Élections communales 2018 | Le scrutin le plus indécis depuis longtemps à la Ville de Bruxelles
SÉRIE 19/19 | La majorité PS-MR sort d’une mandature mouvementée à la Ville. C’est peu de le dire. L’affaire Samusocial encore dans toutes les mémoires, le Bourgmestre Philippe Close joue gros ce 14 octobre. Son allié Alain Courtois fera-t-il pencher la balance dans son sens? Dans l’opposition, tous espèrent que la violette n’aura plus de majorité.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dcc40ade-bd2d-4162-a4ae-bae33f6f8bd4.png)
- Publié le 05-10-2018 à 07h10
:focal(368x254:378x244)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/UTVPLXDIDNFGVOKWLI7W456AGI.jpg)
On ne peut pas dire que la législature a été de tout repos à Bruxelles. Pourtant, le PS y croyait. Freddy Thielemans, champion toutes catégories des voix de préférence, avait cédé l'écharpe qui lui seyait tant à son successeur tout désigné, coopté par les pontes socialistes bruxellois.

Mais voilà: non élu, Mayeur a voulu aller très vite pour laisser son empreinte. Non sans polémique. Son image a d'abord prix un coup de plomb dans l'aile quand, en fanfare et cortège mais sans grande concertation, il a piétonnisé les boulevards du centre du jour au lendemain. Bronca des usagers. Haro des riverains. Coups de gueule des commerçants. Voilà le Bourgmestre mis à la porte des restaurants de «son» centre-ville. Après ça, le socialiste a carrément plongé: il a coulé corps et biens dans les eaux marécageuses du scandale Samusocial.
Depuis, plus de nouvelles ou presque. Et c'est à Philippe Close qu'il est revenu de ramasser les pots cassés. Juste retour des choses pour le charismatique ex-échevin du Tourisme et des Finances puisqu'il avait les faveurs de son père spirituel Thielemans dans l'ordre de succession? Ou mêlée boueuse dont le rugbyman de la Grand-Place risque de ne pas se relever? Avec le scrutin du 14 octobre, c'est à l'électeur d'arbitrer ce match indécis.
Alors évidemment, la Ville est un état dans notre état fédéral. Ses Bourgmestre et échevins ont pignon sur rue. Dans les médias comme sur Instagram. Quand les Diables viennent manger des frites au balcon de l’Hôtel de Ville, c’est leurs bouilles qui s’affichent, rouges et bleus dans la même équipe. Et quand il s’agit de flinguer une décision régionale (comme une nouvelle configuration sur le rond-point Louise par exemple), ce sont eux aussi qui ont le dernier mot. Ça montre combien socialistes et libéraux sont soudés dans le Pentagone.

Mais même si cette violette aimerait repartir pour 6 ans, leur courte majorité cumulée de 28 sièges risque de ne plus suffire. D’abord parce que la Ville passera de 49 strapontins à 53. Ensuite parce que l’équilibre entre ses partenaires pourrait changer si le PS se prend les pieds dans le tapis Samusocial. Et enfin parce que ce même scandale risque de diminuer le poids des rouges, forçant les alliés à inviter un 3e partenaire. C’est pourquoi il n’y a pas eu autant de suspense depuis longtemps à l’ombre de Saint-Michel. Alors: qui pour terrasser le dragon du 14 octobre? Revue des troupes.
La majorité sortante

L'image du PS est évidemment écornée depuis l'affaire Samusocial. Mais la bête n'est pas morte et compte en ses rangs des faiseurs de voix susceptibles de limiter la casse. Outre Philippe Close, qui jouera gros ce 14 octobre, il y a évidemment tous les échevins sortants: Faouzia Hariche, Mohamed Ouriagli, Karine Lalieux, le nouveau venu Khalid Zian ou le néoprésident de CPAS Ahmed El Ktibi. Pour compenser le divorce d'avec le sp.a, qui a claqué la porte au moment où Mayeur la prenait, la liste socialiste intègre aussi des néerlandophones dont la jeune Alix Opoku Bosompra (6e) ou l'historien bien connu Roel Jacobs (47e). Enfin, on sera curieux de voir le score de Myra Thielemans (fille de Freddy).

