Sur le toit du COOP, la plus belle terrasse de Bruxelles: «Un théâtre dont on lit les gradins»
On a trouvé la plus belle terrasse de Bruxelles: c’est le toit du COOP, le centre de découvertes canal à Anderlecht. Là-haut, c’est toute la capitale qu’on lit «à livre ouvert». On vous y perche pour un voyage à travers temps, espace et classes sociales. Et en bonus, on vous envoie dans 4 autres musées avec panorama à 360°.
Publié le 17-07-2020 à 13h57
«C'est la piste d'un cirque avec vue sur Bruxelles. Il y a des endroits dans la ville où on voit beaucoup plus haut et beaucoup plus loin. Mais où on ne voit que les toits». En atterrissant sur la magnifique terrasse du COOP, au plancher de bois surplombant le canal, la vue époustoufle. Vraiment. On n'a jamais vu mieux à Bruxelles. Rien que pour ça, le détour par ce toujours méconnu «Centre de découvertes canal» vaut le détour. Mais ce que veut dire son directeur José Menendez, c'est que, de là-haut, «on lit Bruxelles comme dans un livre ouvert». Pendant le confinement, on y découvre ainsi une ville moins illuminée «puisque les bureaux sont désertés pour le télétravail».


Perché sur l'ancienne meunerie Moulart, un quadrilatère de brique et béton de 1903 superbement rénové par les architectes Bogdan & Van Broeck, on s'offre une vue à 360° sur la capitale. «On est au centre d'un théâtre dont on lit les gradins». Et on remonte le temps pour balayer toute l'histoire. «On aperçoit l'Hôtel de Ville et la cathédrale, vestiges médiévaux. En sortant du vieux centre et en suivant la vallée de la Senne, on accède au Bruxelles moderne, celui de la révolution industrielle dans les quartiers de Molenbeek et ici, à Anderlecht». José Menendez accompagne son récit d'un mouvement de bras. L'homme est passionné. «Au tournant des XIXe et XXe siècle, Bruxelles est la 3e ville mondiale en matière de capacité industrielle. Avec cette vue, quand on l'explique aux enfants, on a le sujet devant nous».
De la Senne au Maelbeek
Le Directeur décrit aussi la topographie bruxelloise. «J’aime parler en termes de “vallées”. Ici, c’est la Senne. Au-dessus de la crête, on en change: on passe dans celle du Maelbeek, qui rejoint le canal au pont Van Praet». Le regard porte au loin pour envisager cette géographie entendue d’un œil neuf désormais. Et la sociologie bruxelloise aussi se révèle à travers les reliefs. «Derrière nous, c’est la campagne depuis Anderlecht. Le Bruxelles populaire est en fond de vallée. Et les quartiers plus aisés en hauteur». Et José Menendez de décrypter les différentes typologies de logements, éternelle quadrature du cercle bruxelloise.


Cette lecture «à livre ouvert» de Bruxelles, le COOP l'offre depuis 2016. «Nous recevons 200 groupes par an. En 2019, 4300 enfants ont visité notre site. Parmi eux, certains viennent d'arriver. D'autres ont entendu parler de la Grand-Place sans jamais y avoir été. D'ici, on leur montre que ce n'est pas plus loin que Molenbeek». Pour ces kets, l'eau reste un objet d'émerveillement. «Quand je leur dis que le canal vient de Charleroi et arrive à la mer, ça les fascine».
Nous aussi, un peu.

Le COOP est implanté dans un ancien dépôt de pneus qui fut surtout le siège des meuneries Moulart. Cette famille d’industriels s’y installe en 1903. Leur villa jouxte l’usine. Depuis ce QG dans l’une des villes les plus influentes du monde à la Révolution industrielle, les Moulart étendent leur influence. Toujours palpable. «Ils ont créé le chocolat Côte d’Or, mais aussi le Sporting d’Anderlecht, par alliance: un fils Moulart a marié la fille Versé, fille du fondateur du club dont le nom était aussi celui du premier stade de l’équipe. Versé était en quelque sorte le voisin: il avait construit son usine de machines-outils juste à côté de ce domaine», relate José Menendez. Des Moulart ont même joué sous la vareuse mauve. Ce n’est pas tout: le Ceria, école des métiers de l’industrie alimentaire, naît aussi de l’influence des Moulart. «L’un des beaux-fils du meunier, Marc-Henri Van Laer, en est le directeur et l’autre beau-fils, Antoine Courtens, l’architecte». Beau pedigree! «Ces familles d’industriels articulaient littéralement la ville».
Un quartier historique et capital

