INFOGRAPHIES | Pour respirer, Wallons et Bruxellois veulent mieux partager leurs rues
EXCLU | Un sondage d’envergure européenne l’affirme: les citoyens des grandes villes ne veulent plus suffoquer comme avant le coronavirus. Ils sont donc favorables à des mesures de partage de l’espace public et à des zones zéro émission. En Belgique aussi.
Publié le 10-06-2020 à 00h01
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66% des Bruxellois et 64% des Wallons souhaitent que davantage d'espace public soit réservé au transport public, au vélo et aux piétons. C'est ce qui ressort d'une enquête ( *) menée dans les zones métropolitaines d'Europe par YouGov et répercutée chez nous par le collectif citoyen Les Chercheurs d'Air, Inter-Environnement Wallonie et Greenpeace. L'Avenir vous en propose ce 11 juin une analyse exclusive.
Ce sondage questionne les citoyens européens sur leur désir ou non de revenir à des niveaux de pollution pré-covid. 1.029 Belges y ont pris part. Et sans surprise, suite à l’amélioration de la qualité de l’air constatée partout, leur réponse est sans appel: 64% ne veulent pas revenir aux nuages de smog d’avant pandémie, 74% demandent des mesures pour améliorer la qualité de l’air même s’il faut libérer de l’espace dédié à la voiture et 68% acceptent dans ce cadre l’instauration de zones «zéro émission». Soit des zones où aucun véhicule thermique, essence ou diesel, ne pourrait circuler.
En Wallonie, «souplesse urbanistique»
La Wallonie se situe un peu en deçà des moyennes exprimées par les Européens. 62% des répondants, issus essentiellement des noyaux urbains, refusent de voir revenir l'air vicié pré-confinement. 63% accepteraient dans ce cadre la mise en place de zones zéro émission. «Cela montre une prise de conscience générale, surtout dans les villes, que la voiture occupe trop d'espace», pense Alain Geerts, analyste mobilité pour Inter-Environnement Wallonie. «Il reste politiquement délicat de s'attaquer à la voiture: beaucoup de citoyens en disposent et en ont l'utilité. Aussi, nous plaidons pour une réduction de son emprise sur le territoire». Et le spécialiste de citer les bandes de bus séparées et les pistes cyclables sécurisées sur les axes les plus denses, ainsi que la généralisation de zones 30 en centres-villes. «à 30km/h, les automobilistes n'auront plus envie de circuler».
Alain Geerts remarque par ailleurs que, si Bruxelles a embrayé sur Paris dans la mise en place d’urbanisme tactique, la Wallonie n’a pas été aussi proactive. «On a vu quelques exemples à Liège, Namur et Mons». IEW savoure: «Ce sont des expériences en conditions réelles et qui durent dans le temps, ce qui permet leur adoption. Car la première réaction, essentiellement des commerçants, c’est la croyance erronée que le client se déplace essentiellement en voiture. Tous les chiffres montrent le contraire. Le déploiement rapide et souple des solutions urbanistiques durant ce déconfinement est nettement moins traumatisant. Et permet aussi la correction. Sans le stress d’un chantier pour les riverains et le commerce».
Avec les chiffres de cette enquête, IEW compte «faire pression sur la Région wallonne pour que la réflexion sur les aménagements urbains et la répartition des modes puisse avancer». L’idée est aussi de dépasser le débat sur les zones de basse émission (LEZ): «elles sont un premier pas intéressant mais elles tendent plutôt à renouveler le parc automobile qu’à diminuer le nombre de voitures ou leur emprise». Et Alain Geerts de conclure: «le meilleur partage de l’espace public, est le moteur du changement. Les cyclistes le demandent depuis des décennies. La Hollande l’a montré: les infrastructures cyclables dopent la pratique. Mais il n’y a rien à faire: tout est déjà occupé. La Région doit donc partager». IEW compte aussi sur le Gracq et Tous à Pied pour faire pression sur les communes.
À Bruxelles, un «blocage sociologique»
Du côté de Bruxelles, les sondés rehaussent la moyenne européenne. Ainsi, 77% des répondants de notre capitale ont ressenti une amélioration de la qualité de l'air pendant le confinement et ne veulent pas retourner à l'avant. Ils sont 74% à soutenir dans ce cadre l'interdiction des voitures polluantes. «C'est loin d'être anodin», souligne Pierre Dornier, du collectif Les Chercheurs d'Air. «Les Bruxellois sont désormais conscients que donner plus de place aux autres modes de transport est un moyen d'agir sur la pollution de l'air. Il est probable que le même sondage avant le confinement n'aurait pas donné le même résultat».
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Alors que la pollution remonte dans les capitales, «comme à Paris où les niveaux de NO2 et de particules fines sont revenus à la normale pré-confinement», Pierre Dornier salue les mesures bruxelloises d’urbanisme tactique. «Mais ça ne va jamais assez loin. Surtout, ça doit rester en place et ça doit se multiplier». L’expert apprécie aussi les «mesures symboliques» dans une Bruxelles subissant «un blocage sociologique sur la diminution de l’espace accordé à la voiture». Il souligne: «la voiture occupe encore plus de 50% de l’espace public bruxellois. Or, il faut désormais donner plus de place à la mobilité douce et au transport en commun».
Alors que la LEZ, low emission zone bruxelloise, n’exclut aujourd’hui que les véhicules les plus anciens, Pierre Dornier plaide pour un plan plus draconien. «D’abord, les véhicules qui restent en place pour les artisans, les secours, les transports publics qui continuent à en avoir besoin, il ne faut plus autoriser que les moteurs électriques ou à hydrogène. Surtout, le zéro émission doit entrer en vigueur en 2030 et non 2035 comme prévu. Aucun obstacle technique ne s’y oppose». Et de citer Paris, Amsterdam et Rome qui prévoient cette transition pour 2030, Londres, Strasbourg et Bergen pour 2025, Oslo pour 2024. «Il n’y a pas de raison à ce que Bruxelles soit plus lente que les autres».