VIDÉO | Dernier tome pour «Les Psy», le docteur Antoine Médard prend sa retraite
Série historique de l’écurie Dupuis, «Les Psy» tire sa révérence. Mais Bédu, son dessinateur, en a encore sous le coude.
- Publié le 28-05-2019 à 09h46
La légende, sa légende, veut qu'il ait choisi la voie artistique parce qu'il ne supportait de se soumettre aux… tests psychologiques imposés par les entreprises auxquelles ses études économiques l'avaient pourtant voué. La vérité est plus prosaïque: «J'aimais dessiner. Et l'envie de dessiner est, un jour, devenue plus forte. J'ai donc tenté l'aventure.»
Bernard Dumont, bientôt rebaptisé Bédu, entame sa carrière auprès de Berck, le dessinateur de Sammy, en 1972. Le succès, il le devra, outre son talent, à sa rencontre avec Raoul Cauvin. Avec le génial scénariste, il préside, depuis 1992, aux destinées des Psy. Ou, plutôt, présidait puisqu'est sorti, début avril, le vingt-deuxième et tout dernier volume de cette série historique de la maison Dupuis.
«Tout s'est fait très élégamment, assure Bédu. Nous aurions pu encore en sortir un ou deux, mais nous avons préféré arrêter plutôt que de faire le ''match'' de trop. Après autant d'années, nous commencions à tourner en rond. C'est aussi et d'abord une décision d'éditeur. Qui a, comme nous, constaté une érosion des ventes. »
En 25 ans, le Docteur Médard, le héros de la série, se sera forgé une jolie petite notoriété dans le monde de la bande dessinée. Or, ce n'était pas gagné d'avance quand on sait combien la psychologie n'avait pas, début des années 90, la même presse qu'aujourd'hui: «Au début, poursuit le dessinateur, je me souviens que c'était encore très tabou: les gens qui allaient voir un psy, on s'en méfiait. Désormais, c'est accepté: les enfants, les adultes, tout le monde va chez le psy.»
Et le psy, lui, va souvent chez Bédu. En dédicaces, du moins: «Beaucoup venaient nous trouver, en effet. Et nous donnaient parfois leur carte de visite, parce qu'ils avaient, disaient-ils, des anecdotes à nous raconter. Des patients, aussi, se confiaient. Ils nous disaient que tel gag, tel personnage correspondait parfaitement à un oncle, un frère, une sœur, une mère. D'autres nous disaient simplement merci, parce qu'ils avaient connu des moments complexes dans leur vie, et que notre série les avait aidés. Et ça, ça vaut toutes les récompenses du monde. »
«Certains lecteurs nous disaient simplement merci»

La preuve, sans doute, qu'avec Les Psy, le duo Bédu-Cauvin avait su capter l'air du temps, avec humour mais justesse. Une certaine éthique, aussi: « je me souviens, raconte encore Bédu, qu'un psy nous avait envoyé un tas d'histoires tirées de sa pratique. Il y avait là de quoi remplir quasiment un album. Mais ce n'était… pas drôle. Parce que ça touchait à des pathologies. Or, avec Raoul, on a toujours pris soin de ne pas aborder les pathologies: c'est trop lourd, et ça peut être mal vécu par ceux et celles qui en souffrent réellement. Ou par leurs proches. Nous, ce qui nous intéressait, c'étaient les petits travers de Monsieur tout le monde.»
Et dire qu'au départ, Raoul Cauvin avait imaginé une série sur les… avocats: « je ne suis pas sûr qu'on en aurait fait autant », se marre le dessinateur. Qui a, pendant toutes ces années, pu s'appuyer sur les scénarios millimétrés de son comparse. Avec ce que ça comporte de frustrations: «Déjà, tout, ou presque, se passe dans un cabinet. Graphiquement, ce n'est pas évident de se renouveler. Et puis, je dois inventer, pour presque chaque gag, un nouveau patient. Et le quitter aussitôt, alors que parfois, je commençais juste à le maîtriser, voire à m'y attacher. »
Le septuagénaire n'a pourtant aucun regret. Allez, peut-être un seul: «En dédicaces, nous rencontrions beaucoup de femmes. Et c'est vrai que la psychologie est une branche très féminine. J'ai donc suggéré à Raoul de moins mettre Médard en scène, au profit d'une psy. Mais il n'a jamais vraiment accroché. »
Son interview dans notre vidéo ci-dessus.
«Vive la retraite!», Bédu/Cauvin, Dupuis, 48 p., 10,95€.
