cathy Marcus annonce déjà partout que si elle perd, elle quittera le collège. Drôle de façon de faire campagne, à moins qu’elle ne soit déjà sûre de gagner…"Q uoi qu’il arrive, tous les deux le prendront très mal."
Il y aura des cicatrices, des blessures
Ensuite, parce que l’on ne tire pas un trait sur une telle hégémonie, sur 36 années passées sans discontinuer à la tête d’une commune sans y perdre des plumes. "C ette situation, c’est un peu Charles Picqué qui l’a créée" , dénonce un autre cadre saint-gillois. "N on seulement il n’a pas aidé en annonçant son départ très/trop tardivement (il partira au printemps 2022, NdlR) mais, en plus, il n’hésite pas à opposer les deux principaux adversaires à coups de petites piques, en public. On dirait que ça l’amuse…"
Sauf que l’on n’est pas là pour rigoler. "D ans cette ambiance délétère, il reste malgré tout le seul qui arrive à tenir ses troupes. On ne sait pas comment ça va se passer après…"
Au risque qu’il ne se passe rien pour le PS? Les socialistes saint-gillois, tout comme la tutelle régionale, ont énormément à perdre avec ce douloureux passage de témoin. Charles Picqué (3 793 voix en 2018) faisait à lui seul la moitié des voix de sa liste.
En soutenant, dans l’ombre, Cathy Marcus, Charles Picqué offre la commune aux Écolos
Tête de liste certes, mais il n’y a aucune chance que son/sa remplaçant.e réussisse de tels scores avant longtemps. Sur un plan purement comptable, il y a donc fort à parier que l’hégémonie du PS saint-gillois soit mise à mal en 2024, notamment par des Écolos, très en phase avec une partie grandissante de l’électorat local.
Certains vont plus loin, assurent que le PS va perdre le mayorat, craignent carrément un renvoi dans l’opposition. "En soutenant, dans l’ombre, Cathy Marcus, Charles Picqué offre la Commune aux Éolos" , lance un militant socialiste, en ordre de cotisation, qui prédit une victoire de Cathy Marcus au 2e tour. "La section locale – Julien Uyttendaele en tête – l’a poussé dans le dos pour qu’il parte à mi-mandat afin de préparer la transition en vue des communales de 2024. Lui voulait rester en place jusqu’à la fin. Du coup, il se venge. Il refuse de mettre en place un vrai renouvellement. Et récompense la fidélité de Cathy Marcus. Pourtant, elle incarne la vieille garde, c’est tout sauf le renouveau. Elle va ouvrir un boulevard aux Éolos dans trois ans."