À quoi ressembleront vos poubelles demain? «Plus besoin de réfléchir au jour de sortie pour manger des moules»
DOSSIER | Le MR bruxellois a invité des spécialistes du secteur des déchets à se pencher sur les collectes des ordures de demain. Poubelles connectées, conteneurs à badges ou sac mauve pour tous les plastiques ont été évoqués. Dès maintenant, les libéraux plaident pour «un ramassage différencié suivant les quartiers de Bruxelles».
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Publié le 02-05-2017 à 14h04
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La récolte et le traitement des déchets sont-ils «dépassés» à Bruxelles? C’est l’avis du groupe MR au Parlement bruxellois. Sous l’impulsion de la députée Anne-Charlotte d’Ursel (lire ci-dessous), les libéraux ont donc réuni ce 27 avril plusieurs professionnels du secteur pour esquisser une alternative «d’avenir» aux sacs blancs, bleus, jaunes et oranges «qui jonchent les trottoirs».
On en retient quelques tendances prometteuses
Les poubelles connectées

En matière de ramassage, il semble que l'avenir s'appuiera d'avantage sur l'internet des objets. Ainsi, Veolia développe déjà une optimisation de la collecte des déchets via un capteur qui sonde le volume des poubelles et remonte leur taux de remplissage en temps réel au gestionnaire. Un système qui fait penser aux « poubelles connectées » de la Ville de Bruxelles.
«Avec notre produit Waste Namics, on passe de 50-55% de taux de remplissage à 80-85%», assure Mathieu Davy, chef de projet chez Veolia. «Nos capteurs permettent ainsi d’adapter les tournées en fonction de ce taux puisqu’ils permettent de prédire le jour où les conteneurs sont remplis». L’homme assure en outre que la technologie «diminue le nombre de camions en rue et permet des placements optimaux des collecteurs».
Un écueil cependant: le prix. «20 à 30% du coût de fonctionnement dépendent de l’utilisation des réseaux mobiles, qui ne sont pas encore adaptés à ces usages», concède Mathieu Davy, ce qui a pour effet de doper les factures tout en grillant les batteries. Veolia reconnaît donc que Waste Namics «ne décolle pas». «Nous fondons nos espoirs sur le développement de la norme NB-IOT», pose le technicien. «A ce moment, le gain de temps sur la collecte financera le surcoût technologique».
Le conteneur à badge

Concernant les erreurs de calendrier ou les amoncellements disgracieux de sacs sur les trottoirs, la solution pourrait venir des conteneurs à badges magnétiques. L'IBW (Intercommunale du Brabant wallon) va tester le concept à Court-Saint-Étienne dans l'écoquartier Court Village, en voie d'achèvement. Ces conteneurs collectifs seront enterrés. Munis d'un lecteur de badges, ils s'ouvriront en fonction du solde que le riverain aura alimenté sur son compte individuel. Pas de jeton? Pas d'ouverture.
«C’est une solution innovante pour les habitats groupés ou les nouveaux lotissements», assure Isabelle Tresinie, de l’IBW. «Elle permet d’oublier les stockages intérieurs des ordures ménagères et de libérer ces locaux pour le rangement. Ces conteneurs évitent aussi les dépôts anarchiques puisqu’on peut y déposer sa poubelle quand on veut. Ainsi, plus besoin de réfléchir au jour de sortie pour s’offrir des moules! Enfin, le compte numérique remplace le sac-poubelle payant: une ouverture s’achète au prix d’un sac». L’IBW mesurera le taux de remplissage de ces dispositifs en calculant le nombre d’ouvertures des poubelles.
L’imposer dans les lotissements?
Quid du coût? Il s’élève à 8700€ pour le conteneur à ordures ménagères, et 7250€ pour le modèle «verre» que l’IBW compte aussi tester. La maintenance est de 9€/habitant/an mais «diminuera avec le nombre de conteneurs à badges», pense Isabelle Tresinie puisque là aussi, du temps et des tournées seront gagnés grâce à la technologie.
Outre son prix «qui sera amorti par les charges d’urbanisme imposées au promoteur qui construit des nouveaux logements», l’écueil de ce système pour Bruxelles est qu’il doit être prévu en amont de la construction. Il semble en effet difficilement compatible avec les impétrants dans les quartiers les plus densément peuplés.
Notons qu'un système similaire est implanté à Seraing par Intradel.

