La basilique de Koekelberg espère séduire les Belges au BANAD: 5 choses que vous ignorez à son sujet
La Basilique de Koekelberg, tous les Belges en connaissent ses meringues turquoise surplombant Bruxelles. Mais combien sont entrés sous sa pesante coupole de 43.000 tonnes en cuivre du Katanga? Alors que le Sacré-Cœur Art Déco veut séduire le public local au BANAD Festival, L’Avenir passe quelques-unes de ses 350 portes pour vous en divulguer ses secrets…
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Publié le 21-04-2021 à 13h20
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La basilique du Sacré-Cœur de Bruxelles est la 5e plus grande église au monde. Sa coupole culmine à 93m. Inaugurée en 1935, achevée en 1951 et consacrée la même année, elle s’isole pompeusement de la capitale qui l’entoure, retranchée sur son talus à cheval entre Ganshoren et Koekelberg qu’isolent les douves fluides du trafic automobile. Est-ce la raison pour laquelle les Bruxellois, et les Belges, la boudent autant?
«J'ai une petite confession à vous faire, et c'est bien l'endroit pour ça: avant aujourd'hui, je n'étais jamais entrée dans la basilique», avoue ainsi Delphine Houba, échevine de la Culture à la Ville de Bruxelles (PS), lors de la présentation du programme du BANAD Festival. «80% de nos visiteurs sont étrangers», opine Martine Abeloos Motteux, Directrice générale de la Basilique. «Nous devons être plus connus auprès des Bruxellois et des Belges. Combien la contournent tous les jours et n'y sont jamais entré».

La présence du Sacré-Cœur au programme du Brussels Art Nouveau & Art Deco Festival, prévu du 22 mai au 6 juin, est donc pour le mastodonte aux coupoles émeraude une… sacrée occasion. «C’est la plus grande église Art Déco au monde: ça veut quand même dire quelque chose à Bruxelles», plaide la Directrice au cœur des murailles jaunes et lisses de l’édifice. «L’optimisme en moi me dit que le covid peut devenir un bien pour l’avenir de la basilique».
Pour vous convaincre d’exaucer ces prières, on escalade la meringue Art Déco du cœur à ses coupoles. Jérémy De Lombaerde, Collaborateur culture et tourisme à l’ASBL Amis de la Basilique, vous dévoile ainsi quelques insolites secrets de celle qu’on surnomme parfois «Koekelique de Baselberg» pour ses rondeurs pâtissières.
La basilique aurait dû être… une cathédrale néogothique

L’histoire de la Basilique de Koekelberg remonte à 1880. Léopold II, qui a la mainmise qu’on sait sur le développement urbanistique de Bruxelles, tient son grand projet pour le plateau de Koekelberg: un panthéon. Mais l’idée ne voit pas le jour.
«En 1902, Léopold II échappe à la pire tentative d’assassinat de l’histoire», poursuit Jérémy De Lombaerde. «Le militant anarchiste italien coince son revolver dans sa poche. Quand il tire, le roi est déjà loin». Mais le souverain doit apparemment se remettre de ses émotions. «Il part se ressourcer à Paris. Il tombe alors en admiration face au Sacré-Cœur de Montmartre, alors en construction». Une église monumentale: voilà l’idée mégalo que Léopold II cherchait pour Koekelberg.
«L’idée première est d’ériger une cathédrale néogothique», reprend le guide. «La flèche aurait dû culminer à 130m, soit près de 50 de plus que la coupole actuelle». La première pierre est posée en 1905. Mais Léopold II meurt en 1909 et seules les fondations sont avancées. Au sortir de la guerre 14-18, les finances sont à sec. Impossible de s’offrir la pierre de taille nécessaire. «De plus, l’esprit n’est plus aux églises monumentales».
Une maquette… repeinte en vert

