Charleroi: entre réalité et ville fantasmée
Partout dans le monde, des villes se réinventent un imaginaire. Rencontre avec l’essayiste Jean-Laurent Cassely.
- Publié le 26-11-2019 à 09h16
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Auteur de «No Fake, contre-histoire de notre quête d'authenticité» publié chez Arkhê éditions, l'essayiste Jean-Laurent Cassely a participé ce samedi à Charleroi à la deuxième académie Analogique 2.0 (lire ci-contre). «Charleroi, j'en avais déjà entendu parler, confie-t-il. C'est une ville qui concentre un grand nombre de projets immobiliers et culturels. Elle fait partie du petit cercle des cités en Europe qui ont mauvaise réputation et se réinventent un imaginaire. Au même titre que Berlin ou Marseille, dont je suis originaire. Quand une ville va mal, on la charge d'événements culturels pour la revitaliser: c'est ce qui a été fait à Lille capitale européenne de la Culture puis à Marseille dix ans plus tard».
Des projets ont changé le regard extérieur, fait émerger de l'espoir et des envies, même si dans certains cas il s'agit de marketing territorial pour masquer l'absence de projet économique d'ampleur. Des réseaux alternatifs d'artistes et de créateurs sont apparus. Ces villes en marge attirent généralement des populations captivées par leurs stigmates car elles y voient un potentiel, portent un regard bienveillant, parfois fantasmé, sur ce qu'elles sont et se servent de leurs friches comme de laboratoires sociaux, urbains, économiques, culturels. «Voilà ce qui m'intéresse: comment des villes peuvent changer de réalité, tirer de ce qui en faisait la laideur les atouts d'une nouvelle forme de tourisme ou d'offre culturelle.», reprend-il, avec un exemple frappant: «Ici, il suffit de regarder les terrils, façonnés par l'extraction du charbon, qui marquent le paysage: ces terrils sont devenus des destinations de promenade. Sur les conseils de la Maison du tourisme, je suis d'ailleurs allé me balader à travers celui des Piges à Dampremy.»
Idem avec la randonnée en bordure de voie d'eau dans le bassin sidérurgique, où une usine en activité côtoie les ruines d'une autre, entre les œuvres de street art créées par des graffeurs. «La pratique de la randonnée urbaine, qui se propage ici, comme à Marseille et sur de nombreux territoires postindustriels, signale qu'une autre forme d'authenticité peut émerger de ces territoires modifiés par l'activité humaine. À Paris, des randonnées longent désormais le périphérique!»
Fuis hier, ces lieux se rechargent d'attractivité. «Changement de référentiels et de canons de beauté, régénération des écosystèmes, les villes moyennes d'ancienne industrialisation ont des choses à nous révéler: ce sont de formidables laboratoires de renouveau, leurs modèles qui défient parfois l'imagination doivent nous inspirer.», conclut l'auteur.