Au MR, Alain Courtois se verrait bien ceindre l'écharpe. Ça dépendra évidemment du poids relatif de son cartel MR-Open VLD. Mais comme son partenaire du PS, en direction de qui l'échevin des sports multiplie les ronds de jambes comme un attaquant dans un petit rectangle, l'artisan éconduit du stade national coache une équipe à l'entre-jeu solide: les échevins sortant Els Ampe, Geoffroy Coomans de Brachène et Clémentine Barzin, mais aussi le député bruxellois David Weytsman et, pour pousser la liste, le transfuge ixellois Olivier De Clippele. Attention: Marion Lemesre, échevine du Commerce et 2e score 2012 de la liste libérale avec 1832 voix, ne se présente plus.
L’opposition sortante

Les adversaires les plus coriaces des partenaires PS-MR-Open VLD seront trois: le cdH-CD&V, Ecolo-Groen et DéFi. Tous ont aux lèvres des volontés de changement, de décumul, d’éthique politique.
Les humanistes d'abord changent de tête: Milquet absente, ils misent sur un visage inconnu en la personne de Didier Wauters. Conseiller communal sortant, ce dernier est accompagné par des faiseurs de voix habituels: la Secrétaire d'État Bianca Debaets ou les conseillers sortant Hamza Fassi-Firi, Bertin Mampaka et Christian Ceux, qui pousse la liste. Sans Milquet, maintiendront-ils les 10 sièges de 2012?

Chez les verts, la législature a été marquée par des dissensions et plusieurs départs vers DéFi (lire ci-dessous). Ecolo-Groen n'en espère pas moins faire basculer l'équilibre politique à la Ville et, en plus des conseillers sortant Zoubida Jellab ou Bart Dhondt, rameute les députés Benoît Hellings (1er), Arnaud Pinxteren (5e) ou Bruno de Lille comme têtes de gondole. L'ambition? Grimper en majorité. Mais le discours des verts, sévère envers l'équipe en place, risque de leur barrer la route. Les sondages semblent pronostiquer une amélioration par rapport aux 7 sièges de 2012.

DéFi enfin se présente avec le nom le plus connu de l'écurie amarante: Maingain. Le jeune Fabian, «fils de», espère en effet capitaliser sur son travail dans l'opposition. Sur sa liste, deux recrues Écolo habitués de la salle du conseil: Marie Nagy, tête de liste historique des verts, a rejoint DéFi, comme Michaël François. Le but est évidemment de faire mieux que les 3 sièges de 2012. Et pourquoi pas rejoindre MR et PS dans la majorité.
Les outsiders

Outre les grosses cylindrées, d'autres listes espèrent avancer quelques pions sur l'échiquier bruxellois. Le PTB d'abord présente une liste complète emmenée par la députée Mathilde El Bakri (photo) qui espère forcément chiper des parts au PS. Toujours à gauche, une liste citoyenne s'est formée derrière l'échevine démise Ans Persoons, qui a claqué la porte dans les négociations post-Samusocial: Change.Brussels. Enfin, il y a la liste citoyenne Plan B, complète, qui a tiré au sort ses 10 premières places et à sur laquelle se présente le fondateur du site parodique NordPresse, Vincent Flibustier.
Enfin, citons la N-VA et le Belang aux listes incomplètes, et les «petites» listes Citoyens d’Europe M3E, Islam, La Droite et Salem.
La situation jusqu’au 14 octobre
+ Nombre d'habitants au 1er janvier 2018: 179.277 (passage de 49 à 53 sièges)
Ville de Bruxelles: les sièges avant le 14 octobre
Infogram

