VIDÉO | Chauffeur VIP: une formation pour apprendre un métier à part entière
Ambassadeurs, chefs d’entreprise, parlementaires, ministres régionaux et autres personnalités influentes ont leur propre chauffeur pour leurs déplacements. On parle bien ici de chauffeurs pour VIP, de maître ou encore de «personnalités à risques». Un vrai métier. Combien sont-ils? Et quelle formation faut-il suivre pour exercer ce métier particulier?
Publié le 27-11-2017 à 07h00
Ils sont entre 5 000 et 6 000 en Belgique. Mais le taux de formation à ce métier particulier reste cependant faible, de l’ordre de 5 à 10%. Mais il est vrai que cette formation n’est pas obligatoire pour exercer.
Des formations à cette profession assez particulière, il en existe peu, très peu. On dira même qu’elles sont inexistantes chez nous. À Gelbressée, à un jet de pierre de Namur, nous avons bien trouvé une société spécialisée dans ce secteur, SL Consultance. Rencontre.
En souplesse

Rouler en souplesse, penser au confort…
Comment apprend-on à devenir un chauffeur VIP? Nous avons suivi un chauffeur en formation…
«Doucement. Tu as freiné un peu tard. Et donc trop fort. Ton patron, assis à l’arrière, a certainement dû être gêné pendant sa lecture du journal…»
Le ton est doux, mais néanmoins ferme. Stany Ledieu, patron de la société SL consultance, a formé environ 400 chauffeurs au cours des huit dernières années. Et il sait donc de quoi il parle quand il forme ses candidats…
À sa gauche, au volant de l'Audi A6 noire automatique d'écolage, Vincent, 43 ans. Dix-huit ans comme chauffeur de bus. Et il réfléchit depuis un certain temps à une reconversion professionnelle. « Je me suis lancé dans la formation de chauffeur VIP, dit-il avec un large sourire. J'aimerais être chauffeur pour diplomates. Enfin, on verra…»
On verra. Car la formation, qui s’étale sur plusieurs journées et se clôture par une évaluation, n’est pas chose si aisée.
Tout le monde sait rouler, mais…
«Il ne s'agit pas de rouler, explique d'ailleurs Stany Ledieu. Tout le monde sait faire avancer une voiture. Mais savoir conduire, c'est encore autre chose. Il ne faut pas perdre de vue que la personne qui est assise à l'arrière souhaite profiter des trajets pour travailler, lire ou encore se reposer. Donc, la conduite s'articule autour du confort. Elle doit être souple.»
Le premier ennemi pour tout chauffeur VIP: la force centrifuge. «Cette force qui, dans un virage, vous fait pencher vers l'extérieur de la courbe. Si le chauffeur va trop vite ou aborde mal une courbe, son patron ou le client, risque d'être ballotté…»
Du coup, les virages ne s'abordent pas n'importe comment. Entrer par l'extérieur du virage, puis la corde et à nouveau l'extérieur en sortie. «Tout en douceur, tout en souplesse.»
Rien n’est laissé au hasard
À l’arrière, il y a Pierre. Qui joue le rôle du chef d’entreprise. En réalité, il est instructeur et endosse le rôle du client: rendez-vous à tel et tel endroit, déjeuner dans un restaurant précis, achat improvisé dans une librairie dans un centre-ville… Autant de conditions qui plongent le candidat dans les situations qu’il sera susceptible de rencontrer plus tard.
Et rien, absolument rien, n’est laissé au hasard: la manière de tenir le volant, la manière d’aborder les bosses, les casses vitesses et autres obstacles. Rouler dans un centre urbain, avec ou sans travaux ou encore sur un grand axe.
Tout cela en conservant une certaine distance avec les autres véhicules, le tout sous le regard bienveillant mais intransigeant de Stany Ledieu. «Il faut avoir une vision périphérique à 360 degrés, de manière à pouvoir anticiper ses réactions propres, mais aussi les gestes des autres usagers. Ceci pour éviter les accidents bien sûr, mais aussi pour conserver l'aspect confort pour le patron ou le client assis à l'arrière.»
Évident? Que nenni, car la voiture doit rester de surcroît en mouvement permanent, même très léger, pour éviter les à-coups liés à l’arrêt du véhicule. Mais aussi pour réduire le risque d’agression extérieure, comme un car jacking ou un sac-jacking.
«Monsieur, nous allons arriver à destination dans 5 minutes…» glisse alors doucement Vincent à l'attention de Pierre. Presque terminé le travail du chauffeur? Non, car il y a encore tout le processus du débarquement…
Découvrez notre reportage vidéo ci-dessus.
«Reprendre à zéro»
La formation, certes fatigante, peut avoir de bons côtés. Même s'il faut tout reprendre à zéro.
Il ne s’attendait pas à cela. Avec ses 18 années de conduite d’autobus, Vincent pensait avoir au moins une légère idée de ce qu’était la conduite «souple».
«Et bien pas du tout, dit-il. Quand j'ai commencé ma formation, j'ai rapidement réalisé que j'étais finalement très loin du compte. Il a fallu que je reprenne tout de zéro. Et les instructeurs sont très exigeants. Il faut voir les informations qu'il faut digérer au cours d'une journée de formation. Il faut tout anticiper, regarder à tout. On sort de là complètement vidé. Mais j'aime ça…»
Les journées de formation « heureusement », ne se suivent pas. «Ce qui me laisse le temps de bien m'imprégner et pratiquer tout ce que j'ai appris avant d'attaquer une nouvelle journée de formation.»
Et, surprise, alors qu'il conduit chez lui comme il l'apprend en formation, Vincent réalise que cela lui est bénéfique… « En effet, j'ai constaté que ma consommation personnelle de carburant avait bien diminué et ce, sans réduire les parcours que je suis habituellement…»

