Un mois après, à Chênée, certains se sentent déjà oubliés : « Les autorités ? On ne les voit pas »
Un mois après les terribles inondations qui ont frappé la Belgique, certains se sentent déjà oubliés, à Chênée notamment.
Publié le 14-08-2021 à 06h00
Si dans les petites rues de Chênée, en périphérie liégeoise, le calme semble être revenu depuis quelques jours, le combat est encore loin d'être gagné. Un mois après les inondations, les rues ont peu à peu retrouvé leur état d'avant sinistre, par contre, derrière les murs et les façades tout ou presque reste à faire ou plutôt à refaire. Peu à peu, la petite bourgade liégeoise s'est pourtant transformée en une sorte de ville fantôme. On ne croise plus grand monde. «Beaucoup de gens préfèrent ne pas revenir pour l'instant, raconte Philippe, un habitant du quartier, depuis le pas de sa porte. Maintenant que les maisons ont été vidées, il n'y a de toute façon plus grand-chose à faire. Attendre que tout ça sèche et puis il y a le ballet des experts évidemment.»
Bien installées devant leur maison, face à la Vesdre qui leur a tout pris, l'expert justement, Michèle et Jacqueline sont occupées de l'attendre. «Et on a de la chance, cela n'a pas été trop difficile d'avoir un rendez-vous, estiment-elles. Enfin, nous, on est assurées, ce qui n'est visiblement pas le cas de tout le monde par ici. Pauvres gens. Il y en a déjà tellement qui avaient si peu pour vivre. Vous êtes ici dans des quartiers populaires, cela veut dire ce que ça veut dire. »
Plus loin, au milieu de la rue de la Vesdre par contre, le chantier est toujours en cours. Sur sa petite pelleteuse, Joseph Guillaume s'affaire à retirer les terres polluées qui se sont agglutinées sur sa propriété. «Entre trois centimètres par endroits et plus de cinquante à d'autres. Vous avez vu le tas ici? Il y en a plein le jardin et je ne sais pas quoi en faire? Personne n'est capable de me répondre comment les évacuer, s'insurge le Chênéen. Parce qu'il faut les stocker sur une surface imperméable avant de les traiter, il n'y a visiblement plus de place. Depuis plusieurs jours, tout le monde se rejette la balle et on m'a encore répondu hier qu'aucune décision n'avait été prise. Cela fait pourtant déjà un mois que les inondations ont dévasté notre quartier. »
Des autorités invisibles
Des questions, les habitants de Chênée en auraient quelques unes à poser à leurs autorités, mais beaucoup restent sans réponse pour l'instant «Les autorités? On ne les voit pas», s'étonne Fernande, la voisine d'en face.
S'ils ne remettent pas en cause l'aide d'urgence apportée dans les premières heures «parce qu'au vu de la force de l'eau, personne n'aurait pu venir nous porter secours», confirment-ils, et le nettoyage des rues dans les jours qui ont suivi le sinistre, les habitants du quartier du Lhonneux s'estiment désormais un peu oubliés. «On ne remet pas en question l'aide apportée dans certaines autres communes parce qu'ils en ont besoin eux aussi, mais on se demande pourquoi nous n'avons pas droit, nous aussi, à une cuisine de campagne de l'armée par exemple. On reçoit aussi un peu de nourriture, mais ce sont principalement des bénévoles qui se chargent de la distribution», s'étonne Nadine, une autre habitante du quartier.
«Et pour ce qui est du nettoyage, on a demandé de l'aide pourtant, reprend Joseph. On nous a rétorqué que les ouvriers de la Commune ne pouvaient pas entrer chez les privés. Oui, on se sent un peu abandonnés ou plutôt livrés à nous-mêmes.»
Des bénévoles extraordinaires
Heureusement, les habitants du quartier ont pu compter sur l'aide de la famille, des proches, des amis et surtout d'une armée de bénévoles pour évacuer le plus gros des déchets. «C'était vraiment extraordinaire, avoue Joseph entre deux coups de pelleteuse. Nous avons vu des gens débarquer de partout, principalement de Flandre et de Hollande. Mais désormais, et c'est normal, cette aide diminue et on se retrouve en quelque sorte tout seuls avec nos pelles et cette boue.Enfin, j'exagère, il reste encore heureusement beaucoup d'amis pour nous aider. »
Dans ce quartier coincé entre la Vesdre et l'Ourthe, on tente malgré tout de conserver le sourire. «Même si moralement on est vide en quelque sorte, précise Nadine. Mais on se dit que la situation est bien pire ailleurs. Nous sommes en vie et nous au moins il nous reste nos quatre murs. Il faudra désormais se montrer patient, mais on finira par tout réparer et peut-être même par tout oublier? »