Le «centre de découvertes canal» du COOP plonge dans le passé urbanistique et industriel de Bruxelles. Cet espace didactique bien foutu recèle d'anecdotes passionnantes sur la petite et grande histoire. «C'est peu connu mais des faits essentiels de l'histoire belge se sont déroulés dans ces 2km2 d'Anderlecht et Molenbeek», appuie le directeur José Menendez, citant les soulèvements de 1893 sur la place de la Duchesse qui mèneront au suffrage universel pondéré, ou les premiers magasins coopératifs de pain ou charbon pilotés par le mouvement ouvrier et qui donnent en partie son nom au site. Par ailleurs, le COOP décrypte aussi de l'intense activité d'export de voitures d'occasion du quartier Heyvaert, dit «quartier des garages», comme en témoigne une belle Toyota Corolla léguée par un entrepreneur. à l'arrière enfin s'est implanté un véritable… chantier naval.
Pas d’hippodrome mais un urbanisme de classes

L’urbanisme chaotique de Bruxelles trouve aussi origine dans le quartier. Le COOP relate ainsi les prescriptions de Victor Besme (1834-1904), urbaniste de Léopold II qui développe la ville d’outre-petite-ceinture. José Menendez s’enorgueillit de disposer de plans et documents rarement visibles. «En 1840, il fallait développer l’ouest bruxellois et ce quartier a failli devenir un hippodrome, adjacent à un champ de tir et à des infrastructures militaires». C’est là qu’intervient Besme: «En 1860, il définit ce qui deviendra le Bruxelles contemporain». Sur sa carte de l’époque ainsi, «on reconnaît déjà tout alors que rien n’existe: Louise, la Basilique, la seconde ceinture, les quartiers ouvriers et les villas bourgeoises». La conception sans pincette choque pour un esprit de 2020: «On pensait alors sans honte que chacun devait être à sa place: ouvriers entre eux et bourgeois entre eux. Les ouvriers pouvaient éventuellement fréquenter la “noblesse” de leur classe: les commerçants». On est à des années-lumière des concepts de «mixité» de logements et fonctions désormais vantés par les autorités dans le développement urbanistique des «nouveaux quartiers».
Allez Eddy!

Entre histoire ouvrière et grands projets urbanistiques, le COOP expose aussi… un vélo. C’est qu’Eddy Merckx était un habitué du quartier. «Son premier maillot, c’était celui du Cureghem Sportif, un club qui existe toujours», assure José Menendez. Qui voit un rapport entre la démographie du quartier et le développement de l’expertise cycliste anderlechtoise au milieu du XXe siècle. «La population grandit juste après guerre et les premiers ouvriers qui enrichissent les ateliers sont flamands. Ils apportent leur culture vélo. Ainsi, les plus grands mécanos du Tour de France sont anderlechtois». C’est le cas de Charles Terryn, «pape de la mécanique cycliste» qui suivit Merckx comme Freddy Maertens. «Un autre mécano, Van Genck, tenancier de Plume Sport, nous a raconté que quand Fausto Coppi venait le voir rue de la Rosée, il s’asseyait toujours sur un… pot à lait». Un coffre à outils Campagnolo vintage a été légué au COOP pour témoigner de cette époque dorée, lorsque la boutique artisanale équipait les vedettes.

