Le coworking veut régner sans partage (4) | «En 2019, le poste de travail n’existe plus»
NOTRE SÉRIE (4) | Le coworking est en plein boom à Bruxelles. Ses coussins patchwork, ses meubles de bois au design scandinave et son café bio attirent les «millenials». Cet aménagement commence même à influencer le bureau traditionnel, où les entreprises implantent désormais des espaces flexibles pour leur personnel. C’est ce qu’affirme Annick van Oordt, de l’agence de design et conseil Out Of Office.
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- Publié le 31-01-2019 à 09h01
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«Il y a pas mal de gens qui sont déjà entrés pour commander un café, c’est vrai».
Quand on pénètre dans les bureaux ucclois de Out of Office, il y a de quoi être déboussolé. Un comptoir, une machine à café, des tabourets hauts, des bocaux de cookies, un pouf, une banquette et des tables partagées, des thés fumants. Une ambiance studieuse, mais détendue. Et pas de réception. Heureusement, une voix attablée à l'entrée de cette ancienne épicerie nous rassure immédiatement.
Le choc provoqué par cet aménagement de bureau novateur sert évidemment les desseins de l’entreprise emmenée depuis 20 ans par Anouk van Oordt. Et dont toute la philosophie est contenue dans le nom: «Out Of Office», soit «en dehors du bureau». Dans ses créations pour des multinationales de la pharmacie, des banques, de l’informatique, de l’énergie ou le pionnier du coworking belge Silversquare, cette agence tente de faire oublier la notion de «département» pour celle de «communauté». Avec des bars comme dans l’horeca ou des coussins comme à la maison. Ou comment convaincre le client qu’un bureau de 2019 ne doit plus ressembler à un bureau de 1990. Voire à un bureau tout court.

«Un bureau, c’est bien plus qu’une table et une chaise»

Anouk van Oordt, à vos yeux, qu’est-ce qu’un poste de travail en 2019?
Pour nous, le poste de travail n’existe plus. Une personne, pendant la journée, traverse plusieurs activités et humeur. En fonction de ces activités et ces humeurs, elle cherchera donc à fréquenter un lieu ou un autre, le plus adéquat.
Que reprochez-vous au bureau open-space «à l’ancienne»?
Ces lieux sont trop aseptisés, trop grands, trop ouverts, trop designés. Ils en deviennent stériles: on ne s’y sent pas bien.
Quelles solutions y apportez-vous?
Nous concevons des espaces plus petits et des univers différents. Plutôt qu’un rectangle open space grand ouvert, on multiplie les espaces à échelle humaine. Et on y implémente le travail flexible, où les employés n’ont plus de poste dédié.

À quel point le coworking influence-t-il ce nouveau type d’espaces de bureau?
Lorsque nous concevons des coworkings, l’idée est de ne pas scinder complètement les espaces fermés et ouverts. Globalement, j’estime que l’espace de travail ne doit pas différencier les expériences selon qu’on est une petite société ou une grosse. L’idée reste créer des connexions entre des gens et leurs entreprises.
Comment s’organise l’occupation par le personnel, dès lors?
Les collaborateurs de Out Of Office s’installent en fonction de la personne avec qui ils doivent travailler ou de la tâche qu’ils doivent apporter. Cela rompt avec l’idée habituelle du département qu’on gagne chaque matin. Celui-ci induit un chemin identique chaque jour, qui mène à des habitudes, des automatismes. L’humain, bien sûr, aime se sentir à l’aise et rassuré dans un lieu, quel qu’il soit. Mais ce n’est pas pour ça qu’il doit se réfugier dans son bureau car cela pourrait créer un train-train contre-productif.


Quid si deux employés s’entendent trop bien et court-circuitent ces intentions en s’installant toujours au même endroit?
Deux personnes qui s’entendent super bien sont clairement un plus pour une entreprise: on est plus productif et créatif si on est entouré de gens qu’on apprécie. Si ça perturbe le travail, il suffit de discuter.
Le duo de mobilier chaise-table, c’est dépassé?
Un bureau, c’est bien plus que ça. Le problème, c’est qu’on a toujours fait comme ça. Certaines sociétés ont compris que c’était aseptisé: elles prennent temps et argent pour s’occuper du design. Les entreprises de coworking sont pionnières en ce sens. Et les grandes boîtes embrayent. Nous venons de concevoir le hall d’entrée d’un client du secteur pharmaceutique: un bar est désormais implanté, à la place de la réception, où il n’y a plus de tourniquet. Nous allons aussi y développer un espace de flexible, style «garage d’innovation»: cela ouvre la communication transversale et casse les silos. Bien sûr, tout le monde ne doit pas avoir son bar mais il faut transformer les couloirs en lieux de rencontre pour créer une communauté.
D’autres exemples?
Nous allons déplacer nos propres bureaux dans la chaussée de Waterloo, dans un ancien magasin de matelas. L’objectif est d’y installer un concept-store d’Out of Office, ouvert au quartier, reflétant ses quatre activités ainsi que ses valeurs. Pour permettre à toutes les générations de se connecter autour des activités que nous y organiserons.


Quid des matériaux?
On aime le naturel. Pas uniquement le bois, mais des matières vraies, pour s’ancrer dans des espaces avec une âme. Pas du plastique partout.
Est-il important pour les entreprises d’investir dans l’espace de travail pour se positionner dans la «guerre des talents»?
Oui. Une fois leurs espaces repensés, les entreprises nous disent retenir et attirer davantage de «hauts potentiels». Il faut donc être prêt à repenser son organisation et à créer des aménagements qui font sens.