Arawi veut faire germer la fève du cacao d’Équateur dans la forêt du chocolat belge
«Arawi» signifie «poésie» en langue quechua. Avec sa marque, le Bruxello-équatorien Miguel Escudero veut convaincre les chocolatiers belges des mérites du cacao de son pays d’origine. Il le présente pour la première fois au Salon du Chocolat 2018, du 2 au 4 mars.
Publié le 01-03-2018 à 09h37
:focal(368.5x254:378.5x244)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2UAQHS4TAFGP7FJ42UZD43TZ6I.jpg)
«La tartine au beurre avec des crottes de souris, ça m’a marqué! Des vermicelles de chocolat, j’en ai toujours à la maison. J’ai 38 ans mais j’en mange encore!»
Né de mère bruxelloise et de papa équatorien, Miguel Escudero a «toujours adoré le chocolat». C’est lors de ses vacances annuelles chez ses grands-parents qu’il découvre notre délice national. «J’en rapportais pas mal en équateur parce qu’à l’époque, le chocolat belge était inconnu là-bas. D’ailleurs, ça n’a pas beaucoup changé». Le pays d’Amérique latine est pourtant le 4e pays producteur de cacao au monde (chiffres 2017), «à hauteur de quelque 5%», estime le néo-Bruxellois.

C'est d'abord pour mieux faire connaître la fève de son pays auprès de nos chocolatiers que l'ancien fonctionnaire du ministère de l'industrie équatorien s'est installé à Woluwe en juin. Aidé par Finance.brussels et le Village Partenaire, il vante depuis la faible amertume et les saveurs fruitées et «un peu vineuses» du «cacao nacional», le porte-drapeau équatorien aux caractéristiques proches du criollo. L'argument qu'il présentera au Salon du Chocolat 2018: Arawi (pour «poésie» en langue quechua), la marque bio qu'il lance avec son cousin planteur Carlos Davila.
«Il possède deux plantations rassemblant quelque 400ha dans les provinces de Guayas et El Oro, sur la côte équatorienne», détaille l’importateur. «Nos plantations sont entourées de cultures de bananes, d’oranges, de bois, de mangues...: ça influence les saveurs de nos fèves». Arawi s’inscrit dans la tendance «bean to bar», de la fève à la tablette. «Mais on va encore plus loin puisqu’on maîtrise la plantation, le séchage, la torréfaction...»

La gamme proposée regroupe donc du grué (des éclats de fève torréfiée ou «nibs» en anglais), de la pâte de cacao, de la poudre affichant tous 100% de cacao. Mais aussi des chocolats de couverture et, plus original, une étonnante infusion aux vertus de superaliment. De quoi séduire les particuliers pour leurs desserts, brownies, glaces, yaourts ou cacao chauds, mais aussi les professionnels qui souhaiteraient se lancer dans la praline ou la tablette en échappant aux industriels belges. «Notre cacao me semble parfait pour les artisans qui voudraient essayer de nouvelles choses ou pour se lancer comme chocolatier sans trop investir». Parce que le «bean to bar» nécessite aussi pas mal de machines.
Outre cette origine géolocalisable à l’hectare près, ce qui n’est déjà pas banal, les clients d’Arawi s’assurent aussi que les 40 employés de la plantation sont payés équitablement. «500$ par mois, c’est un salaire qui permet de vivre en Équateur. Ce n’est pas la richesse mais c’est 12 fois plus qu’en Afrique et en plus, les travailleurs ont accès à la sécurité sociale», promet Miguel Escudero. Dont le positionnement équitable a permis un financement à 0% par le programme d’investissement durable Funds for Good.

Le but désormais: convaincre le très exigeant et concurrentiel secteur belge que la fève équatorienne et les dérivés Arawi fondent aussi bien que les filières habituelles des géants du secteur. «Après, je pourrai peut-être me payer un conteneur sur un bateau avec des confrères équatoriens». Un objectif terre à terre qui permettra à Arawi de voguer vers d’autres marchés.

L’Équateur entretient des liens historiques avec le cacao. «On a longtemps cru que la fève venait du Mexique. C’est l’histoire de Cortes et des colons espagnols. Mais des études récentes prouvent que le cacao était bu en Amazonie équatoriale bien avant l’empire aztèque. Des fouilles ont retrouvé des récipients datant de 5300 avant notre ère», relate Miguel Escudero.
Au début de l’ère industrielle, l’Équateur se positionne comme leader du marché mondial de l’or brun. Nous sommes à la charnière des XIXe et XXe siècles. «Depuis, l’Afrique est entrée dans le jeu», constate le néo-Bruxellois. «Mais l’Équateur a depuis développé des variétés plus résistantes aux maladies, qui sont croisées avec nos essences historiques». C’est le cas de l’hybride CCN51, robuste et plus productif que le «vieux» nacional, mais qui risque aussi de «polluer» les plantations de la variété originelle.
En 2018, les chocolatiers équatoriens restent rares. Miguel Escudero souhaiterait doper leur image en Belgique. «Ça bouge depuis quelques années: des artisans tentent d’apporter au chocolat ce que le pays a de mieux. Des producteurs enrichissent leurs saveurs avec du sel, du pili-pili, du quinoa, de la citronnelle...»