+ COOP, quai Demets 23 à 1070 Anderlecht.
+ Visite possible le mercredi de 14 à 17h. Visite possible en groupe du lundi au vendredi de 9 à 17h mais uniquement sur réservation.
+ Programme été 2020 « spécial covid » avec possibilité de profiter de la parcelle verte, visite de l'expo permanente et balade en extérieur dans le quartier: gratuit sur réservation obligatoire au 02.899.93.00 ou info@coop.brussels.
+ Malheureusement, le café sous le toit est fermé pour cause d’épidémie.
4 autres musées avec terrasse panoramique
Au MIMA, on n’écluse plus les bières

À quelques encablures à peine du COOP, sur le même quai, le MIMA offre un point de vue différent sur le canal puisque le musée street-art se dresse à portée de vue du nord-ouest du Pentagone. Depuis la terrasse panoramique de l’ancienne brasserie Belle-Vue, répartie de part et d’autre du dernier étage d’expo, le visiteur observera sur l’autre rive le quartier populaire d’Anneessens ainsi que le carrefour en pleine revalorisation de la Porte de Ninove et son nouveau parc. Plus loin, on y devine aussi la Grand-Place et les tours du Midi et upSite. Avec un peu de chance, une péniche pourrait même passer lors de votre escale, vous permettant d’observer le fonctionnement de l’écluse de Molenbeek.
+ MIMA, quai du Hainaut 39-41 à 1080 Molenbeek, du mercredi au dimanche de 11 à 19h. Expo en cours: ZOO, qu’on recommande très chaudement à vous et vos enfants. Réservation obligatoire pour cause de covid-19: c’est par ici.
Le Wiels, son marais et son lacis de rails

Le Wiels, c’est le centre d’art contemporain le plus pointu de Bruxelles. Situé à Forest, il s’implante aussi dans un ancien édifice industriel brassicole: l’imposante brasserie Wielemans-Ceuppens, conçue par Adrien Blomme en 1930. Depuis 2016, le musée offre l’accès de sa terrasse panoramique de 175m2 à ses visiteurs. De là-haut, le point de vue est imprenable sur le quartier et son fameux marais, mais aussi sur le parc de Forest, Saint-Gilles et les rails qui serpentent depuis la gare de Bruxelles-Midi. Le vent y souffle pas mal aussi. Et en cas de drache, une cabine vitrée permet d’apprécier le point de vue de part et d’autre du bâtiment.
+ Wiels, avenue Van Volxem 354 à 1190 Forest, du mardi au dimanche de 10h à 18h. Expos en cours (jusqu’au 16/08): Thao Nguyen Phan et Wolfgang Tillmans. Réservation obligatoire pour cause de covid-19: c’est par ici.
Au Musée de l’Armée, vue sur le Cinquantenaire

Il faut le savoir: les arcades du Cinquantenaire sont accessibles via le Musée de l’Armée. Le panorama de là-haut n’est évidemment pas aussi renversant qu’à bord d’un Spitfire exposé dans le hall dédié à l’aviation, mais il vaut tout de même le décollage. Et comment! D’un côté de ces arches conçues à l’initiative de l’inévitable et désormais controversé Léopold II, votre regard se perdra sur le parc et ses pelouses géométriques puis la skyline du quartier européen. De l’autre, vous filerez vers Montgomery et l’avenue de Tervueren. À vos pieds aussi, l’aberration du tunnel Cinquantenaire à la gueule ouverte en plein milieu de l’espace vert.
+ Musée royal de l’Armée, parc du Cinquantenaire à 1000 Bruxelles, du mardi au dimanche de 10h à 16h, réservation obligatoire pour cause de covid-19 via visites.mra@warheritage.be ou 02.737.78.33
Grimper sur la Basilique de Koekelberg: avoir un sacré coeur

On la voit de partout et pour cause: avec ses dômes turquoises, la basilique de Koekelberg se dresse sur son éminence pour survoler Bruxelles de ses 164m. Pourquoi ne pas renverser la perspective et grimper entre ses tourelles? Depuis le panorama à 53m de haut, c’est toute la capitale qui s’étendra à vos pieds. Et même plus: vous apercevrez la cathédrale de Malines d’un côté et le plan incliné de Ronquières de l’autre. De quoi se rendre aussi un peu mieux compte des proportions vertigineuses de la 5e plus grande église du monde et plus grand édifice art déco d’Europe. Dont cette coupole de 33m de diamètre et… 43.000 tonnes! Pour ne pas en avoir le vertige, il faut avoir un sacré cœur: ne vous faites pas prier!
+ Panorama de la Basilique de Koekelberg: de 9 à 17h30 (dernier ticket à 17h), ascenseur disponible. 6€. Réservation obligatoire pour cause de covid-19: par téléphone au 02.421.16.67 ou par e-mail à info@basilicakoekelberg.be