Le Bike Data Project veut récolter vos itinéraires à vélo pour améliorer la cyclabilité de Bruxelles
Et si on récoltait les données GPS des cyclistes dans Bruxelles? C’est l’idée du Bike Data Project, tout juste lancé. Objectif de l’ouverture en «open data» de ces milliers de km parcourus à vélo: améliorer la cyclabilité des villes. Et le nombre de cyclistes. Pour qu’il roule, le projet a besoin de vos coups de pédales.
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- Publié le 06-10-2020 à 11h33
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Alors que l’automobiliste est averti en temps réel d’un ralentissement, d’un accident ou d’un contrôle de vitesse, voire simplement d’un chantier ou d’un temps de trajet allongé, il n’existe rien de tel pour les cyclistes. Bien sûr, un vélo n’est pas impacté quand deux voitures se rentrent l’une dans l’autre. Mais d’autres données, comme les itinéraires fréquemment empruntés, le nombre de femmes à deux-roues ou l’attente au feu rouge, pourraient lui être utiles.
Pour combler cette lacune, Open Knowledge Belgium, fondation qui promotionne le savoir ouvert, lance cet automne le Bike Data Project. Ce concept 100% open data reçoit le soutien de Bruxelles Mobilité et de la Ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt. L'idée: récolter les données cyclistes dans Bruxelles et ailleurs pour les rendre disponibles aux citoyens et citoyennes. Et ainsi cartographier les habitudes des cyclistes grâce au partage volontaire de leurs données depuis les apps de géolocalisation dédiées comme Strava.
Depuis le lancement ce 5 octobre, près de 110.000 km ont déjà été récoltés. Sportifs et sportives, livreurs et livreuses, vélotafeurs et vélotafeuses ou papas et mamans taxis pour enfants: branchez-vous pour ajouter vos km.
«Rendre disponibles toutes les données cyclistes»
Dries Van Ransbeeck, vous êtes responsable du Bike Data Project. Pourquoi dispose-t-on de tant de données sur la voiture et de si peu pour le vélo?
C’est vrai, on dispose de davantage de données pour les voitures. Par exemple, pour un trajet Bruxelles-Namur en voiture, vous saurez tout de suite s’il y a des embouteillages et où, si vous mettez plus de temps que d’habitude… Pour le vélo, ce n’est pas le cas. Pourtant, certaines données GPS des cyclistes sont collectées, mais elles restent internes aux applications qui les récoltent, comme Strava. Il y a par ailleurs les données collectées dans Bruxelles par les bornes statiques ou les comptages annuels des associations cyclistes. Elles sont utiles pour déterminer le volume de cyclistes à un endroit donné. Mais elles ne permettent pas de dégager des enseignements comme la durée d’un trajet, le parcours du cycliste ou les éventuels problèmes rencontrés.

D’où le Bike Data Project: quel est le principe?
L’idée, c’est de rassembler toutes les données cyclistes récoltées par les apps déjà disponibles, comme Strava, et de les rendre disponibles. Nous ouvrirons ces données selon le principe de l’«open data». Les gouvernements, les régions, les communes pourront y accéder, mais aussi et surtout les citoyens et citoyennes, les journalistes, les agences de mobilité… Tout est évidemment anonyme.
Nous ouvrirons ces données selon le principe de l’«open data» pour les régions, communes, citoyens et citoyennes, journalistes, agences de mobilité…
Comment les données sont-elles collectées?
Grosso modo, il s'agit d'un «don» de données des cyclistes. La plateforme fonctionne en autonomie via les API des apps: via le site du projet, vous faites une seule fois la connexion entre votre app habituelle et Bike Data Project. Ce faisant, vous nous autorisez à collecter vos données chaque fois que vous lancez l'app, mais aussi les trajets que contient déjà votre profil.
Que ferez-vous de ces données?
Pour l'instant, nous nous focalisons sur leur collecte et leur ouverture en «open data». Nous organiserons ensuite des réunions pour montrer ce qu'on peut en faire, comment ça fonctionne, mais surtout pour inciter les citoyens à suggérer des pistes. La première est prévue le 13 novembre. L'idée n'est pas d'annoncer dès maintenant les projets qui sortiront de ces datas pour ne pas risquer de se limiter.
Concrètement, en quoi ces données peuvent-elles améliorer la «cyclabilité» d’une ville?
Ça peut aider sur plusieurs niveaux. Au niveau le plus large, ça peut prouver que le trafic cycliste sur un axe important nécessite une piste cyclable: on détermine ainsi les grands axes cyclistes en obtenant une meilleure idée de leur trafic réel qu’avec les seuls points de comptage, qui restent partiels. À un niveau plus précis, on peut s’attacher à la fluidité d’un itinéraire et agir sur l’infrastructure.
Ces données peuvent prouver que le trafic cycliste sur un axe est important. Elles montrent aussi la fluidité ou non d’un itinéraire et l’importance d’agir sur son infrastructure.
Vous avez des exemples?
À Amsterdam, un activiste bénévole a analysé combien de temps les cyclistes patientent au feu rouge. L’idée de la Ville était qu’un le délai raisonnable ne pouvait être que de 20 secondes maximum. Les données ont montré que l’attente grimpait parfois jusqu’à 40 secondes.