Le sac mauve P+MC

Pour réduire le poids du sac blanc (et donc les coûts) tout en améliorant le tri (et donc le recyclage) dès le seuil de votre logement, une idée pourrait venir de l'intégration de tous les plastiques aux PMC. Fost Plus teste ainsi l'application des Belges à trier mieux avec un nouveau sac mauve disponible dans quelques communes, dont Hannut, Frameries et Marchin.
«Nous appelons ce sac P+MC», décompose Eric Monami, de Fost Plus. «Parce qu’à la différence du sac bleu traditionnel, il permet d’intégrer tous les plastiques, rigides ou souples. Soit les barquettes, les tubes de dentifrice, les déodorants en spray, les films d’emballage, les sachets...»
Quid si on consigne?
Le citoyen embraye-t-il dans ces villes où le mauve zappe le bleu? Et le tri permet-il un meilleur recyclage? «Nous avons réalisé ces tests dans trois configurations: tous les plastiques ensemble, puis les souples à part d’un côté et les rigides à part de l’autre côté», continue Eric Monami. «Ces tests sont encourageants. Les citoyens sont enthousiastes même s’il y a de la résistance à ajouter un sac, surtout dans les villes denses». On ne s’étonne donc pas que le scénario à un seul sac soit le mieux reçu.
Poussant pour ce tri plastique élargi, Eric Monami pointe deux écueils. Le premier, c’est la nécessaire modernisation des installations de tri. D’où la nécessité sans doute de globaliser ce nouveau système à tout le pays». Quid dès lors des entreprises, des lieux publics comme les gares, ou des vacanciers? Second écueil: la possibilité de consigner les bouteilles en plastique. «Pour s’engager vers le sac mauve, il faut retirer ce risque».

Et ailleurs en Europe?

Stephan Kampelmann, chercheur à la fac d’architecture La Cambre-Horta de l’ULB, travaille sur les déchets organiques. À ce titre, il s’intéresse à tout ce qui favorise le traitement de ces matières biodégradables, mais aussi aux solutions mises en œuvres partout en Europe pour collecter et recycler les poubelles.
«40% du volume du sac blanc est de l’organique. Mon problème, c’est de sortir ces 130.000 tonnes annuelles du sac blanc. Le sac orange récemment généralisé me semble très peu esthétique. Surtout, sa matière plastique peut poser de graves problèmes une fois de retour dans le circuit agricole si elle est recyclée avec son contenu».
Le chercheur pointe diverses solutions utilisées ailleurs pour traiter ces peaux de bananes, épluchures, restes de repas ou essuie-tout. «À Lorient, ils utilisent un "bio-seau" ajouré de 7l équipé d'un sac biodégradable: 20% du volume d'eau s'y évapore dans la maison, qu'on ne doit donc pas collecter. Ce qui épargne aussi odeurs et pourritures.
Autre solution pour les déchets ménagers à Usurbil, au Pays-Basque espagnol. «Chacun y accroche sa poubelle individuelle à un "totem" disposé dans chaque rue. Le dispositif, pratique dans les quartiers denses, s'ouvre avec un code bar». Esthétique et discret, ce «totem» fait aussi gagner du temps aux ramasseurs, qui épargnent des allers-retours et des stops incessants dans les rues étroites.
Plus anecdotique, et nettement plus coûteux: la récolte pneumatique des déchets en cours dans certains quartiers denses de Paris ou Barcelone. «L'avantage: la propreté en surface et l'accessibilité 24h/24. Le risque: la panne».
Pour les déchets organiques, Stephan Kampelmann pointe encore le vote parisien sur l'esthétique des composts urbains à apport volontaire. «Le design choisi, en bois, plus joli, passe mieux en pied d'immeuble», assure le spécialiste, qui note aussi les dispositifs de vermicompostage, également à Paris.
Et l'universitaire de terminer par Bruxelles, pour montrer que les alternatives existent. «Une installation pilote de microbiométhanisation va être implantée à la ferme Maximilien intégrant des digesteurs de 20m3. Enfin, au Village Partenaire de Saint-Gilles, des poules se goinfrent des restes des collaborateurs, initiative primée au niveau européen».

Anne-Charlotte d’Ursel: «Il faut songer à l’enfouissement»

C’est peu dire que le MR se pince le nez en reniflant la collecte des déchets en place à Bruxelles aujourd’hui. «Les sacs jonchent les trottoirs, 100 camions très polluants tournent en permanence dans les rues, le tri organique pose problème dans les petits logements...», peste Anne-Charlotte d’Ursel. «Tout ça donne l’impression que Bruxelles est une ville sale. Pas uniquement dans les quartiers denses, mais aussi dans les communes plus vertes où les animaux éventrent les sacs».
La députée libérale estime donc que «le ramassage uniforme est dépassé». Elle dénonce aussi la solution «avancée à chaque réforme des collectes» qui est celle d'engagements supplémentaires. Elle doute enfin de l'efficacité de la règle permettant aux 2000 ramasseurs de Bruxelles Propreté de rentrer chez eux dès la tournée terminée. Elle insiste aussi pour l'application du principe du pollueur-payeur, «pour responsabiliser les citoyens».
Au-delà des pistes d'innovation évoquées, le MR plaide pour «des traitements différenciés suivant les quartiers, respectant le bâti». Anne-Charlotte d'Ursel voit aussi dans le Piétonnier du centre «l'occasion de réfléchir. Il faut y songer à l'enfouissement», plaide la députée, «malgré les impétrants».
Pour les nouveaux quartiers, la libérale veut « intégrer de nouveaux modes de collectes dans les règles urbanistiques des nouveaux lotissements».
Enfin, plutôt que de favoriser le transport des déchets par la route vers les centres de recyclage, le MR «compte soutenir le développement de la voie d'eau», déjà dans le viseur de Suez qui planifie l'élargissement de ses quais sur le canal, épargnant 4000 camions par an.
