Qui est Suzan Daniel, qui donne son nom à la nouvelle passerelle sur le canal?

Le pont Suzan Daniel sera inauguré ce mardi 4 octobre 2022. Le nom de cette passerelle qui enjambe désormais le canal entre la gare du Nord et Tour & Taxis est connu depuis juillet 2019. Mais qui était la Bruxelloise qui lui donne son nom, choisie par les internautes?

La Rédaction de L'Avenir
Qui est Suzan Daniel, qui donnera son nom à la nouvelle passerelle sur le canal?
Suzan Daniel est née Suzanne De Pues. Elle est à l’origine de la fondation du premier cercle rassemblant des personnes homosexuelles en Belgique. Elle l’a quitté à peine un an après sa création pour cause de... sexisme. ©Fonds Suzan Daniel

Cet article est une mise à jour d’un article publié initialement le 9 juillet 2019.

La passerelle entre la gare de Bruxelles-Nord et Tour & Taxis a son nom: elle s’appellera «Pont Suzan Daniel». Ce nom a été validé après un sondage en ligne lancé par Beliris et la Ville de Bruxelles, dont avait été extraite une short list de 5 propositions soumises au vote des internautes via Facebook. Les autres choix possibles étaient «Pont d’ici», du «Pont Zinneke», «Pont Agnès Varda» et «Pont 22 mars». Suzan Daniel a émergé du scrutin en juillet 2019.

Alors que ce passage entre le quai des Péniches et l’avenue du Port est inauguré ce 4 octobre, vous vous demandez peut-être qui est cette Suzan Daniel que les internautes ont voulu mettre à l’honneur pour nommer cette voie exclusivement réservée aux piétons, cyclistes et transports en commun. Portrait rapide.

La passerelle reliera le quai des péniches à l’avenue du Port.
La passerelle reliera le quai des péniches à l’avenue du Port. ©Beliris

Elle lit le roman «Le Puits de Solitude»

Suzan Daniel est née Suzanne De Pues à Bruxelles en 1918. Elle est morte à Uccle le 15 novembre 2007. Selon Wikipedia, elle est une militante belge lesbienne à l’origine du premier groupe homosexuel de Belgique.

Dans sa jeunesse, Suzanne De Pues se penche sur l’histoire de la psychologie et de la sexologie. Elle lit Freud, mais aussi Radclyffe Hall, dont le roman «Le Puits de Solitude» marque un jalon révolutionnaire dans la littérature lesbienne en 1928. À sa parution, le livre a subi une cabale et fait l’objet d’un procès pour obscénité. Suzanne aime aussi le cinéma et, à en croire Bart Hellinck interrogé par Bruzz, devient à 14 ans la plus jeune critique de cinéma belge. Et la seule femme. La cinéphile apprécie beaucoup Danielle Darieux, ce qui aura une résonance dans son pseudonyme de Suzan Daniel.

À l’aube de ses 30 ans, Suzanne fréquente les bars lesbiens. Elle sort beaucoup. Son homosexualité ne semble pas poser beaucoup de problèmes à sa famille mais la discrétion reste de mise. Elle est intégrée à une organisation holebi pionnière dans le monde: la néerlandaise COC.

Sexisme

Le «bureau fondateur» du CCB comprend 12 membres, dont une seule femme: Suzan Daniel, qui prend un pseudo vu les mœurs étriquées de l’époque.
Le «bureau fondateur» du CCB comprend 12 membres, dont une seule femme: Suzan Daniel, qui prend un pseudo vu les mœurs étriquées de l’époque. ©Fonds Suzan Daniel

Après un congrès à Amsterdam dans les années 50, où participent des scientifiques, des sociologues, dont surtout des homosexuels, Suzanne rentre en Belgique avec l’idée de fonder une association LGBT. Il faut rester discret même si les gays et lesbiennes ne sont pas poursuivis chez nous comme en Angleterre et aux Pays-Bas: c’est pourquoi Suzanne De Pues disparaît derrière le pseudo Suzan Daniel.

En 1953, elle fonde donc le Centre culturel de Belgique (CCB). Ce n’est pas une association militante, mais un centre de rencontres, d’activités culturelles à destination des personnes homosexuelles. Le nom masque toute résonance LGBT, car la pression sociale reste forte. Mais c’est bel et bien le premier jalon du mouvement homosexuel belge. Le «bureau fondateur» du CCB comprend 12 membres, dont une seule femme. Et le sexisme affleure. Dès le 2e meeting, en 1954, Suzan est la seule femme d’un public d’une cinquantaine de personnes venues pour entendre un psychologue. Un membre de l’assistance exprime alors ses réticences à «être dirigé par une femme». Suzan claque la porte. Elle disparaît des tablettes.

C’est Bart Hellinck, étudiant à l’Université de Gand, retrouve Suzanne De Pues en 1996. Elle vit à Jette. Le centre belge d’archives et de documentation LGBTI+, fondé la même année, se baptise alors en son honneur. Selon le chercheur, Suzan n’a rien perdu de son engagement. Il en témoigne à Bruzz: «Depuis 1996, elle participera chaque année à la Pride avec des étoiles dans les yeux».

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