Eugène Goblet d’Alviella et son mausolée à Court-Saint-Étienne
Au cimetière de Court-Saint-Étienne trône le mausolée d’Eugène Goblet d’Alviella qui fut l’un des premiers à s’intéresser à l’histoire des religions.
Publié le 17-12-2018 à 06h00
C’est à Bruxelles que naquit, le 10 août 1846, Eugène Goblet d’Alviella au sein d’une famille qui a déjà marqué de son sceau l’histoire de la Belgique indépendante. Son grand-père n’est autre que le général Albert Goblet, qui fut plusieurs fois ministre avant de porter secours aux Saxe-Cobourg-Gotha menacés de perdre le trône du Portugal, et recevant pour ce faire le titre de comte d’Alviella.
Formé à l’Athénée de Bruxelles, puis au lycée Louis-le-Grand à Paris, c’est à l’Université libre de Bruxelles, où il étudie le droit, les sciences politiques et la philosophie qu’il est initié à la franc-maçonnerie. Il va dès lors se pencher à l’histoire des religions, profitant de sa fortune familiale pour voyager. Il va ainsi accompagner le Prince de Galles dans un voyage en Inde, s’initiant, sur le terrain, aux religions asiatiques.
Ayant épousé une protestante, Margaret Alice Packard, il va aussi s’intéresser au rite chrétien protestant unioniste et à la maçonnerie écossaise. Il est déjà à cette époque Vénérable maître des Amis philanthropes, l’une des loges maçonniques parmi les plus actives de la capitale.
Ainsi formé, il ouvre, en 1884, la première chaire d’histoire des religions à l’Université Libre de Bruxelles. Il l’animera jusqu’en 1914, devenant même, de 1896 à 1898, le recteur de l’ULB. À l’époque, il n’existait que quatre chaires similaires à travers le monde. C’est dire si sa notoriété traversa bien vite les frontières, étant appelé à donner des conférences aux quatre coins de l’Europe. Il sera d’ailleurs reçu docteur honoris causa aux universités de Glasgow et d’Aberdeen et deviendra un habitué d’Oxford où ses «Hibbert Lectures» recueillaient, chaque année, un grand intérêt.
Pendant trente-huit ans, il fut aussi l’un des plus éminents membres de l’Académie royale de Belgique, y faisant vingt et une communications inédites et dont il assura même la présidence. Mais aussi de la Société royale belge de géographie, qu’il présida également, publiant un certain nombre d’ouvrages sur le pacifisme, l’économie, le symbolisme maçonnique, l’anthropologie historique, les influences classiques dans la civilisation de l’Inde, l’archéologie et même l’histoire de Court-Saint-Étienne et de ses environs.
Mais c'est son ouvrage sur la Migration des Symboles qui va lui donner l'éternité littéraire. Souvent traduit, il est l'un des fondements de l'archéologie religieuse, aux dires de son successeur, Richard Kreglinger. Celui-ci disait de son maître: «Le prestige dont jouissait le comte Goblet d'Alviella, il le devait non seulement à l'importance des services rendus, mais encore à la grande élévation de sa pensée et à un esprit de tolérance dont il ne se départissait jamais».
Ministre sans portefeuille
Car, à côté de son prestigieux parcours académique, le châtelain de Court-Saint-Étienne fit également une brillante carrière politique. Élu conseiller provincial du Brabant en 1872, il fait son entrée à la Chambre des Représentants en 1878 avant de rejoindre les fauteuils plus confortables du Sénat en 1892. Il en deviendra même, en 1910, le vice-président. Libéral convaincu, il s’était particulièrement investi dans le développement de l’instruction publique et dans l’extension démocratique du droit de suffrage. Nommé ministre d’État en 1914, il sera même ministre sans portefeuille, de 1916 à 1918, au sein du Gouvernement en exil à Sainte-Adresse.
Renversé par une automobile
S’il est mort accidentellement, renversé par une voiture, avenue Louise à Bruxelles, le 7 septembre 1925, celui qui était toujours sénateur en fonction avait prévu ses obsèques dans le moindre détail. Dans son testament philosophique, il avait souhaité être incinéré au crématorium du Père Lachaise à Paris et bénéficier de funérailles protestantes. Ses cendres devaient ensuite rejoindre le mausolée qu’il avait fait ériger, entre 1887 et 1889, au cimetière de Court-Saint-Étienne, selon ses propres plans, par l’architecte Adolphe Samyn et le sculpteur français Georges Houtstont. Réalisé en pierre calcaire de l’Ourthe et en pierre bleue de Soignies, cet impressionnant monument funéraire se présente toujours sous la forme d’un temple hindou, tout en empruntant des éléments stylistiques à l’art égyptien et aux architectures grecque, omeyyade et romane. On y trouve également des inscriptions et symboles empruntés aux grandes cultures indo-européennes. Les quatre faces de ce monument classé portent l’inscription «L’être unique a plus d’un nom» en français, en grec, en sanscrit et en hiéroglyphes égyptiens. À l’image de son concepteur.