«Tous ont obtenu un travail»
Huit ans à former des chauffeurs. 400, environ, sont déjà passés entre ses mains. «Et tous ont obtenu du travail après leur formation», garantit Stany Ledieu. Cet ancien membre de la police judiciaire et criminologue s'est reconverti, entre autres, dans la formation de chauffeurs VIP au sein de sa société, agréée par le SPF Intérieur.
Aujourd’hui, les chauffeurs qu’il a formés œuvrent pour des chefs d’entreprise, des diplomates d’ambassades d’Espagne, de Norvège, d’Israël, des parlementaires et ministres régionaux, des hommes et femmes d’influence, un gouverneur, entre autres…
Mais il le dit aussi clairement: il se réserve le droit d'accepter ou pas un candidat… Les qualités d'un bon candidat chauffeur VIP? «Une bonne élocution est indispensable, tout comme avoir une bonne présentation, tant physique (pas de tatouage visible par exemple) que vestimentaire (costume cravate obligatoire). Enfin, connaître une langue étrangère peut être un plus. Et aimer conduire, évidemment…»
La formation s'étend sur plusieurs jours selon le module souhaité, eux-mêmes dispersés sur une période plus longue, «ce qui permet au candidat d'appliquer au quotidien ce qu'il a appris au cours d'une journée.» Facile la formation? Certainement pas. «Le niveau à la sortie doit être l'excellence. Dans ce secteur particulier, une erreur ne pardonne pas…»
La gestion des embarquements

Conduire une voiture, c'est une chose. Mais le travail du chauffeur VIP ne se limite pas à juste rester assis derrière le volant et préparer la route. «Il y a toute une gamme de services…» Le débarquement, qui doit toujours se faire au point le plus proche de la destination, s'effectue selon un modus operandi bien déterminé. Et cela vaut autant que pour l'embarquement. Et le chauffeur doit s'adapter selon qu'il y ait une ou deux personnes à embarquer, s'il y a des valises ou des petits paquets. Une situation qui peut être agrémentée par la pluie avec l'usage obligatoire d'un parapluie. Pas question d'ouvrir les portières n'importe comment et n'importe où. Le positionnement du chauffeur est lui aussi important, «pas question de montrer le dos au patron ou au client, par exemple.» Tout cela en conservant toujours un œil sur ce qu'il se passe autour du véhicule…
Et il y a tout le reste: conserver la voiture dans un bon état de propreté, évidemment. Prévoir des petites bouteilles d'eau accessibles, des mouchoirs, des pastilles pour la gorge, des vêtements de rechange, un foulard s'il s'agit d'une dame, etc. Bref la liste est longue. «Et puis, le chauffeur peut faire aussi preuve d'initiative, comme emmener de la musique ou une revue qu'apprécie son patron par exemple.»
Autre qualité appréciée chez un chauffeur outre la disponibilité: la discrétion. On connaît des chauffeurs qui sont devenus de véritables confidents…