Si Bruxelles attire les Instagrameurs et les Twittos, ainsi que les médias nationaux à chaque soubresaut d'actualité (un sapin de Noël qui arrive, un tunnel qu'on rénove, un bas-relief qu'on polit, un Schtroumpf qui s'invite...), c'est nettement moins le cas des «autres» morceaux de la commune. Haren, Laeken (ou pousse le nouveau quartier Tivoli) et Neder-Over-Heembeek doivent être «redynamisés» pour ne pas qu'ils s'enlisent dans cette image de quartiers-dortoirs loin du faste de la grande ville. Chaque parti enrôle donc des représentants de ces coins excentrés sur sa liste.
Berlin, Barcelone, Bruxelles
Close s'en défend mais on peut parfois avoir l'impression que la Ville devient Berlin ou Barcelone, deux exemples souvent cités par ses opposants. Bruit, saleté, encombrement: pas un week-end sans que le Pentagone ne subisse les conséquences de la politique événementielle à tous crins de ses édiles. Au folklore, aux city-trippers et aux traditionnels Plaisirs d'Hiver, Bruxelles les Bains et BSF, il faut maintenant ajouter des partenariats rutilants avec, pêle-mêle, Tomorrowland ou le Tour de France. Le Bruxellois vit de plus en plus avec des boules quies. Cette «événementialisation» de la Ville, argument de marketing touristique, se fait-elle au détriment de la culture avec un grand C? Cette abondance événementielle a-t-elle atteint un point de non-retour? Les questions, que l'opposition relance régulièrement, devront être posées.

La prochaine législature sera aussi celle qui verra le début de chantiers colossaux parmi lesquels le projet Neo (en partenariat avec la Région), destiné à redessiner tout le quartier du Heysel. L'idée est de ramener un peu de vie, de commerces et d'attrait dans une banlieue où les navetteurs ne font que passer (en voiture) et qui roupille entre les matchs des Diables. Mais ces équipements provoqueront aussi un afflux de nouveaux habitants et travailleurs. Par ailleurs, il faudra concerter Fédéral et Région pour rénover le stade Roi Baudouin puisqu'il n'est plus question d'arène nationale. Uncentre de congrèscouronnera le tout et on parle régulièrement d'un étang de baignade, arlésienne dans une capitale en manque de piscines. De plus, Courtois aimerait aussi construire, au Heysel ou ailleurs, une salle de basket pour le club du Brussels, à l'étroit à la piscine de Neder.

Rayon chantier, après la rénovation de la rue Neuve, l'inauguration du Piétonnier et avant la refonte du boulevard Adolphe Maxannoncée in extremis avant le scrutin, la Ville posera aussi la première pierre de son centre administratif Brucityà l'emplacement du parking 58. La Bourse quant à elle doit accueillir un «temple de la bière» dont les contours ne sont pas encore arrêtés même s'il a fait couler autant d'encre que les touristes n'éclusent de triples dans l'Îlot Sacré. Et puis, il faudra gérer les inévitables rebondissements dans la construction de la prison de Haren et dans la gestion urbanistique du parc Maximilien, pour lequel chaque parti a sa religion.
Enfin, et c'est sans doute primordial: avec plus de 10.000 habitants supplémentaires depuis le dernier scrutin (!), il faudra continuer la politique d'équipement à destination des familles. Crèches, écoles, logements moyens, logements sociaux devront continuer à se multiplier. Ça a été le cas lors de la législature qui s'achève. Les chiffres de l'IBSA font en effet état d'une stagnation, voire d'une petite augmentation, des taux de fréquentation des écoles par les enfants issus de la commune, ce qui prouve les ouvertures à flux tendu. Idem pour le taux de logements sociaux. Les places en crèches, elles, ont bondi de 41 à 47 pour 100 enfants de moins de 3 ans. L'exécution du contrat de quartier Marolles et l'édification du nouveau quartier Tivoli à Laeken, entre autres, contribueront à maintenir le rythme.