Le coworking veut régner sans partage (3) | Welkin and Meraki, bureau partagé grand luxe: «Les millenials se foutent de recevoir une BMW»
NOTRE SÉRIE (3) | Oubliez le bon vieil open space des ronds de cuir: le coworking est en plein boom à Bruxelles. Ce bureau partagé, hyperflexible et bon marché, séduit autant les start-up que les grosses boîtes. Ses coussins patchwork, ses meubles de bois au design scandinave et son café bio attirent les «millenials». Et le luxe s’invite aussi dans le secteur comme le prouve Welkin and Meraki.
Publié le 24-01-2019 à 07h01
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«Notre lumière chaude rend les gens beaux et leur évite les migraines»

«Ce fauteuil a été conçu pour l’hôpital de Jaipur, en Inde. C’est l’un des plus exclusif au monde».
Assis sur l'incontournable gradin de bois clair de tout bon coworking contemporain, Alain Brossé n'est pas peu fier de nous inviter à constater l'assise exceptionnelle de ce bel objet de design. La chaise s'intègre parfaitement dans les boiseries, moquettes doublées d'épais tapis, argile murale, canapés vert anglais et beaux livres décorant les 3500m2 que Welkin and Meraki a ouverts en janvier avenue des Arts à Bruxelles.
Menu étoilé
«Welkin» est emprunté à l'anglais du XIIe siècle. Le mot signifierait quelque chose comme «la plus haute couche céleste». «Meraki» vient lui du grec et voudrait dire «travailler avec âme et passion». Désormais, leur association renvoie à ce nouveau venu du secteur du bureau partagé. La boîte belge mise sur le créneau du luxe. On s'en rend compte en posant la main sur les tables toilées de cuir. Pour l'inauguration en décembre, c'est le chanteur Ozark Henry qui animait le frichti alors que les petits fours étaient mitonnés par Benoît Dewitte, chef 1 étoile Michelin. C'est d'ailleurs le Flamand, repris parmi les 50 meilleurs coqs du monde, qui a conçu le menu que les clients peuvent consommer dans le bar-resto du coworking. Avec ses pompes à bière lustrées, ses bouteilles de gin rare et sa rutilante machine à café, l'endroit n'a plus rien à voir avec les mess des cantines industrielles.

«Notre catering est disruptif», confirme le fondateur de la boîte. «Je ne suis pas d'accord avec ce que mangent les gens pendant la journée. Ce n'est profitable ni pour la société, ni pour les travailleurs. Et c'est bien trop cher alors que ça coûte trois fois rien aux industries. Ce repas sain, bio et local, il nous revient à 9€ et on l'offre à 12». Honnête.
Rayon design, Benoît Viaene et Glen Sestig, architectes renommés pour leur travail dans les intérieurs résidentiels, ont meublé les murs couverts d'argile. «Ils améliorent les plus belles maisons du monde à Dubaï, Londres, Paris ou dans les Hamptons», énumère Brossé. «Ils devaient m'aider à donner une ambiance à un bureau froid. Ainsi, on a planché sur la lumière, qui est toujours trop forte. La nôtre est jaune, chaude, et rend les gens beaux. On leur évitera les migraines». Et le boss de tacler l'open-space de papa. «Les gens sont ici 8 à 10 heures par jour. C'est plus que dans leur salon. Il faut arrêter de les démotiver: ils seront plus heureux, et donc plus efficaces. Et ton entreprise deviendra intéressante pour les millenials, qui s'en foutent bien désormais d'avoir une BMW M3».
Alain Brossé sait où appuyer pour séduire sa cible, «banques, assurances, gouvernements, ambassades, consulats, représentation à l’UE, mais aussi les développeurs des entreprises de hautes technologie». Fondateur de Tribes et ancien gérant de Regus chez nous, le Gantois revendique «12 ans de métier». Ce qui n’est pas rein dans un secteur encore jeune. Avec sa nouvelle enseigne haut de gamme, Brossé ne drague pas «la start-up qui se lance» mais cherche à apâter les gros poissons. «D’autres visent les jeunes entreprises et c’est pas mal, car le marché est en pleine croissance. Chaque joueur a sa propre niche dans la niche du flexible».

L’ambition affichée: 8000m2 à Bruxelles en 2019. 350 postes sont déjà disponibles avenue des Arts et 450 autres le seront plus tard dans un bâtiment encore en construction. Fin janvier, Welkin and Meraki souhaite atteindre 50.000m2 au total. À Paris, Londres, Eindhoven, Luxembourg et dans «une dizaine» de centres aux USA. Et uniquement dans les hypercentres.
600€ par mois... pour l’instant

Ce qui a évidemment un coût. Le poste à sous-main de cuir revient à 600€ par mois, sans compter e parking à 150€. Soit 9.000€ l'année. «Et les prix augmenteront lorsque nous seront remplis à 50 ou 55%, comme pour un hôtel», prévient le patron. On est donc bien loin de la concurrence (295€ chez Silversquare, 230€ chez WeWork, 295€ chez Fosbury & Sons) mais, selon Alain Brossé, toujours sous le coût annuel du bureau à Bruxelles. «Le poste de travail, c'est 11.263€ par an à Bruxelles. C'est le chiffre 2017 du Occupier Cost Index qui mesure 33 millions de m2 partout en Europe. On est 21% moins cher alors que le quartier est au top».
À ce prix-là, accès mondial, salles de réunion, copies et café sont inclus. Brossé: «Les entreprises ont épargné sur le personnel, les m2, mais aussi le café. Pourtant, c’est primordial». Rares sont les employés de bureau qui lui donneront tort.