Il faut attendre 1920 pour que le cardinal Mercier reprenne l’idée d’une église d’envergure pour surplomber Bruxelles. «Il relance la machine via un appel à projets, mais celui-ci reste lettre morte», relate Jérémy De Lombaerde.
Survient Albert Van huffel, architecte gantois qui souhaite utiliser des techniques modernes et moins coûteuses, comme le béton armé. Ce qui ne va pas sans générer un certain scepticisme auprès de la Commission des Monuments et Sites. Celui-ci sera vaincu par… une maquette qui remporte un grand prix à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925.
Contemplant cette maquette au 1/40e dans les coursives de la basilique, le visiteur de 2021 ne s’étonnera pas d’en voir les toitures turquoise, comme celle de son modèle. Le guide Jérémy De Lombaerde de se faire facétieux: «pensez-vous que Van huffel avait déjà imaginé l’oxydation des coupoles de cuivre lors de la confection de sa maquette en 1920? Et qu’elles ne seraient pas rénovées?» Poser la question revient à y répondre: «En réalité, la maquette était en plâtre blanc et c’est lors de sa rénovation récente qu’elle a été peinte en vert». On peut aussi y observer des éléments de détail qui rappellent que le Sacré-Cœur n’a jamais été achevé.
Des vitraux coréens et… un cochon

Les vitraux de la basilique de Koekelberg datent de différentes époques. Les derniers installés, qui rappellent des pans de tissu flottant au vent, témoignent d’une rare et élégante modernité dans un édifice religieux.
«Ils sont dus à l’artiste coréen Kim En Joong», dévoile notre guide. «Leur caractéristique est qu’ils sont en partie peints sur verre et en partie imprimés. C’est ce qui donne la sensation de 3 dimensions tout en permettant de se passer du cadre en plomb».
L’artiste coréen, également père dominicain, s’affiche à la basilique en souvenir du cardinal Danneels, avec qui il entretenait des liens d’amitié. Il a d’ailleurs donné forme à des citations du prélat qui s’affichent à côté de ses vitraux.
Enfin, les parents divertiront leurs kets en leur suggérant de dénicher, sur toute la superficie de l’immense lieu de culte, le vitrail qui représente… un cochon.
Une coupole bleue qui aurait dû être… en verre

Malheureusement pour lui, Van huffel ne verra jamais la basilique achevée. Il meurt en 1935 et c’est son assistant, Paul Rome, qui lui succède à la tête du chantier.
«Il suit assez scrupuleusement les plans de son prédécesseur, sauf à un endroit: la coupole», relate Jérémy De Lombaerde. «L’idée de Van huffel était d’y créer un puits de lumière en verre. Mais Rome, également ingénieur, estime qu’une telle masse de verre est trop dangereuse: il y pose donc des tuiles de terracotta bleue». Si l’extérieur turquoise de cuivre katangais est bien connu de tous les Bruxellois, ce détail vaut assurément de lever le menton au centre de l’édifice.
Outre ce dallage azur, la coupole se dessine selon une géométrie une couronne. Celle-ci doit rappeler Jésus, «le roi des rois». La massive demi-sphère pèse… 43.000 tonnes, soit 5 fois le poids de la Tour Eiffel. Elle repose sur 4 épaisses structures de béton armé. «Pour supporter le poids, leurs fondations plongent à 30m de profondeur». Car derrière les lignes brisées visibles en étoiles courent escaliers tournants et couloirs reliant des salles, notamment d’archives.
Un coffrage «à la belge»

Pour son chef-d’œuvre, Van huffel s’inspire à la fois des architectures byzantine et romaine. C’est ainsi qu’il recherche une perspective axiale époustouflante de gigantisme, qui oriente le regard vers l’autel tout en élevant la lourde masse de la coupole à une hauteur impressionnante.
Pour obtenir cet effet, l’innovation de son équipe vient de la combinaison du béton armé et d’un coffrage «à la belge» en terracotta. Ce matériau typique de chez nous, brique d’argile émaillée portée à très haute température, sert de coffrage dit «perdu» au béton armé, qui n’a pas encore ses lettres de noblesse. Ainsi, on coule le béton derrière ces moules jaunâtres qui restent en place pour le soutenir et le masquer.
Mauvaise surprise pour les générations qui suivent: l’idée a son défaut. En effet, le béton est davantage sujet aux changements de température que le terracotta. «La technique n’est pas encore bien maîtrisée et l’association des deux matériaux génère des éclatements visibles». Ceux-ci ont été corrigés lors de restaurations qui ont substitué des joints souples aux liens rigides des débuts.