Pourra-t-on voir les données envoyées?
Actuellement, nous disposons d'une carte qui ne rend compte que des statistiques à l'échelle communale comme le nombre de trajets, de km ou la vitesse moyenne. Mais on y travaille puisqu'on se veut «open data». Notre objectif est d'aller dans le détail.
Quel est le nombre de cyclistes participants à atteindre pour que le Bike Data Project soit efficace?
Selon notre première estimation, le seuil de 500 cyclistes lors de notre première campagne devrait être atteint pour que la base de données dise quelque chose. Il faudra aussi comparer avec les données statiques récoltées par les bornes pour déterminer la représentativité de nos datas.
Tiendrez-vous compte du type de vélo?
Ça ne sera pas possible dans un premier temps si l’utilisateur ne rentre pas lui-même son modèle de vélo dans l’app d’origine. Cependant, nous pensons ajouter quelques questions lors de la première connexion sur la plateforme comme le type de vélo, le genre ou l’âge.
Combien de personnes travaillent-elles sur le projet?
Je suis le coordinateur du projet pour Open Knowledge Belgium. La préparation et les premières étapes ont été réalisées lors de sessions estivales de l’école de codage d’Open Knowledge, l’Open Summer of Code. 7 étudiants et 2 coachs ont travaillé dessus. Depuis lors, 5 bénévoles s’en occupent comme c’est l’habitude de notre association. Mais on veut agrandir.

La plateforme est lancée depuis ce 5 octobre. Pourtant, vous avez déjà récolté plus de 5 millions de kilomètres: d’où viennent-ils?
En fait, le projet remonte au documentaire suédois «Bike VS Cars» sorti en 2015. La plateforme a été lancée dans la foulée mais l’équipe du film ne savait pas quoi faire des données. Nous avons récupéré le projet au sein d’Open Knowledge Belgium et, entre-temps, les données ont continué de s’accumuler dessus. Mais en un jour de lancement à Bruxelles ce 5 octobre, nous avons déjà ajouté près de 4500 trajets et 110.000 km puisque les cyclistes qui s’inscrivent ajoutent d’un coup tout leur historique Strava ou autre.
En un jour de lancement à Bruxelles ce 5 octobre, nous avons déjà ajouté près de 4500 trajets et 110.000 km.
Les trajets enregistrés ne couvrent donc pas que Bruxelles?
C’est une plateforme globale à l’impact local. Mais comme notre première campagne est lancée à Bruxelles en octobre et novembre, les données sur la capitale vont forcément augmenter. Après Bruxelles Mobilité, nous rechercherons des partenaires dans les autres régions. Mais dans l’immédiat, il faut récolter un maximum de données pour que leurs enseignements soient tangibles.

Et Google?
Obtenir en 2 clics les données de géolocalisation vélo via Google, c’est techniquement plus compliqué. Il faut d’abord les télécharger, puis les uploader sur la plateforme. On y travaille.
Vous «siphonnerez» les données de Strava et des autres app: c’est légal?
En fait, le GPDR assure aux citoyens et citoyennes de récupérer leurs données individuelles et de les partager comme ils le souhaitent. Le Bike Data Project est donc un exemple de citoyens qui reprennent le contrôle de leurs propres données.
Strava est surtout utilisée par les sportifs qui se chronomètrent dans les cols et les «bergs»: comment obtenir une meilleure représentativité?
Nous espérons que l’information sera partagée dans les communautés cyclistes. Mais il faut être réaliste: nous n’atteindrons pas tous les cyclistes. Ce qui est important cependant, c’est d’avoir un échantillon représentatif: les sportifs, mais aussi ceux qui l’utilisent pour aller au travail ou faire leurs courses, les livreurs, les touristes…