La Brasserie du Borinage, des bières qui «déwannent» sans complexe
Depuis quelques mois, la Brasserie du Borinage fait bouillir les cuves comme jamais au milieu des terrils, à Boussu. Avec ses bières, elle entend irriguer le monde d’une Borinage Attitude portée à son pinacle, avec bon goût.
Publié le 24-04-2019 à 20h27
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Connaissez-vous «la déwanne»? Dans le Borinage, ce mot issu du patois veut grosso modo dire qu’on va casser la baraque. Suivant le contexte, c’est l’éclate, l’amusement sans filtre, une attitude libre qui ne se soucie pas du qu’en-dira-t-on, une grosse baston…
Ce mot est remis à la mode par la Brasserie du Borinage, microbrasserie située à Boussu, et qui s’est fixé un objectif simple: tout déwanner. Cette brasserie «au mitan des terrils» est née de la rencontre de deux entités: «Ça Brasse Pour Moi», incarnée par Antoine Malingret, et les «Bastard Brewers» que sont Damien Hubert et Manu Dubray.
Ces trois-là étaient faits pour se rencontrer. Antoine Malingret, ingénieur agronome et fils d’agriculteurs, s’est fixé comme objectif de produire des bières atypiques à partir des céréales familiales. Les Bastard Brewers s’inscrivent dans la mouvance «Craft Beers» et la légende veut qu’ils tirent leurs connaissances en la matière d’un voyage initiatique aux États-Unis passant par le Kentucky.
Complémentarité
«C'est une fusion assez naturelle», confirme Damien Hubert, chargé de com de la brasserie en bermudas-chaussettes et coupe mulet. «Le milieu des microbrasseries est fait d'individus curieux, qui veulent toujours découvrir, échanger, et nous sommes insatiables. Une opportunité s'est présentée en mai 2018. Antoine allait à un salon à Paris, mais il manquait de bières au fût. On l'a dépanné et on a vécu un week-end explosif qui s'est transformé en rite initiatique, qui s'est soldé par une évidence: celle de travailler ensemble.»
Car les deux entités sont complémentaires: « Antoine est implanté à Boussu, mais paradoxalement, ses bières n'existent pas dans le Borinage. Manu et moi, même si on habite aujourd'hui à Mons, on a l'esprit borain. En fusionnant, le premier objectif est d'exister localement, tout en continuant à rayonner sur un plan international, dans le milieu des Beer Geeks, dans les salons et dans les restaurants.»
Pour attaquer le marché local, le nom «Brasserie du Borinage» s'impose «comme une évidence. On voulait garder la porte d'entrée la plus large possible, en défendant l'identité boraine. On en a assez d'être d'une région dont on devrait avoir honte. Être Borain, c'était une image au minimum rurale, au pire d'arriéré. On s'est dit: assumons notre identité et du fond de l'arrière-pays, faisons des trucs qui vont déwanner, dont on peut être fier!»
Depuis, tout s’enchaîne dans les locaux de la brasserie boussutoise. Une bière est créée, puis une deuxième, une troisième… L’implication au départ bénévole tend à se professionnaliser et la Brasserie du Borinage se dévoile au grand jour, propageant la «déwanne attitude» dans les salons et sur les réseaux sociaux.
Bientôt une coopérative

Pour atteindre son objectif fixé à 1500 hectolitres à l'année, elle développe deux gammes de bières: une orientée terroir et tradition, basée sur l'histoire de la bière (saison, lager…) et une plutôt atypique, faites de bières contemporaines, «déwannes, limite punk. Par exemple, on prépare une IPA collaborative qui sera bien sèche avec un fin pétillant comme un vin mousseux… C'est du délire, mais ce qui nous intéresse, c'est de ne pas tomber dans une routine.»
Pour perpétuer cette liberté brassicole, il faut pérenniser la structure, déjà dépassée par l'ampleur que prend la Brasserie du Borinage: l'outil de production a atteint la saturation. C'est pourquoi à terme la Brasserie du Borinage prendra la forme d'une société coopérative pour pouvoir doter la brasserie d'infrastructures à la mesure de ses ambitions: «on a le projet de construire une grosse brasserie dans les deux ans.»
Une brasserie qui entend bien irriguer le monde d’un esprit borain affirmé et décomplexé. Entre la Sunlight des Tropiques, la Fat Grisou ou la Boriner Vice, ça n’a nié co fini de déwanner à Boussu.
La Brasserie du Borinage ouvrira ses portes les 11 et 12 mai à l’occasion du week-end découverte des vignobles, brasseries et distilleries de Wallonie. 34 brasseries, 16 vignobles et 6 distilleries participent à l’opération. Infos: vinsbieredistilleries.be.

Damien, Antoine et Manu donnent tout leur cœur et tout leur corps dans la Brasserie du Borinage. Pour coller au mieux à son état d’esprit, ils ont adopté un look tout aussi décomplexé de Borain assumé, fait de grosses moustaches, de lunettes fumées ou de veste en jean à col d’aviateur.
Le clou reste néanmoins cette coupe mulet que Damien arbore désormais fièrement. S’il s’agissait d’un gag à la base, cette coiffure incarne aujourd’hui l’esprit de la Brasserie du Borinage.
«Le mulet, c’est un croisement entre le cheval et l’âne. Dès le départ, c’est un grand écart et ça nous va bien puisque ce sont les lignes de force de notre brasserie: il y a la rigueur devant, symbolisée par une coupe courte, et l’amusement à l’arrière avec la coupe longue. Ça nous incarne. On travaille sérieusement, mais on a notre côté décomplexé et une approche libre revendiquée.»
Ce délire autour de la coupe mulet a permis à la brasserie de se retrouver au cœur de l’organisation d’un événement qui a été répercuté dans toute la médiasphère francophone: un festival de la coupe mulet, le 18 mai prochain, à Boussu. C’est un gag, mais tout à fait sérieux: on vous en dévoilera la programmation prochainement…