VIDÉO | Un nouveau projet immobilier à la Chartreuse: les riverains se mobilisent, le promoteur s’explique
Depuis maintenant trois ans, les riverains du parc de la Chartreuse, à Liège, se mobilisent contre le projet de nouveaux logements porté par l’entreprise Matexi SA et censé prochainement voir le jour. Alors qu’une nouvelle étape vient d’être franchie en ce sens, suite à l’octroi d’un permis d’urbanisme conditionné pour 45 logements, nous avons rencontré les deux parties prenantes du projet, qui défendent l’une comme l’autre leurs arguments. Explications.
- Publié le 11-02-2021 à 06h55
Surplombant les quartiers d’Amercoeur, Bressoux ou encore Grivegnée, situé à deux pas du centre-ville liégeois, le site de la Chartreuse abrite un microcosme où les ruines d’un ancien fort militaire abandonné se mêlent à l’éclatante verdure qui s’y est installée.
Mais en cette belle matinée de février, l’habituel chant des innombrables oiseaux peuplant le site est perturbé par la grogne de certains riverains. En cause: le projet immobilier d’un promoteur privé qui est aussi le propriétaire d’une partie du site, projet qui fait jaser.
Un projet de 45 logements
«Ce projet menace aujourd'hui une zone qui s'étend sur 2,5 hectares, assène Benoît Mahaux, membre du collectif citoyen Un Air de Chartreuse. Depuis 2017, le promoteur du site tente de rentrer un projet constructible alors que la zone est protégée.»
Le projet en question, portant sur 74 logements à la base, a été revu par le promoteur - Matexi S.A. - pour, au final et suivant les recommandations de la Ville de Liège, porter sur 45 logements: deux immeubles à appartements et des maisons unifamiliales.

Car si l’endroit bénéficie effectivement d’un avis positif émis par l’Agence wallonne du Patrimoine (AWaP), protégeant le site, celui-ci n’était encore que consultatif lors de rentrée par le promoteur du projet de la demande de permis d’urbanisme, apprend-on encore auprès du collectif.
Les griefs des riverains
«L'emplacement concerné par le projet a été reconnu site de grand intérêt pour la biodiversité, précise Pierre Wacquier, lui aussi membre du collectif. La faune et la flore locales y sont particulièrement riches et abondantes, on y trouve notamment 5 espèces qui sont classées sur liste rouge, car menacées: on parle ici de deux sortes de crapauds, d'un papillon, d'une musaraigne et d'une orchidée sauvage.»

Ce qui inquiète surtout le collectif, c’est donc la dénaturation du site et du quartier dans son ensemble.

«Nous parlons tout de même ici d'une zone couvrant dans sa globalité 38 hectares, poursuit Benoît Mahaux. C'est le poumon vert du centre-ville, le pendant sur la rive droite mosane des Coteaux de la Citadelle. Sauf qu'aucun réel investissement n'a été fait. Mais on y trouve tout de même de nombreuses activités: il y a un intérêt historique du site, de nombreuses promenades possibles, on peut y faire du vélo, y balader son chien, faire son jogging et même s'adonner au street art.»
Des «erreurs» dans l’étude d’incidence
«L'intérêt d'un projet immobilier ici nous semble en tous les cas vraiment limité, reprend Benoît Mahaux. Nous sommes à plus de 800 mètres du premier arrêt de bus, on ne parle même pas du futur tram, les écoles des environs sont déjà saturées et il n'y a qu'une seule voie d'accès. Une étude d'incidence a été réalisée, mais elle comporte des erreurs selon nous, notamment au niveau de la mobilité dans le quartier.»
Les explications du promoteur
De son côté, le promoteur assure avoir pris en compte un maximum de remarques émanant des riverains. «Lorsque nous avons rentré un premier projet de 74 logements en 2017, il y a eu une vive réaction de la part de certains riverains réunis en collectifs de citoyens », rembobine Philippe Rusak, porteur du projet pour Matexi S.A.
Prise en compte de certaines réticences
Trois ans et de nombreuses réunions de travail et de concertation plus tard, le projet a donc changé: «Nous avons par exemple supprimé deux tours à appartements, la demande de permis rentrée portait donc sur 48 logements. Au final, il y en aurait 45. Il s'agit donc de maisons unifamiliales et de deux immeubles à appartements; l'un composé de 5 appartements, l'autre de 8. Le projet s'étend sur 25 hectares, dont 11 auxquels nous ne toucherons à rien. Le public continuera de pouvoir s'y promener et nous allons rétrocéder à la Ville les zones non construites. Les autres zones se répartiront entre d'une part 6 000 mètres carrés de surfaces habitables et de voiries, et les jardins privatifs d'autre part, lesquels seront donc les seuls espaces inaccessibles au public.»

Quant à l'impact en termes de biodiversité, Philippe Rusak indique qu'il s'agit là d'une préoccupation tout à fait naturelle de la part des riverains mais tient à rassurer: «Chez Matexi, nous avons toujours la volonté d'intégrer nos projets à la trame verte, la trame végétale existante. Nous avons ainsi réalisé un état des lieux de la situation, ce qui nous a par exemple permis de recenser 47 arbres remarquables. Seuls 4 d'entre eux seront abattus, les autres s'intégreront dans le paysage et nous prévoyons d'en replanter 50 supplémentaires, afin de ne pas dénaturer le site et, au contraire, de surcompenser. Nous avons par exemple aussi pensé à doter les bâtiments de toitures végétales, toujours dans le but d'encourager le développement de la faune locale.»
Un terrain privé
Au-delà des idées avancées, le promoteur rappelle que la zone concernée a été achetée en 2004. «Oui, c'est un terrain privé, mais dont nous avons décidé de laisser le libre accès aux riverains pendant qu'il n'y avait pas de projet urbanistique, rappelle Philippe Rusak. Ceux-ci ont donc pu profiter du site, d'autant que lorsque nous en avons fait l'acquisition nous avons démoli les vieux hangars présents sur la zone. Seulement voilà, les riverains qui ont pu l'utiliser comme bon leur semble veulent aujourd'hui se réapproprier le site.»


«Cela soulève en effet la question de l'aménagement du territoire et de la défense des espaces verts qui doit mener à repenser le bâti, estime pour sa part Julian Huls, lui aussi membre du collectif citoyen. Nous voulons donc montrer que ce combat représente beaucoup d'autres combats, que ce soit ici à Liège ou par rapport à d'autres mouvements citoyens. Je pense à la plateforme du Ry Ponet, au Bois d'Avroy, le Bois du Val à Seraing et d'autres de notre région.»
«Les politiques d'aménagement du territoire ont atteint une certaine impasse, poursuit Julian Huls. Il faut davantage rénover du bâti existant, prôner ce que l'on appelle un urbanisme circulaire et donner la parole aux citoyens pour qu'eux puissent réinvestir les lieux en collaboration avec les pouvoirs publics. Que les citoyens aient leur mot à dire par rapport à l'aménagement de leurs territoires.»
+ Lien vers le site du collectif Un Air de Chartreuse